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Intervention de Philippe Martin

Réunion du 28 septembre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Martin :

Malgré les engagements répétés du Premier ministre, malgré les déclarations rassurantes de la ministre de l'écologie et de Christian Jacob, malgré l'engagement sincère d'un grand nombre de députés de la majorité en faveur d'un arrêt de l'exploitation des gaz de schiste sur le territoire national et d'une abrogation des permis accordés en mars 2010 par Jean-Louis Borloo, force est de constater que nous avions vu juste en ne votant pas la proposition de loi Jacob adoptée il y a quelques mois.

Lors des débats en séance, nous avions indiqué que ce texte était non seulement flou et en deçà de l'ambition initiale, mais que, au rebours de l'objectif recherché, il allait fournir aux industriels titulaires des permis exclusifs de recherches une base légale leur permettant de poursuivre leur activité ; pour le coup, monsieur Paternotte, monsieur Havard, « ambigu » est assurément l'adjectif qui le caractérise le mieux.

Les déclarations du directeur de Total Gas Shale Europe, Bruno Courme, le 12 septembre dernier, soit la veille de l'expiration du délai prévu à l'article 3 de ladite loi – aux termes duquel les titulaires de permis doivent remettre, au plus tard deux mois après la promulgation de la loi, un rapport précisant s'ils ont ou non recours à la facturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation du sous-sol –, sont révélatrices du cynisme des entreprises concernées, mais aussi du double langage du Gouvernement. Comme nous l'avions prévu, il aura suffi à ces groupes de prendre acte que la facturation hydraulique est proscrite sur notre territoire national, de ne pas préciser – au mépris de l'article 3 de la loi – le type de technique qu'ils envisagent d'utiliser pour se mettre en conformité avec la loi et conserver leur permis en attendant que la mobilisation citoyenne retombe ou que le Gouvernement cède.

Tout au long de la mission parlementaire que François-Michel Gonnot et moi avons conduite, pas un seul de nos interlocuteurs ne nous a dit ou laissé entendre qu'une autre technique que la fracturation hydraulique avec forage horizontal et utilisation d'un fluide composé d'eau et d'un agent chimique de soutènement était possible, voire envisageable. Tout juste nous a-t-on indiqué que des techniques de fracturation très lourdes de conséquences pour l'environnement – fracturation pneumatique ou fracturation utilisant du propane liquéfié – avaient été testées, notamment en Amérique du Nord.

Non seulement la loi Jacob n'a rien réglé, mais elle a créé de nouveaux problèmes en interdisant la fracturation hydraulique sans la définir, en obligeant « gentiment », passez-moi l'expression, les industriels à déposer un rapport faisant état des techniques utilisées, sans prendre la peine de définir des critères précis pour sa rédaction.

Grâce au tour de passe-passe inscrit dans cette loi, les titulaires de permis exclusifs se frottent les mains et envisagent tous de poursuivre le « fric-frac » de notre sous-sol. Ce ne sont pas les quelques abrogations mineures que Mme Kosciusko-Morizet nous jettera en pâture qui changeront notre vision des choses.

Parce que le Gouvernement et sa majorité n'ont pas voulu faire ce qu'ils avaient dit qu'ils feraient, c'est-à-dire abroger purement et simplement des permis à la fois imprudemment accordés et en contradiction avec le Grenelle de l'environnement, la loi Jacob est en fait celle qui a durablement autorisé l'exploitation des gaz de schiste en France. Je rappelle qu'à l'époque, Christian Jacob appelait de ses voeux un moratoire ad vitam æternam – il fallait sans doute comprendre « ad sénatoriales », mais, là aussi, la fracturation hydraulique a été forte ! Cette loi est de circonstance ; elle est floue et fait fi des enjeux auxquels la société est confrontée, sans répondre aux attentes des élus et des citoyens.

La présente proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de celle que nous avions déposée en mai : elle vise à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, quels qu'ils soient et quelles que soient les techniques utilisées.

Outre que l'extraction d'hydrocarbures non conventionnels ne fait qu'accroître notre dépendance aux énergies fossiles – alors même que le Gouvernement prétend vouloir le contraire –, les conséquences de leur exploitation sont connues : menaces sur la ressource en eau, problèmes de gestion des déchets et atteintes graves aux paysages et à l'économie touristique.

Pour ce qui concerne l'exploitation de gisements en eaux profondes, rappelons les risques d'explosion et les conséquences des marées noires, hélas de plus en plus fréquentes, sur la biodiversité marine, sur les activités de pêche, sur le tourisme…

Le constat d'une législation ambiguë, insuffisante et même dangereuse, tournant le dos à la transition énergétique et environnementale, a conduit notre groupe à déposer, comme il l'avait annoncé au début de l'été, une nouvelle proposition de loi pour préciser et clarifier notre droit. Ceux d'entre vous qui ont soutenu de bonne foi la loi Jacob et qui, se référant aux engagements qu'ils ont pris vis-à-vis des habitants de leur territoire, constatent que rien n'a changé, ne pourront qu'approuver un texte qui répond effectivement à ce qu'ils souhaitaient au printemps dernier.

L'article 1er proscrit non seulement l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national en s'adossant à la Charte de l'environnement et au principe d'action préventive, mais il définit le concept, jusqu'ici ignoré du code minier, d'hydrocarbures non conventionnels.

Le deuxième article, dans un souci de clarification, annule les arrêtés ministériels exclusifs de recherches des mines d'hydrocarbures gazeux ou liquides en France. À ce sujet, le Gouvernement a fait de l'indemnisation un argument contre l'abrogation des permis accordés ; nous considérons, tout au contraire, que l'indemnisation des industriels n'est en rien automatique après l'annulation d'un acte administratif qui leur était favorable. S'il doit y avoir une indemnisation, elle devra être fixée selon des critères objectifs – état d'avancement des travaux et sommes engagées, notamment –, selon une procédure exceptionnelle ou ponctuelle. Dans la mesure où aucun projet de travaux n'a été lancé à ce jour, l'abrogation des permis ne devrait se traduire, le cas échéant, que par une indemnisation limitée.

Enfin, les articles 3, 4 et 5 visent à assurer enfin la transparence du secteur minier. Le déficit démocratique lié à l'attribution des permis de recherches, à l'origine de la mobilisation des citoyens et des élus, ne peut perdurer. Dans le strict respect de la Charte de l'environnement, notre proposition de loi vise à garantir l'information et la participation citoyennes dans le processus de délivrance des permis de recherches et d'octroi des concessions.

Au-delà du débat sur les impacts environnementaux et économiques de l'exploration des mines d'hydrocarbures non conventionnels, le groupe SRC s'interroge la politique énergétique qui semble être celle du Gouvernement, à savoir privilégier le développement du nucléaire et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels au détriment des énergies renouvelables, de l'éco-innovation et des investissements en faveur de l'efficacité énergétique. Ces choix politiques nous enferment dans la dépendance aux énergies fossiles ; ils empêchent ainsi notre pays de s'engager dans un modèle de développement soutenable. De ce point de vue, notre proposition de loi vise à inscrire notre politique énergétique dans le processus de transition écologique que les Français appellent de leurs voeux.

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