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Intervention de Didier Mathus

Réunion du 28 septembre 2011 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Mathus, rapporteur :

L'accord avec Hong Kong que nous examinons ce matin est de nature différente, bien que connexe, des projets de loi examinés par notre commission hier puisqu'il s'agit d'une convention d'élimination des doubles impositions sur le revenu et sur la fortune. La France a déjà signé des conventions en Asie avec la Chine, la Malaisie, Singapour, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, la Corée du Sud, l'Inde, le Japon et dispose d'un dispositif équivalent à une convention avec Taïwan. Il était donc important que les négociations avec Hong Kong aboutissent.

Hong Kong est, depuis sa rétrocession le 1er juillet 1997 à la République populaire de Chine, une « région administrative spéciale » de cet État, qui constitue un territoire fiscal, douanier et monétaire indépendant. La convention fiscale bilatérale qui lie la France à la République populaire de Chine n'est donc pas opérante à Hong Kong.

Hong Kong occupe une position de premier ordre en Asie pour le monde des affaires et de la finance. Hong Kong affiche un PIB par habitant de 43 000 dollars en 2009, ce qui le positionne deuxième en Asie derrière Singapour. C'est la 10ème puissance commerciale mondiale, la 4ème en Asie et une place financière de premier plan.

La France y possède des intérêts importants. La communauté française y totalise près de 13 000 ressortissants, dont 8 900 inscrits au consulat général. Numériquement la plus importante d'Asie, elle connaît depuis trois ans une croissance forte et continue avec 100 nouveaux inscrits chaque mois. Près de 700 entreprises françaises sont enregistrées auprès de la Chambre de commerce et d'industrie française de Hong Kong, employant localement 30 000 personnes. Le lycée français Victor Segalen est le plus grand lycée français d'Asie avec 2 151 élèves inscrits à la rentrée 2011.

Les relations économiques bilatérales sont très positives pour notre pays. La France conserve un important excédent commercial, le 1er en Asie et le 6ème mondial en 2009, avec plus de 2 milliards d'euros par an. Les investissements réalisés par les entreprises françaises sont en tendance haussière. En 2007 et 2008, Hong Kong a été la première destination de nos investissements directs étrangers en Asie, devant la Chine continentale et même, pour la première fois, devant le Japon, pour des montants respectifs de 1,4 et 1,2 milliard d'euros. Nos performances sont essentiellement fondées sur les produits à très forte valeur ajoutée : aéronautique, maroquinerie, cosmétiques, vins et alcools et luxe.

Une convention fiscale entre des États ou territoires bénéficie à l'ensemble des acteurs économiques des deux pays, en réduisant les risques de doubles impositions, tant pour les sociétés que pour les particuliers. Elle permet aux investisseurs de mieux évaluer leur taux effectif d'imposition et aux flux de supporter des taux d'imposition raisonnables. C'est pourquoi des négociations en vue de la conclusion d'une convention fiscale ont été engagées avec Hong Kong dès 2003.

Hong Kong ne disposait cependant pas d'une législation interne permettant à son administration fiscale d'accéder à certains renseignements fiscaux et de les transmettre à des administrations étrangères. La France en a fait un point dur des négociations, qui ont donc été suspendues en 2004. C'est le changement de contexte international qui a permis le déblocage du dossier. Dans la perspective du G20 d'avril 2009, Hong Kong a pris l'engagement de modifier sa législation, réforme qui est entrée en vigueur le 12 mars 2010, quelques mois après que son principal concurrent, Singapour, eut fait de même. Outre la France, 15 pays, dont 10 européens, ont signé une convention fiscale avec Hong Kong depuis cette date. L'accord avec la France a été signé le 21 octobre 2010.

Comme toute convention d'élimination des doubles impositions, l'accord, détermine la répartition du droit d'imposition et fixe un mécanisme d'élimination des doubles impositions lorsque ce droit n'est pas attribué exclusivement à une partie. Il porte sur les impôts sur le revenu et sur la fortune perçus pour le compte d'une partie ou de ses collectivités territoriales et quel que soit le système de perception. Il s'agit des impôts sur le revenu total, sur la fortune totale, sur des éléments du revenu ou de la fortune.

Le contenu négocié de l'accord atteste du bénéfice partagé de ses effets entre les deux parties. Le taux des retenues à la source sur les revenus passifs (dividendes, intérêts, redevances) est fixé à 10 %, ce qui est un très bon compromis : la France conserve son droit à imposer les redevances sortant de son territoire et les dividendes entrant bénéfice d'un taux attractif.

Les clauses de l'accord sont issues du modèle de convention de l'OCDE et, lorsqu'elles s'en écartent, reprennent pour l'essentiel les clauses traditionnellement utilisées par la France dans son droit conventionnel. Notamment, l'accord comprend des dispositions utilisées habituellement avec les États non membres de l'OCDE qui plaident pour l'application des dispositions du modèle de convention de l'ONU qui leur est plus favorable, ainsi que des éléments d'interprétation et des clauses anti-abus qui tendent à préserver pour la France sa capacité d'imposer. Je ne présenterai pas les clauses habituelles du modèle de l'OCDE mais dirai quelques mots des principales dispositions qui s'en écartent.

La France a accepté que soit considéré comme un établissement stable, imposable donc dans le territoire où il est situé, un chantier, un projet de construction, de montage ou d'installation si sa durée dépasse six mois. La durée de six mois est celle qui s'applique en pratique avec les pays qui n'appartiennent pas à l'OCDE. Il en est de même des prestations de service, si les activités se poursuivent pour une ou plusieurs périodes totalisant une durée minimale de six mois.

La France a en revanche obtenu l'insertion de plusieurs clauses d'interprétation : ne sont pas rattachés à un établissement stable des revenus qui n'y sont pas directement rattachables ; les sociétés de personnes françaises sont considérées comme des résidents de France et les redevances ne couvrent pas les services techniques et de conseil.

De même, la France a obtenu l'insertion de dispositions anti-abus. D'abord, le bénéfice de la convention n'est pas applicable aux dividendes, intérêts, redevances et gains en capital lorsque la conduite des opérations a pour objectif principal ou parmi ses objectifs principaux l'obtention des avantages. Ensuite, les doubles exonérations sont évitées.

Ce tableau ne serait toutefois pas complet sans évoquer trois limites de l'accord :

– il ne comporte pas d'article relatif à l'assistance en matière de recouvrement ;

– l'article 23 relatif à la procédure amiable ne prévoit pas d'arbitrage ayant force obligatoire en cas d'échec de la procédure amiable dans un délai de deux ans ;

– enfin, la procédure d'échange de renseignements a son application limitée aux impôts couverts par l'accord. L'entorse au modèle de convention, qui figure dans tous les accords passés par Hong Kong, n'est pas de nature à remettre en cause le bien fondé de la ratification. Le champ des impôts couverts est en effet large et la France pourra obtenir l'ensemble des renseignements utiles à la bonne administration de son impôt.

Pour toutes ces raisons, Votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi, déjà voté par le Sénat, afin de permettre l'entrée en vigueur rapide de la Convention, Hong Kong ayant déjà notifié l'achèvement de ses procédures internes en juillet.

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