La sécurité routière, depuis qu'elle a été érigée en chantier national le 14 juillet 2002 par le président Jacques Chirac, fait sans doute partie des actions publiques les plus réussies, tous domaines confondus. On est passé de 8 253 tués à trente jours en 2001, dernier exercice complet avant le programme gouvernemental, à 3 992 en 2010. La vitesse moyenne mesurée hors radars suit d'ailleurs une courbe tout à fait semblable. Elle est passée de plus de 90 kilomètres heure à moins de 80. Le Président de la République a proposé un objectif de 3000 tués en 2012, ce qui correspond à 47 tués par million d'habitants, contre 137 en 2001 et 62 en 2010. La Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont respectivement à 28, 31 et 32. Sauf à penser que la société suédoise attache plus de prix à la vie que la nôtre, cet objectif, tout ambitieux qu'il soit, n'est donc pas irréaliste.
Ainsi que l'a fait remarquer la sénatrice du Haut-Rhin Mme Troendle, avant 2001, on ne poursuivait que les grands chauffards. C'est en posant comme principe que chacun devait réduire sa vitesse qu'on a changé radicalement les choses. Certes, c'est un discours un peu plus difficile à tenir – le chauffard, c'est toujours l'autre ! – et certains parlementaires nous invitent d'ailleurs souvent à venir voir ce qu'en pensent les gens sur les marchés. Mais si l'on n'avait rien changé depuis 2001, beaucoup de ces gens, plutôt qu'au marché, seraient au cimetière ! Songez au nombre de maires qui ont eu un jour à annoncer à des amis qu'ils avaient perdu leur fils… Bref, le choix s'analyse de la manière suivante : veut-on dire aux gens sur les marchés qu'ils risquent de perdre un point, mais que cela sauve des vies, ou bien veut-on dire à des parents qui ont perdu leur enfant que cela évite de perdre trop de points ? Toute la noblesse du discours politique est là.
Et c'est bien la volonté politique qui me paraît la plus grave cause de la situation actuelle – le premier semestre 2011 marque la première dégradation depuis 2002. On fait des reproches à la sécurité routière ou à la délégation interministérielle, mais certains parlementaires ont tenu des discours profondément irresponsables, disant aux Français, en gros, qu'on allait arrêter de les ennuyer. On a déjà connu de tels messages, et leurs résultats se font tout de suite sentir dans les comportements, par exemple lorsque les gens espèrent une amnistie présidentielle, bien qu'il n'y en ait plus depuis Jacques Chirac. Quand Dominique Perben, nouveau ministre des transports, a dit en 2005 qu'il souhaitait faire une pause dans l'implantation des radars, il y a eu cent morts dans les deux mois qui ont suivi ! Mais lorsque ces nouveaux radars avaient été annoncés, en 2003, il y avait eu une baisse considérable des chiffres avant même leur installation… Ce qui compte, c'est donc moins les mesures que le message, parce que c'est de comportements qu'il s'agit – et ce sont moins les mesures qui affaiblissent le permis à points que nous condamnons, que le discours qui les accompagne.