Nous devons dans ce domaine être très prudents et ne pas nous tromper de cible.
Au début, l'idée d'Éric Ciotti était de mettre des jeunes délinquants dans des camps ou des casernes avec un encadrement militaire, un peu comme l'avait fait l'amiral Christian Brac de La Perrière. Sur un mode associatif de jeunes délinquants majeurs, déjà incarcérés, et considérés comme réinsérables par l'administration pénitentiaire, étaient accueillis avec un taux de réussite positif, de l'ordre d'un sur deux, comme pour les centres EPIDe. L'encadrement était assuré par des militaires volontaires.
Je pense qu'il ne revient pas aux militaires de faire un travail d'éducateur, de surveillant ou de « garde-chiourmes ». Ils n'entrent d'ailleurs pas dans l'armée pour cela, quel que soit leur grade. En outre, ils n'ont pas aujourd'hui beaucoup de moyens de coercition.
Pour avoir visité plusieurs centres EPIDe – notamment celui que nous avons la chance d'avoir à Marseille –, je trouve assez extraordinaire de voir ces jeunes hommes ou femmes qui y ont séjourné redonner un sens à leur vie, prendre conscience de la chance qui leur est offerte, trouver un emploi, aussi modeste soit-il, et renouer avec une existence normale. Le public en est très varié : des laissés-pour-compte, des délinquants, mais aussi des enfants martyrisés. Ces jeunes viennent volontairement dans les centres parce qu'on leur en a parlé lors de la journée défense et citoyenneté ou dans les pôles emplois, et il y a effectivement plus de demandes que d'élus.
L'encadrement de ces jeunes est assez exemplaire : ils sont volontaires, ils marchent au pas, chantent La Marseillaise, assistent à la levée quotidienne des couleurs, avec une discipline d'internat, un respect de l'autre et de soi, une hygiène de vie, le port de l'uniforme et des règles de vie en commun. Selon la formule, « le fort aide le faible » : comme les niveaux sont très disparates – certains sont allés jusqu'au baccalauréat, d'autres savent à peine lire et écrire –, les meilleurs encadrent les moins bons, au travers d'une sorte de tutorat. Ils passent un diplôme national reconnu, du niveau du certificat d'études. Tous s'inscrivent dans un parcours de vie, avec un objectif professionnel. L'EPIDe les aide à trouver un emploi en négociant avec des entreprises, avec le résultat positif qui vient d'être rappelé.
Il ne faut pas présenter aux mineurs délinquants les centres EPIDe comme une alternative à la prison ou à des travaux d'utilité publique – bref quelque chose d'obligatoire ou une punition –, mais comme une planche de salut, une nouvelle chance – ce qui n'est pas aisé à traduire dans la loi.
Le texte prévoit d'ailleurs une durée de présence de quatre mois à six mois, contre huit mois pour les actuels volontaires : cette dérogation n'est pas souhaitable, la finalité étant d'inscrire ces jeunes dans un parcours d'emploi et de réussite. Il convient donc qu'ils soient assujettis au régime général de l'EPIDe.
Il faut aussi que le dispositif soit équilibré : la répartition des 160 places prévues dans les 20 centres conduit à héberger en moyenne huit mineurs délinquants dans chacun d'eux, ce qui me paraît un maximum. Il ne faudrait pas que par un excès de générosité, on mette en péril le bon fonctionnement des centres, dont le public est fragile. Le travail des anciens militaires ou enseignants qui encadrent les jeunes n'est pas facile : il mérite d'ailleurs d'être salué.