Je vous remercie de cette invitation qui nous permet de partager avec vous l'expérience de l'Association Laurence-Fritz « Savoir vivre la route » au sein de laquelle, pendant une dizaine d'années, nous avons oeuvré dans le domaine de la prévention. C'est ainsi que nous avons acquis une culture de la sécurité routière, bien évidemment très utile lorsque nous intervenons sur les plans local, départemental, national voire européen – en effet, on ne s'improvise pas intervenants dans ce domaine sans disposer d'une culture et d'une expérience spécifiques.
Trois points principaux nous paraissent devoir être soulignés.
Premier point : les facteurs des accidents de la route. Trois d'entre eux sont en l'occurrence décisifs : le conducteur, le véhicule et l'infrastructure. Si le deuxième et la troisième compensent la défaillance du premier, la situation est optimale ; en revanche, si l'infrastructure est défaillante en raison, par exemple, de la présence d'obstacles latéraux, l'accident sera plus grave ; si les pneus de la voiture sont lisses, la situation sera encore différente. Toute action en matière de sécurité routière doit donc systématiquement tenir compte de ces trois paramètres, un accident résultant toujours de la conjonction de plusieurs éléments.
Plus précisément, la responsabilisation du conducteur implique de dispenser une éducation à la sécurité routière dès le plus jeune âge. C'est auprès des collégiens et des lycéens, au-delà des attestations scolaires de sécurité routière de niveaux 1 et 2 (ASSR 1 et 2), qu'il convient de mettre en place une véritable pédagogie s'insérant dans les programmes obligatoires. La mesure 17 définie lors du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 11 mai 2011 dispose que l'éducation à la sécurité routière se généralise au lycée. Il s'agit là d'une bonne idée puisque, dans le cadre de cette sensibilisation, une expérimentation sera lancée dans 80 établissements de 7 académies. Une telle initiative, néanmoins, me semble insuffisante : intégrer des questions sur ce thème dans les programmes de SVT, physique, français et éducation civique permettrait sans doute, à terme, de mettre en place une épreuve au baccalauréat.
L'article L. 312-13 section 6 du code de l'Education - section dédiée aux enseignements de la sécurité - dispose quant à lui que l'enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d'enseignements des premier et second degrés. En outre, l'article L. 312-13-1 dispose qu'il est également nécessaire, au cours de la scolarité obligatoire, de sensibiliser les élèves à la prévention des risques, aux missions des services de secours et à l'apprentissage des gestes de premiers secours. Enfin, l'article D. 312-43 du code de l'Education dispose que cet enseignement s'intègre obligatoirement dans le cadre des horaires et des programmes en vigueur aux premier et second degrés.
L'application de ces dispositions, après leur intégration au sein des programmes scolaires édités par le Bulletin officiel de l'Education nationale, constituerait une véritable avancée. Par exemple, expliquer aux jeunes la nature de l'énergie cinétique permettrait de leur faire comprendre l'origine des lésions corporelles. En effet, s'il est toujours possible d'améliorer les véhicules et les infrastructures, on se heurte vite aux limites physiques et physiologiques du corps humain : ni un air bag ni une ceinture de sécurité ne peuvent empêcher qu'à 60 kmh le poids de nos organes, inéluctablement projetés contre les parois osseuses lors d'un choc violent, soit multiplié par 16,5, et par 28 à 100 kmh. Au-delà de 65 kmh en choc frontal contre un obstacle fixe et à 35 kmh en choc latéral, le risque de mort est prépondérant. Il faut que les plus jeunes d'entre nous apprennent cela afin de comprendre que la vitesse constitue un élément essentiel de l'accidentologie et qu'il est normal de s'acharner à vouloir la réduire.
Par ailleurs, il importe de continuer à soutenir, grâce aux contrats aidés, les municipalités qui agissent auprès des scolaires dans le cadre des circuits de première éducation – la Ville de Strasbourg a ainsi édité un livret ASSR délivré aux collégiens de la communauté urbaine de cette ville (CUS). Nous avons, quant à nous, fait paraître un ouvrage à destination des plus jeunes, Reste prudent, afin de leur expliquer les risques encourus par les piétons ou les cyclistes. La Documentation française, enfin, a publié un très bon livre pour engager les maires à agir en ce domaine.
En ce qui concerne l'environnement, nous avons beaucoup réfléchi à la question des obstacles latéraux et, en particulier, à l'origine des plantations d'arbres situés en bordure des routes – dont nous savons qu'en cas de heurt, ils ne pardonnent pas – qui émerveillent tant les écologistes. Ils ont été plantés au XVIème siècle afin de fournir du bois pour les affûts de l'artillerie royale, les crosses de fusils, les charpentes des bateaux et les allumettes. Au XVIIIème siècle, les arbres ont été plantés un peu plus loin des chemins, les platanes et les arbres fruitiers n'ayant été, quant à eux, introduits qu'au XIXème siècle. Or, en Alsace, 40 % des victimes sont tuées lors de collisions contre des obstacles latéraux : ainsi, dans sa seule édition du 12 août, notre journal local relevait que dix personnes avaient été blessées dans des accidents de la route et cinq autres tuées ; le 8 septembre, une voiture a percuté un arbre et les jambes de son conducteur ont été broyées. Nous ne sommes pas dans la fiction mais dans la réalité, hélas, la plus banale.
Deuxième point : les spécificités du monde agricole. Nous nous interrogeons sur la circulation de tracteurs – dont la vitesse maximale est de 40 kmh – parfois conduits par de très jeunes gens. Si ceux d'entre eux qui sont issus d'un milieu agricole ne rencontrent pas de difficultés particulières compte tenu de leur expérience, il n'en va pas de même des autres : à tel point que la mise en place d'un permis pourrait être selon nous envisagée. Si, s'agissant de la signalisation, le gyrophare est bien entendu utile, il n'est hélas guère visible. Il conviendrait donc d'améliorer la visibilité de ces véhicules très lents dont la présence brutale peut surprendre les conducteurs.
Troisième point, enfin, la communication, laquelle s'avère très délicate dans le domaine de la sécurité routière, chacun réagissant selon son histoire personnelle. À cet égard, le site du ministère des transports dédié à la sécurité routière pourrait être plus offensif et sans doute une mise à jour s'imposerait-elle, certains documents en ligne datant de 2004 ou de 2007.