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Intervention de Jean Bardet

Réunion du 20 septembre 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Bardet, député, co-président du groupe d'études sur la route et la sécurité routière :

Si j'ai refusé de faire partie de la mission que vous présidez, monsieur Jung, c'est, certes, pour des raisons personnelles, mais, surtout, parce que je vous fais entièrement confiance, ainsi qu'à M. le rapporteur, d'une part, pour formuler des propositions raisonnables s'inscrivant dans le cadre de la politique menée par l'ensemble des gouvernements qui, depuis plus de 25 ans, se sont attaqués à ce fléau qu'est l'insécurité routière, et, d'autre part, pour répondre aux questions légitimes que se posent les usagers sur un certain nombre de dispositions, dont ils ne comprennent pas toujours l'utilité.

En effet, entre les différentes thèses en présence, il semble qu'une incompréhension réciproque empêche toute discussion, tant à l'Assemblée nationale – où une part de démagogie, comme je l'ai dit, n'est pas exclue –, que dans certains endroits où se tiennent ce que je pourrais appeler des propos de « café du commerce », qui consistent souvent à contester pour contester – depuis Jules César, nous savons combien les Gaulois sont frondeurs. En fait, au même titre que nous croyons que notre équipe de foot est la meilleure du monde, nous pensons que nous sommes d'excellents conducteurs. De la même façon que nous estimons que, lorsque notre équipe préférée perd un match, c'est la faute de l'arbitre, nous considérons que, quand nous avons un accident, c'est la faute des autres ; c'est d'ailleurs le cas aussi pour ceux qui ont bu un « petit coup » – ils connaissent leurs limites, disent-ils.

Je suis plutôt favorable à la politique menée par les différents gouvernements depuis 25 ans en matière de sécurité routière car, grâce à elle, le nombre de tués sur les routes est passé de 17 000 en 1971 à moins de 5 000 en 2005 et à moins de 4 000 en 2010. Je note, de plus, que, même si la vie humaine est sans prix, le coût des accidents de la route a été évalué en 2009 à 24,7 milliards d'euros, ce qui représente plus de deux fois le déficit de la sécurité sociale pour la même année.

L'augmentation de la mortalité routière constatée en ce début d'année – qui constitue d'ailleurs l'une des raisons de la création de cette mission – a coïncidé avec l'assouplissement des règles de récupération des points de permis tandis que l'amélioration qui a suivi a coïncidé, quant à elle, avec l'affirmation du Gouvernement qu'il n'avait pas l'intention de baisser la garde.

Les raisons de cette évolution ne sont pas univoques, et la nécessaire répression que certains considèrent actuellement comme une atteinte à leur liberté n'est qu'un élément de la politique de sécurité routière. Rappelons, cependant, que le port de la ceinture de sécurité, qui a été rendu obligatoire en 1973 et qui, à l'époque, avait soulevé des tollés – cette mesure était considérée comme liberticide –, a entraîné une inflexion significative de la courbe de mortalité, laquelle est passée en un an de 17 000 a 15 000 tués.

La sécurité routière dépend de trois facteurs : la qualité du réseau routier, la sécurité passive des véhicules et le comportement des conducteurs. Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer sur ces trois plans. C'est en effet à eux qu'il appartient de créer et d'entretenir les routes, même si, en ce qui concerne les autoroutes, ce rôle peut être concédé à des sociétés privées. C'est à eux qu'il appartient d'imposer aux industriels des normes de sécurité en fonction des progrès techniques – j'ai déjà parlé de la ceinture de sécurité mais je pourrais ajouter, par exemple, les limiteurs de vitesse, lesquels pourraient être obligatoires, les éthylotests au démarrage, ou encore le bridage de la vitesse par satellite selon le type de route utilisé.

S'agissant du comportement des conducteurs, les pouvoirs publics ont deux obligations : la prévention et la répression. En ce qui concerne le second point, un réel effort de pédagogie doit être accompli pour que nos concitoyens comprennent que les mesures prises ne sont pas faites pour les embêter – en général, ils emploient un autre terme – mais pour sauver des vies. Ce n'est qu'ainsi qu'un véritable dialogue pourra s'engager entre les uns et les autres, pour que l'objectif du Président de la République de faire passer le nombre de morts à moins de 3 000 soit atteint en 2012.

