Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 9 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

…de l'anti-développement qui s'aggrave paradoxalement chaque fois que se profile une opportunité de développement à partir des ressources minières, forestières, génétiques, pétrolières – mais on pourrait dire la même chose avec l'agriculture et la pêche.

Il semble que, dans votre mission ministérielle, cette relative indifférence et cette méconnaissance des besoins et des potentiels des outre-mer traversent tous les programmes. Prenons par exemple le réseau routier national en Guyane : 500 kilomètres de routes en cinq cents ans de présence française, sur un territoire de 91 000 kilomètres carrés. Par charité je n'insiste pas – cela donnerait un débat surréaliste.

S'agissant des transports terrestres et maritimes, vous indiquez que vous allez faire une priorité du mode de transport complémentaire à la route qui présente de meilleures performances environnementales que celle-ci. Je m'attendais donc à ce qu'il y ait un projet maritime pour relier les villes côtières du littoral, je pensais que nous serions concernés par la desserte fluviale. Mais comme le seul indicateur, c'est la disponibilité du réseau, cela signifie qu'il n'est pas question de la desserte fluviale le long du Maroni, fleuve frontalier avec le Surinam, ni de la desserte le long de l'Oyapock. Or le Maroni borde quatre communes sur les vingt-deux que compte la Guyane, dont une, excusez du peu, s'étend sur 19 000 kilomètres carrés – même ici, vous n'avez pas ça ! –, et le fleuve est un mode prioritaire de déplacement, aussi bien pour les activités économiques que pour la libre circulation des citoyens et le transport scolaire. Se pose donc la question de sa navigabilité, pour des raisons météorologiques, mais aussi pour des raisons juridiques liées à la sécurité des passagers, à l'assurance des transporteurs et à la responsabilité en cas d'accident.

Et pour les transports aériens, tout est à l'avenant : vous parlez de désenclavement et de protection des consommateurs, mais il n'est pas question malheureusement de la discontinuité territoriale ni des moyens dérisoires de compensation mis à disposition par l'État. La protection des consommateurs, soit, mais on peut aussi se préoccuper du citoyen et de son droit à la libre circulation pour entrer et sortir des territoires et surtout pour y circuler, notamment dans un territoire aussi enclavé que celui de la Guyane.

Quant à l'aménagement, l'objectif n° 2 du programme est de veiller à une meilleure organisation de l'occupation de l'espace. Nous occupons 10 % du territoire. Le reste est livré assez largement au pillage des ressources minières, à la détérioration du patrimoine forestier et du patrimoine hydrographique. Pendant ce temps, le schéma d'aménagement régional vivote. Ce n'est pas votre responsabilité, j'en conviens, mais, tandis que l'État reste propriétaire à titre privé de 90 % du territoire, l'appui aux collectivités pour l'installation d'agriculteurs et de pluri-actifs est difficile. C'est seulement cette année, sous l'autorité du trésorier-payeur général, que les services déconcentrés de l'État sont en train de mettre en place une politique foncière cohérente et coordonnée. J'organise d'ailleurs le 1er décembre un séminaire sur les problématiques foncières en Guyane.

Pour ce qui est de la protection de l'environnement, vous exposez un objectif de restauration du vivant sauvage, mais cela reste très classique, autour des parcs nationaux, alors que la création, il y a deux ans, du parc amazonien de Guyane, avec les problématiques de conflits de territoire qu'il soulève, aurait pu contribuer à une réflexion tout à fait originale. Je peux en dire autant sur la gestion des ressources en eau ; et, surtout, il n'est pas question de la réhabilitation des sites aurifères, des chantiers miniers, ni d'un renforcement des préconisations et des protocoles de revégétalisation.

Dans le programme « Énergie et matières premières », on ne trouve pas un mot sur les ressources génétiques, en plein débat sur les brevets, sur la propriété intellectuelle et surtout sur les engagements internationaux de la France quant à la reconnaissance des droits des populations locales et rurales. Pas un mot non plus sur les hydrocarbures, alors que des concessions d'exploration ont été confiées à des sociétés multinationales en Martinique et en Guadeloupe. Quant à la fiscalité pétrolière, il n'en est pas question – on s'en est rendu compte mardi dernier, lors du débat sur le budget des outre-mer. Concernant l'énergie, il n'y a pas d'obligation d'approvisionnement des zones enclavées, alors que le conflit à EDF-Guyane, qui a démarré essentiellement là-dessus, dure depuis un an.

Tout ce dont je viens de parler, monsieur le ministre d'État, vous êtes en mesure de le savoir beaucoup mieux que moi, et donc d'agir. J'aurais pu aussi évoquer le programme « Information géographique et cartographique », la non-utilisation des potentialités rendues disponibles par l'activité spatiale, ou le programme « Météorologie »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion