Lorsque nous nous sommes plongés dans le sujet des externalisations, nous avions l'un et l'autre comme préoccupation, comme d'ailleurs les personnes que nous avons auditionnées, de veiller à l'équilibre budgétaire de la réforme du ministère de la défense dans un contexte où l'argent public est plus rare qu'il ne l'a jamais été. Le ministère estimait que les externalisations pouvaient être un moyen d'optimiser l'équation financière ; nous devions nous en assurer. La réforme repose sur 54 000 suppressions d'emploi, qui, dans le modèle initial, devaient permettre de dégager 2,7 milliards d'euros d'économies, intégralement affectées à l'équipement de nos forces. S'ajoutent à ce schéma quelques aléas soulignés par Louis Giscard d'Estaing concernant les recettes exceptionnelles ou les surcoûts liés aux frais d'infrastructures ou d'accompagnement social.
En reprenant quelques-unes des conclusions de la Cour des comptes, il est possible d'établir une typologie des externalisations permettant de faire le point sur les raisons pour lesquelles le ministère y recourt. On peut en distinguer trois types.
Le premier concerne les externalisations destinées à poursuivre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la déflation des effectifs, sans le dire clairement et en renvoyant à l'entreprise privée le soin de procéder à des réorganisations qu'il pourrait être difficile de conduire en régie. Je pense notamment à celles conduites dans le domaine de la restauration, de l'hôtellerie et des loisirs (RHL), qui concernent aujourd'hui environ 350 personnes et qui pourraient porter sur 8 000 postes. De même, en matière de MCO aéronautique, la première salve d'externalisations a permis la suppression de 750 emplois conformément à l'objectif initial ; l'opération devrait finalement concerner 1 900 emplois. Cela conduit certains acteurs du ministère de la défense à considérer que les externalisations pourraient permettre la suppression de 16 000 emplois en plus des 54 000 prévus dans le cadre de la RGPP. Même si tous ne partagent pas ce point de vue, on ne peut nier cette première dimension des externalisations : la poursuite de la RGPP par d'autres moyens.
Les externalisations peuvent aussi servir à réaliser les recettes exceptionnelles permettant d'équilibrer l'équation budgétaire de la réforme. Ces externalisations n'ont pas donné le résultat attendu et accumulent les difficultés. La vente de l'usufruit des satellites de communication a par exemple beaucoup tardé et a conduit à une durée du partenariat d'externalisation plus longue que la durée d'amortissement des appareils. Cela nous a amenés à considérer ce projet difficile à mettre en oeuvre.
Le troisième type d'externalisations concerne les opérations destinées, par le biais du partenariat public-privé, à doter le ministère de moyens qu'il ne peut financer immédiatement faute de trésorerie suffisante. Le coût d'acquisition est étalé dans le temps tout en créant les conditions d'une jouissance immédiate.
Tel est le cas du projet Balard, pour lequel sont prévus 700 millions d'euros d'investissement initial et 146 millions de loyers annuels, l'ensemble se soldant par une facture finale de 3,7 milliards d'euros.
Plusieurs aléas pèsent sur ce partenariat. Des aléas juridiques d'abord, puisque le ministère de la défense et la mairie de Paris sont en conflit sur des éléments de droit de l'urbanisme, le partenariat ayant été attribué à un candidat présentant un projet incompatible avec l'actuel plan local d'urbanisme (PLU) de la ville.
Par ailleurs, l'équilibre global de ce partenariat n'est possible que si l'on vend la totalité des actifs de l'îlot Saint-Germain, avec un produit de vente estimé à environ 600 millions d'euros, sachant que cette opération est très compliquée.
Enfin, l'équation consolidée de ce projet n'a de sens que si on a la garantie que ce que l'on fait coûte moins cher que la rénovation et la rationalisation des emprises actuelles des états-majors.
À cet égard, Mme Michèle Alliot-Marie avait conduit, lorsqu'elle était ministre de la défense, un projet intitulé « projet stratégique pour Paris » (PSP) qui tendait à réorganiser les sites parisiens au travers d'une réduction de format. Ce projet représentait un volume budgétaire beaucoup moins important que celui de l'actuel partenariat.
Je crois que toutes ces questions sont importantes et montrent qu'il y a encore beaucoup de points à régler.
Les externalisations sont-elles ou non une bonne chose ? Je n'ai pas de réponse à cette question dans la mesure où nous n'avons pas réussi à consolider les chiffres, pas plus d'ailleurs que la Cour des comptes. Nous avons peiné à obtenir des tableaux comparatifs sur les résultats d'une régie rationalisée et d'une externalisation. En l'absence d'éléments objectifs, nous ne pouvons qu'attirer votre attention sur les aléas de ces projets. En tout état de cause, il nous faut poursuivre la réflexion sur le sujet.