Pour nos concitoyens, les limitations de vitesse sont souvent incohérentes, inadaptées et mal signalées, à tel point qu'ils se révoltent parfois lorsqu'ils les jugent aberrantes, tandis que les radars fixes ou mobiles semblent être déployés uniquement pour les piéger et « faire du fric », comme ils disent. Il m'arrive d'être sur une route et de me poser en toute bonne foi la question de savoir quelle est la vitesse autorisée, surtout quand celle-ci change sans raison apparente. Je prendrai comme exemple la route nationale 13 entre Saint-Germain-en-Laye et La Défense qui est à quatre voies et qui comporte un terre-plein central : la vitesse passe successivement de 90 à 70 puis à 50 kmh selon les communes traversées, des radars ayant été déployés pour avertir ou punir les contrevenants. Or, la réglementation doit être simple : 130 kmh sur les autoroutes, 110 kmh sur les autoroutes peri-urbaines, 90 kmh sur les routes nationales à quatre voies – je suis favorable à un abaissement à 70 kmh sur celles qui n'en ont que deux –, 50 kmh en ville, voire, pourquoi pas, 30 kmh : ces vitesses ne doivent pas changer constamment ! Je conçois que, si le profil de la route change – virage serré par exemple –, l'automobiliste soit invité à réduire sa vitesse mais je ne comprends pas pourquoi, en revanche, il y aurait un radar. Je me suis fait moi-même « piéger » il y a quelques années, dans le Morvan, sur l'autoroute du sud. Je croyais que la vitesse était limitée à 130 kmh ; or, sur un tronçon, la vitesse autorisée n'était que de 110 kmh en raison de la présence d'un virage serré. Je n'avais pas vu le panneau indiquant cette limitation, encore moins le radar, mais j'avais spontanément réduit ma vitesse par prudence. Pour autant, cela ne m'a pas empêché d'être flashé à 117 kmh, lesquels ont été ramenés à 112. Je comprends la colère de l'usager vigilant qui se fait « piéger » et qui se dit : « Ils veulent se faire du fric », alors que la police peut toujours verbaliser pour conduite dangereuse un automobiliste qui, malgré les indications de prudence, ne lèverait pas le pied.

Les associations d'usagers devraient être davantage impliquées dans les décisions d'implantation des radars fixes, lesquelles devraient être accompagnées d'une large publicité. De surcroît, l'utilisation de l'argent des radars devrait faire l'objet d'une large diffusion – je reviendrai sur certaines utilisations possibles. En début d'année, la suppression de la signalisation des radars fixes a fait l'objet de polémiques. Toutefois, la mise en place de « radars pédagogiques » me semble une décision mi-figue mi-raisin, qui vise surtout à ne pas donner l'impression de faire machine arrière. Outre que je perçois mal la différence avec le dispositif précédent, l'implantation de ces « radars pédagogiques » coûtera cher ; or cet argent pourrait être mieux utilisé.

Lorsque les premiers radars fixes ont été mis en place au mois de novembre 2003, l'idée de les signaler m'avait semblé un peu saugrenue même s'il s'agissait déjà de faire preuve de pédagogie. Connaissant nos concitoyens, je me doutais de ce qui allait se produire : les automobilistes freineraient avant le radar et re-accéléreraient après. Compte tenu de la mentalité de nombreux conducteurs, il me semble difficile de revenir en arrière. En l'occurrence, je crois beaucoup plus à l'efficacité de radars dits « de tronçon » qui calculeraient la vitesse moyenne entre deux points et qui auraient le double intérêt d'éviter l'attitude que nous connaissons et de répondre à l'objection souvent faite par les automobilistes évoquant « le moment d'inattention » : sur 50 kilomètres, l'argument ne tiendrait plus.

Je suggère également que les véhicules d'automobilistes volontaires – peut-être les professionnels de la route – soient équipés d'une boite noire enregistrant leur vitesse chaque fois qu'ils passent devant un radar. S'ils passent cinq fois sur six sans commettre un excès de vitesse, la sixième fois – à condition que l'infraction soit « mineure » – pourrait être considérée comme un moment d'inattention n'entraînant qu'une contravention sans retrait de points. Les professionnels de la route roulent beaucoup, puisque tel est leur métier, mais c'est une raison supplémentaire pour qu'ils soient plus vigilants. Les règles de sécurité routière étant faites pour sauver des vies, est-ce moins grave d'être écrasé à 70 kmh par un professionnel de la route que par un autre conducteur quand la vitesse est limitée à 50 kmh ?

Les radars de feu rouge récemment installés font aussi l'objet de polémiques, certains automobilistes arguant – de bonne ou de mauvaise foi – qu'ils ont vu le feu orange et qu'ils croyaient avoir le temps de passer – comme le code de la route le leur permet – mais qu'en raison d'un ralentissement, le feu est passé au rouge alors qu'ils étaient engagés. Je propose que ces radars comportent un système de compte à rebours indiquant combien de secondes il reste avant que le feu ne passe au rouge et qu'un tel système soit généralisé comme cela existe déjà dans d'autres pays.

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