L'INSERR, créé en 1993 par Pierre Bérégovoy, alors premier ministre, est implanté à Nevers. Il forme les inspecteurs du permis de conduire, assure un certain nombre de formations connexes, comme celle des experts automobiles et des animateurs des stages liés au permis à points, et remplit des missions de recherche en matière de sécurité routière. Il exerce donc une assez large compétence en ce domaine.
Nous-mêmes jouons autant le rôle d'experts auprès du gouvernement, au titre du Conseil général de l'environnement et du développement durable, que de responsables de l'INSERR. Nous avons déjà remis un certain nombre de rapports sur la sécurité routière, notamment sur la formation des enseignants du permis de conduire et sur la réforme de ce dernier. Nous travaillons actuellement sur le problème du vivier des candidats au permis.
Nous disposons aussi d'une bonne connaissance des politiques locales de sécurité routière, ainsi que des politiques comparées des différents États européens en vue de réduire l'accidentologie.
M. Dominique Lebrun, alors conseiller technique au cabinet de M. Gilles de Robien, lorsque celui-ci était ministre chargé des transports, fut l'un de ceux qui initia la mise en place des radars automatiques à partir de 2002.
Les diverses causes des accidents de la route ont déjà dues être largement exposées devant votre mission mais on ne peut se dispenser de rappeler les deux principales : la vitesse et l'alcool. La première représente un facteur à la fois déclenchant et aggravant, comme l'ont montré de nombreuses études, spécialement celle du suédois Nilsson sur les comportements des conducteurs. Nous l'avons encore vérifié en 2002 avec l'installation des radars automatiques qui, ayant diminué la vitesse moyenne principalement sur route, ont réduit le nombre d'accidents.
D'autres causes commencent à apparaître, telle que le défaut de vigilance, difficile à repérer dans les statistiques de l'accidentologie. On l'impute généralement à l'endormissement, qui affaiblit les capacités d'attention et de réaction des conducteurs, parfois accentué par la consommation d'alcool et de drogues, ainsi qu'à l'usage du téléphone portable.
Deux catégories de population posent des problèmes particuliers : les jeunes de 18 à 24 ans et les utilisateurs de deux-roues motorisés.
Les limitations de vitesse doivent être à la fois claires et cohérentes. Ce n'est pas toujours le cas en France. Tous les rapports insistent sur la nécessité de les homogénéiser tout au long d'un même itinéraire et de signaler les points singuliers, en tant que tels, sans créer de leurres, car, dans cette hypothèse, le point suivant n'est pas respecté. Or plusieurs autorités publiques concourent en même temps à la détermination des limitations de vitesse, en fonction de la nature de la collectivité et non en fonction de celle de l'itinéraire, ce qui pénalise les routes françaises.
Quand les limites sont fixées, elles doivent être respectées. Nous avons peiné à sortir du système antérieur dans lequel on retenait des limites plus basses afin de prendre en compte leur non respect par les conducteurs. Lors de la mise en place des nouveaux radars, en 2002, nous n'avons conservé qu'une marge de 5 kmh. Mais certains maires cherchent à se rassurer par des limitations de vitesse plus sévères que ne le nécessiteraient les besoins de la sécurité routière et les possibilités de circuler. C'est une erreur : la prescription est seulement moins bien observée par les usagers, qui ressentent mal l'existence de ces pièges, considérés comme de simples « pompes à fric ». Il faut parvenir, au niveau local, à supprimer de telles distorsions, probablement sous l'autorité des préfets.
Nous avons envisagé plusieurs séries de mesures.
La première consiste à achever la réforme du permis de conduire, par un nouveau programme de formation accordant une place plus importante à la maîtrise du comportement humain. La conduite n'est pas seulement affaire de règles techniques : les conducteurs doivent apprendre à juger par eux-mêmes leur capacité à tenir convenablement le volant. L'alcool n'est pas seul en cause : il faut aussi savoir s'arrêter quand on est fatigué et, d'une façon générale, intégrer la conduite dans le déroulement de la vie. Nous nous souvenons tous du film de Claude Sautet, Les choses de la vie. Aujourd'hui, les école de conduite enseignent parfaitement le maniement des vitesses mais insuffisamment la bonne façon de se conduire au volant. Ce qui explique d'ailleurs ce qu'on appelle à Nevers, siège de l'INSERR, « le paradoxe des filles » : un plus faible taux de réussite au permis que les garçons et, cependant, un moindre nombre d'accidents lors des premières années de conduite. Car les filles se placent tout de suite, par une sorte de réflexe naturel, au deuxième niveau de l'usage de l'automobile, celui de la réflexion. Elles se montrent spontanément plus attentives. Il convient donc que les programmes de formation des jeunes intègrent des mécanismes propres à susciter davantage la prise de conscience.
Pratiquée dans de bonnes conditions, la conduite accompagnée constitue une excellente formule. Encore faut-il que les parents se comportent eux-mêmes correctement afin de transmettre les bons usages à leurs enfants.
Notre deuxième proposition vise à renforcer tous les éléments de probation. Le permis de conduire ne doit pas ouvrir un droit à faire n'importe quoi sur la route. Aussi bien, une période probatoire succédant immédiatement à l'obtention du permis pourrait être envisagée : au cours de celle-ci, le jeune conducteur, se sentant sous la menace d'une mesure de sanction, serait ainsi incité à se montrer plus attentif. Elle pourrait avoir un impact sur l'accidentologie des 1824 ans. Quelques idées révolutionnaires ont surgi … Mais elles sont difficiles à présenter car elles peuvent paraître vouloir s'attaquer aux jeunes.