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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 9 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, après les analyses du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, les conclusions du Grenelle de l'environnement confirment l'urgence de remodeler l'organisation de notre société pour éviter une future catastrophe écologique. Cette réorganisation passe en grande partie par une action dans le domaine des transports, secteur qui constitue l'un des leviers essentiels, avec l'habitat et l'industrie, pour réduire la pollution atmosphérique qui menace l'équilibre même de notre planète.

Or l'examen du PLF pour 2008 laisse très mal augurer de la concrétisation des conclusions du groupe « Transport » – le groupe numéro un – du Grenelle de l'environnement. Si les transports tiennent une place de choix dans le palmarès des activités polluantes, c'est avant tout en raison de la domination du trafic routier, qui émet à lui seul, dans ce secteur, 92 % des rejets de gaz à effet de serre. Ainsi, alors qu'un investissement fort dans les modes alternatifs de transport aurait dû constituer la priorité de ce budget, il ne fait que s'inscrire dans la stricte continuité de ce que votre majorité impose depuis 2002.

Ma première remarque concerne les autorisations de programme de dépenses « Transports », qui diminuent de 14,6 %. On observe, d'une part, une baisse de plus de 9 % en engagements de programme, hors fonds de concours, et, d'autre part, une baisse de financement par fonds de concours dans le cadre des contrats de plan État-région et de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Notons d'ailleurs que les routes ne seront plus éligibles au financement par CPER à partir de l'année prochaine. Dès lors, leur entretien et leur construction ne manqueront pas d'échoir aux collectivités locales – une charge de plus pour elles et pour leurs habitants-contribuables ! C'est donc la poursuite du désengagement de l'État qui caractérise votre budget pour 2008 ; l'absence de perspectives pour l'AFITF en 2009, laissant présager que cette tendance ne fera qu'empirer.

Deuxième remarque, alors que la réduction des émissions de gaz à effet de serre exige un politique de report modal, le budget de l'AFITF trahit une fois de plus un choix pro-routier clair de la part du Gouvernement. Ainsi, 40 % du budget de l'Agence sont consacrés à ce seul mode, et nous ne sommes pas seuls à le dire.

Ainsi, dans une note de juin dernier, dont vous avez très certainement pris connaissance, la Cour des comptes estime, au sujet du rééquilibrage entre les modes de transport : « Cette politique, qui répond à la nécessité de respecter les engagements de la France en matière d'environnement, mais aussi à des objectifs de sécurité, de gains de temps, etc. ne s'est pas traduite dans les faits. La part de la route ne cesse d'augmenter, le trafic du fret ferroviaire s'effondre, le transport combiné ne répond pas aux espoirs placés en lui. L'AFITF, qui devait jouer à cet égard un rôle essentiel, consacre en fait une part importante de ses crédits aux projets routiers et autoroutiers. »

Édifiant ! Alors que le Grenelle de l'environnement a fait remonter l'exigence d'une imputation au transport routier de ses coûts environnementaux et d'infrastructures, les orientations de l'AFITF sont en contradiction avec cet objectif.

En outre, la contribution pour la gestion de la dette de Réseau ferré de France se limite au niveau de 2007, après avoir été réduite de 70 millions d'euros en 2006. La contribution aux charges d'infrastructures est également réduite. D'autres pays européens ont choisi, quant à eux, d'annuler cette dette afin de ne pas handicaper l'opérateur historique de transport dans sa politique d'investissement. Pourquoi le Gouvernement ne fait-il référence à nos voisins que lorsqu'il s'agit de conforter ses choix libéraux ?

Un « coup de pouce » à RFF aurait pourtant été nécessaire à l'heure où la SNCF a décidé de fermer, dès la fin novembre, deux cent soixante-deux points de transport de marchandises, et cela dans des gares importantes. Je tiens à votre disposition la liste des villes concernées. Au total, un quart des dessertes pourrait disparaître. Il est vrai que ces décisions sont cohérentes avec les paquets ferroviaires votés à Bruxelles ; elles impliquent le recentrage sur les seules activités les plus rentables. Pourtant, les déclarations d'intention du Grenelle de l'environnement auraient pu laisser espérer un retour critique sur vos choix passés. En fait, vous accélérez même les processus européens, en vous inscrivant dans une stratégie de déréglementation sociale, en laissant la SNCF supprimer des milliers d'emplois dans le fret, et en livrant des pans entiers de l'activité à des opérateurs ferroviaires de proximité, les fameux OFP.

Vous auriez pu aussi décider d'aider l'entreprise à investir dans la maintenance du réseau, dont on sait, à la suite du rapport de l'École polytechnique de Lausanne, qu'il nécessite des investissements importants, notamment en ce qui concerne le réseau de lignes secondaires. Il en va d'ailleurs ici de la sécurité des salariés et des usagers qui empruntent quotidiennement ces lignes.

Le secteur ferroviaire n'est pas un secteur ordinaire, c'est un secteur coûteux dès lors que l'on souhaite le voir assumer ses missions sur l'ensemble du territoire, en faveur de tous les usagers, dans le respect de la sécurité, dans le respect des règles sociales et dans le cadre des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. C'est pourquoi il est nécessaire de le subventionner pour satisfaire les besoins des usagers. Il est vrai que la privatisation des autoroutes vous a enlevé des recettes importantes qui auraient pu être investies dans le secteur ferroviaire. Voilà qui aurait été digne d'un réel engagement dans le report modal ! Or ce sont les nouveaux actionnaires de nos autoroutes qui tirent aujourd'hui profit de vos choix idéologiques et en l'occurrence de vos fautes stratégiques.

