Certes, mais voilà peut-être aussi un moyen de renforcer la responsabilité des différentes parties prenantes : depuis les assureurs, qui, aujourd'hui, ne participent pas à la régulation du système, considérant que c'est à l'État de le faire, jusqu'aux réseaux des écoles de conduite, qui, par ailleurs, fonctionnent plutôt bien.
Selon l'idée esquissée, on délivrerait d'abord un permis probatoire puis un permis définitif, octroyé sur dossier au terme d'un certain temps de pratique de la conduite, par exemple à l'âge de vingt ans. Et pourquoi ne pas attribuer le permis probatoire dès dix-sept ans, les jeunes sachant alors déjà conduire, comme tend à le montrer l'augmentation de leur conduite sans permis ? La question mériterait d'être au moins mise à l'étude, l'essentiel étant, je le répète, de renforcer la période probatoire.
Notre troisième série de propositions porte sur la formation des conducteurs de deux-roues motorisés et sur l'apprentissage du partage de l'espace de conduite entre les différentes catégories d'utilisateurs en fonction des zones urbanisées. Celui-ci pose de plus en plus de problèmes. Le danger augmente. Il suffit de se déplacer dans Paris pour constater les conflits entre cyclistes, cyclomotoristes, motocyclistes, automobilistes et piétons. La situation devient parfois invivable, notamment sur les trottoirs, faisant apparaître de nouveaux facteurs accidentogènes. On distingue de plus en plus difficilement les différents compartiments de la voirie. Un code de bonne conduite serait nécessaire afin que les diverses catégories d'utilisateurs des espaces de circulation se respectent entre eux. Pour la première fois l'année dernière, nous avons relevé à Paris un plus grand nombre de morts chez les piétons et chez les conducteurs de deux roues que chez les automobilistes.
L'INSERR se préoccupe aussi du développement de ce que nous appelons « l'écomobilité », c'est à dire l'apprentissage d'une conduite apaisée, où l'on apprend que rouler moins vite présente plusieurs avantages. Jusqu'ici, la France était un pays qui magnifiait la vitesse : on cherchait à parcourir les distances le plus rapidement possible, à l'inverse des Etats-Unis où l'on apprend à conduire régulièrement, afin de se rendre d'un endroit à un autre dans un temps donné. En cultivant le mythe de la performance, le conducteur français ignore le temps réellement gagné, prend plus de risques sur la route et consomme davantage d'essence.
C'est pourquoi, nous avons organisé des formations destinées aux entreprises de transport routier, ainsi que des journées ouvertes au grand public sur le circuit de Magny- Cours près de Nevers. Nous obtenons déjà des résultats encourageants quant aux changements de comportement des personnes qui, par exemple, constatent la diminution de leurs factures d'essence, de l'ordre de 20 à 25%, ainsi qu'un nombre moindre d'accidents.
L'arrêt progressif de la vie de conducteur soulève de délicats problèmes. Vient un moment où il faut cesser de conduire. Le bon moment dépend de chacun, ainsi que les modalités correspondantes. Le médecin de famille doit, sur cette question, jouer un rôle fondamental, mais il n'est pas formé pour cela. C'est pourquoi nous essayons aussi de prendre des initiatives en ce domaine, telle que, avec l'aide du professeur Bernard Laumon, président du conseil scientifique de l'INSERR, la création d'un site internet afin que les médecins libéraux s'investissent dans la sécurité routière. Des contrôles existent déjà au titre des commissions médicales préfectorales mais ils sont insuffisants. Seul le médecin de famille, proche de ses patients, peut convaincre les personnes en voie de vieillissement, soit de renoncer à la conduite – ce qui peut s'avérer difficile voire négatif dans certaines zones, notamment rurales – soit plutôt de ne conduire que dans des rayons limités : pour des besoins identifiés, en supprimant les longs voyages fatigants et en évitant certaines heures ou la conduite de nuit. Toute une pédagogie est à mettre en place car elle éviterait certains accidents ; elle s'impose du fait des perspectives à 30 ans du vieillissement de la population française. Reste bien sûr à déterminer comment le médecin de famille serait rémunéré pour cette nouvelle mission et comment il trouverait le temps de l'exercer : nous n'avons pas abordé ce type de questions, mais nous souhaitons sensibiliser le corps médical au problème qui se pose. En plus du site internet, nous entendons, en collaboration avec le Délégué à la sécurité routière, organiser une ou plusieurs réunions par an, sur des thèmes particuliers de sécurité routière, avec les médecins, dans leurs régions. Il s'agit de permettre aux personnes âgées d'achever en douceur leur carrière de conducteur.
Nous cherchons aussi à impliquer le milieu associatif, notamment sportif. Les clubs départementaux participent – ou non – positivement – ou non – aux actions visant à améliorer les comportements au volant, s'agissant plus particulièrement de la consommation d'alcool et de la conduite sans permis. Comme ils représentent des exemples pour les jeunes, nous aimerions les compter à nos côtés, ce qui n'est pas toujours le cas.
Nous déplorons le dessaisissement du Conseil national de la sécurité routière. Bien qu'ayant joué un rôle important pour la popularisation de la politique menée à partir de 2002, il a été mis aux oubliettes depuis quatre ans. Le relancer serait une bonne chose car il avait réalisé des études intéressantes et constitue un instrument médiatique pouvant s'avérer précieux. Dans ce domaine, tout ce qu'on peut dire dans le sens du renforcement de la prévention, comme des sanctions, bénéficie d'une incidence positive : les populations comprennent que des mesures sont prises ou vont l'être ; elles sont ainsi incitées à prendre davantage garde à la conduite sur route.
Enfin, nous souhaitons une mobilisation interministérielle en faveur de la sécurité routière. Le ministère auquel on la rattache importe peu. Il est essentiel que le Premier Ministre prenne lui-même la tête de la politique menée dans ce domaine.