Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, « la mobilité et son support, les infrastructures de transport constituent non seulement un déterminant essentiel de la croissance économique dont nous avons besoin, mais plus encore des facteurs fondamentaux de civilisation. À ce titre, un axe essentiel de ma politique consistera à amplifier davantage les investissements en infrastructures de transport. Plus largement, je suis convaincue que beaucoup des nuisances générées par les transports proviennent, dans une large mesure, non pas d'un excès mais d'une insuffisance d'investissements en infrastructures. » De ces engagements pris par le candidat Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle du printemps dernier, je n'ai trouvé aucune trace dans les documents budgétaires, malgré une lecture approfondie.
Et pour cause : ce budget, qui est au mieux celui du statu quo, ne s'attaque pas à la douloureuse question du financement, à partir de 2008, des grandes infrastructures de transport, qu'elles soient routières ou ferroviaires. Or ce n'est pas moins d'un milliard d'euros par an qui fera défaut à l'AFITF, dès l'an prochain, pour le simple financement de l'ensemble des investissements auxquels l'État lui a demandé de faire face lors du CIADT de 2003 – et je ne parle pas de l'avenir !
En 2005, avec d'autres, j'avais fermement dénoncé à cette tribune la privatisation des sociétés d'autoroutes, qui allait amputer l'AFITF de ressources pérennes. Mais, malgré nos mises en garde, les bijoux de famille ont été dilapidés : à la fin de l'année de 2008, la dotation en capital de 4 milliards d'euros, qui lui avait été affectée en substitution des dividendes tirés des participations de l'État dans les sociétés d'autoroutes, sera épuisée et il n'y aura plus aucun bijou à vendre !
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'État aux transports, comment le Gouvernement envisage-t-il de financer les 2 000 kilomètres de lignes TGV annoncés ? Comment seront assurés les besoins de régénération du réseau ferroviaire existant ? « Bon sang mais c'est bien sûr ! » aurait dit le commissaire Bourrel : en faisant payant les collectivités territoriales, que vous ne manquerez pas de stigmatiser ensuite pour avoir procédé à des hausses d'impôt, alors même qu'en les contraignant à mettre la main au porte-monnaie pour accompagner des projets TGV relevant de votre compétence, vous les conduisez inéluctablement à augmenter la pression fiscale locale. Et pourtant, elles font face, et vous le savez bien, tant elles sont convaincues que les infrastructures sont un élément déterminant de l'attractivité et du développement de leurs territoires.
Ainsi, tout nouveau projet passe dorénavant, et avant toute autre considération, par un tour de table pour savoir « qui va mettre combien ». À cet égard, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de vous engager ici publiquement pour qu'aucun retard ne soit pris sur le barreau TGV Limoges-Poitiers, décidé par le conseil d'administration de RFF en mars 2007 et par votre prédécesseur, M. Perben. Je vous rappelle qu'il devrait être réalisé à l'horizon 2015 et que les collectivités locales ont déjà, dès le stade des études, payé leur dîme !
J'en profite pour souhaiter bon vent au TGV-Auvergne annoncé ces derniers jours – les échéances électorales se profilant – en insistant sur le fait qu'il constitue un axe complémentaire et en aucun cas concurrent, et vous demande là encore comment vous envisagez de le financer. Quand on sait que son coût devrait atteindre de 6 à 10 milliards d'euros pour quelque 360 kilomètres alors que les 150 kilomètres du Poitiers-Limoges nécessiteront moins de 1,5 milliard, il est aisé d'imaginer les sollicitations financières auxquelles seront soumises les collectivités locales concernées.
L'enfer est souvent, dit-on, pavé de bonnes intentions et il est à craindre que les bonnes intentions affichées en matière de développement du transport ferroviaire, développement que nous appelons tous de nos voeux, ne conduisent à plonger les responsables locaux dans un enfer budgétaire. Et c'est un paradoxe choquant de voir les territoires les moins favorisés et les moins bien désenclavés, contraints de contribuer à payer des équipements que d'autres ont obtenus antérieurement, sans bourse délier, alors même qu'ils avaient une plus grande capacité contributive.
Ce paradoxe vaut aussi bien pour les infrastructures routières, et, pour ces dernières, mon inquiétude est double.
Le principe du décroisement des financements laisse dorénavant les départements faire face seuls à l'entretien du réseau routier qui leur a été transféré, souvent en bien piteux état, en sus des milliers de kilomètres qu'ils géraient antérieurement. Mais il implique aussi que l'État assume, quant à lui, la responsabilité du réseau national, tant pour son entretien que pour la création d'infrastructures nouvelles. Or, à peine énoncé, ce principe est-il déjà mis à mal, y compris par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous n'avez pas hésité à interpeller publiquement la présidente du conseil général de la Haute-Vienne pour que cette collectivité participe à nouveau, et ce en dehors du périmètre de ses compétences, à la poursuite de l'aménagement de la RCEA, auquel l'État, en difficulté financière, ne peut, semble-t-il, faire face seul.
Cette situation est inacceptable, mais le pire à mon sens n'est pas là. On sait que le Grenelle de l'environnement ne bénéficie pour l'heure d'aucune traduction financière et budgétaire de ses orientations et l'on peut d'ores et déjà légitimement s'interroger sur son impact, sachant qu'au 1er décembre prochain, quelque deux cent soixante gares seront fermées au fret ferroviaire en raison de la suppression catastrophique, tant pour l'environnement que pour les économies locales, du service « wagon isolé ». Mais le pire serait que les bonnes intentions affichées par ce Grenelle ne soient en fait que des mauvais prétextes, saisis par un État impécunieux, pour remettre en cause toute politique d'infrastructures routières, quand bien même celles-ci s'avèrent vitales pour l'avenir des territoires concernés. N'oublions pas en effet qu'il reste des territoires quasiment exclus de la carte autoroutière. Et même si je suis loin d'être une inconditionnelle du tout routier, je sais que cet isolement constitue un handicap incontestable.