La création de maisons départementales de la sécurité routière a été envisagée sans jamais être généralisée. Les problèmes qui se posent, pourtant, diffèrent selon les endroits : nous avons eu l'occasion d'observer le mode de conduite parisien – notamment celui des cyclomotoristes – alors qu'en Alsace, par exemple, ce sont plutôt les cyclistes qui se distinguent ; les infrastructures, de surcroît, ne sont pas les mêmes, non plus que les typologies des accidents. Les mesures doivent donc être prises sur un plan national, certes, mais avec des aménagements régionaux ou départementaux.
Je souhaite maintenant vous présenter le livre de Dongo Rémi Kouabenan, professeur de psychologie du travail et des organisations à l'université Pierre Mendès-France, intitulé Explication naïve de l'accident et prévention. Cet essai est particulièrement intéressant en ce qu'il formule les déterminants de « l'explication naïve de l'accident », lesquels sont perçus différemment selon l'âge. Il explicite ainsi le processus en oeuvre dans ce type d'explication : biais de supériorité – l'observateur se juge plus habile que la victime de l'accident et considère que, dans pareille situation, il aurait adopté une conduite plus efficace ; sur le même registre, un grand nombre de conducteurs pensent qu'ils commettent moins d'infractions routières que les autres et sont ainsi persuadé qu'ils seront capables de faire face à un obstacle brusque, même à vive allure ; le biais d'optimisme irréaliste – tendance générale à croire que nous avons plus de chances de vivre des événements positifs que négatifs ; le biais d'illusion de contrôle ; le biais d'invulnérabilité – tendance de certaines personnes à se percevoir comme moins exposées qu'autrui à la victimisation ou aux conséquences néfastes d'événements négatifs. Ainsi, si la conception classique et le diagnostic de sécurité sont l'affaire de spécialistes, il est indispensable de tenir compte des explications ordinaires et subjectives – ce qui constitue d'ailleurs un atout majeur de votre mission car les personnes auditionnées peuvent vous donner une idée très large des problèmes qui se posent. En effet, la prise en compte du fonctionnement cognitif de l'individu ordinaire semble fondamentale pour le succès des actions de prévention, parce qu'elle conditionne leur compréhension et constitue une source appréciable de motivation pour les acteurs de la prévention. En outre, pour qu'une information sur le risque paraisse pertinente et soit assimilée par un individu, il importe qu'elle soit en accord avec ses croyances initiales. Lorsque le CISR applique une mesure « surprise », les réactions sont assez vives faute de préparation, d'où l'aspect contre-productif des dispositifs proposés. Il faut apprendre à évaluer notre propre vulnérabilité et notre pouvoir de contrôle et à développer des techniques pour permettre de nous rendre compte que nous ne sommes pas à l'abri d'un accident, les mesures de prévention nous étant personnellement adressées. Enfin, il convient de faire participer l'individu ordinaire à l'analyse causale des accidents et des risques que présente son environnement. Si tel n'est pas le cas, tout notre travail est vain.