Dans votre budget, donc, nulle trace du nécessaire rééquilibrage en faveur du secteur ferroviaire, alors même que la totalité des partenaires associatifs et syndicaux du premier groupe du Grenelle de l'environnement avaient érigé cet objectif au rang de priorité.

La concurrence, au contraire, se met en place. Ainsi, monsieur le secrétaire d'État aux transports, les voies de port vont voir arriver des opérateurs privés, comme au Havre. Je vous ai d'ailleurs écrit à ce sujet, mettant en évidence la lourde question de sécurité que pose la maîtrise du faisceau de la plaine alluviale, qui commande l'accès au réseau ferré national. Il y a là un risque majeur pour la sécurité qui rappelle fort ce qui s'est produit, il y a quelques mois, à la frontière franco-luxembourgeoise. C'est pourquoi je vous ai demandé que les questions de sécurité priment sur toute autre considération et que l'opérateur public ait la maîtrise de cet outil essentiel. Je ne doute pas que l'arrêté que vous prendrez ira en ce sens.

Ainsi en est-il, encore, avec la liaison entre les Pyrénées-Orientales et le tunnel sous la Manche qui traverse la France, désignée comme le contrat « Ford ». Pas un seul kilomètre n'est dépourvu d'électrification et la SNCF a assuré cette liaison pendant des années sans le moindre rejet de gaz à effet de serre. Or aujourd'hui, Euro Cargo Rail assure l'acheminement quotidien aller et retour entre le Royaume-Uni et l'Espagne avec une traction diesel. Comment conciliez-vous cela avec les belles intentions proclamées au cours du Grenelle de l'environnement ? Dans ce cas précis, une décision immédiate pourrait être prise par le Gouvernement : conditionner l'autorisation d'exploitation ferroviaire pour les nouveaux entrants à l'utilisation du mode de traction électrique.

Le transport fluvial, peu dispendieux en gaz carbonique, doit également être encouragé. Ainsi, le budget de Voies navigables de France prolonge la limitation à 50 millions d'euros par an du programme triennal 2005-2007, qui avait consacré une réduction annuelle de 20 millions d'euros. Quant aux interventions en faveur de la batellerie, elles restent faibles en regard des enjeux du secteur en ne tenant pas compte des besoins en investissements et en modernisation, pourtant soulignés par le Conseil national des transports.

On nous annonce que la liaison Seine-Nord pourrait être l'objet d'une déclaration d'utilité publique dans les prochains mois. Ce serait une bonne nouvelle, monsieur le secrétaire d'État, même si je regrette que cet investissement se fasse dans le cadre des partenariats public-privé. Il ne faut cependant pas en rester là et je souhaite, vous le savez, que le projet Seine-Est soit également mis à l'ordre du jour, sa réalisation devant assurer un maillage plus serré au nord du pays, et se révéler conforme aux attentes des ports de la Basse Seine, donc conforme à l'intérêt de la France.

À ce sujet, je souhaite réitérer ici, après l'avoir suggérée hier après-midi à votre collègue M. Novelli, la proposition de créer un pôle de compétitivité autour des questions de la batellerie. La perspective de Seine-Nord, celle, dont j'espère la réalisation, de Seine-Est, et les enjeux liés aux voies navigables poussent en effet à cette création.

Pour ce qui est du secteur maritime, je ne partage pas l'enthousiasme de notre collègue Besselat. Certes, le soutien à la flotte de commerce augmente de 75 millions d'euros, mais il sert surtout, à hauteur de 55 millions d'euros, à exonérer les armateurs de cotisations sociales patronales, ENIM, allocations familiales et assurances chômage. Certes, 3 millions d'euros viennent abonder les crédits affectés à la sécurité et à la sûreté. Cependant, comment ne se montrer circonspect quant à l'évolution des Écoles nationales de la marine marchande, dont tout confirme qu'une part du financement sera assurée par des armateurs et par des collectivités locales ? Une fois de plus, vous allez réduire la place de l'État dans un domaine pourtant essentiel. Je souhaite que sur cette question importante, car tout confirme l'ampleur des déficits en officiers, une réelle concertation soit engagée.

Comment, encore, ne pas s'étonner devant l'évolution du dossier du Registre international français ? Vous déplorez son classement par l'International transport workers federation comme pavillon de complaisance à la demande commune des syndicats maritimes français d'officiers et de marins affiliés à cette organisation internationale ! Pourquoi n'avez-vous pas voulu entendre nos critiques et celles des organisations syndicales lors de la discussion de la loi de mai 2005 relative à la création du RIF ? Pourquoi ne pas respecter vos propres engagements, celui notamment d'évaluer cette loi chaque année, et de livrer un rapport au Parlement avant le 31 mars 2007 ?

Pourquoi ne pas entendre et répondre aux demandes des organisations syndicales, en particulier au sujet d'un accord de branche sur 35 % de navigants français par rapport à l'effectif normal d'exploitation et non par rapport à l'effectif de la fiche minimum de sécurité déposée aux Affaires maritimes ?

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, après le Grenelle, je serais tenté de dire : « Chiche ! ». Mais l'examen de vos crédits pour 2008 et la logique qui sous-tend votre action montrent qu'il y a loin de la coupe aux lèvres !

À l'évidence, la mise en place des mesures envisagées au Grenelle va devoir se couler dans le moule étroit du libéralisme, avec la mise en concurrence des entreprises publiques, là où il faudrait, a contrario, inclure les transports dans une réflexion globale, multimodale et intégrée.

Alors qu'il faudrait une maîtrise publique, vous restez dans une logique dogmatique d'adaptation des transports…

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