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Intervention de Jean-Claude Robert

Réunion du 7 septembre 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Jean-Claude Robert, président de l'association Prévention et suivi de la sécurité routière en entreprise, PSRE :

Sans me focaliser sur les intérimaires, je tenais à insister sur un facteur qui aujourd'hui biaise la lecture des résultats.

Le deuxième facteur concerne les victimes. Se focaliser sur le nombre de tués est assurément médiatique mais peu pédagogique pour l'ensemble de la population, qui ignore que, chaque année, il y a entre 8 500 et 9 000 nouvelles invalidités permanentes, dont 8 000 à la charge du régime général, accompagnées de 6 millions de journées d'arrêt de travail – dont 5 millions à la charge du régime général. On évoque souvent le poids des cotisations sociales sur les entreprises en oubliant que les cotisations d'assurance professionnelle représentent également pour elles une charge. Les barèmes des assureurs professionnels et ceux des assureurs complémentaires ont du reste été révisés en tenant compte du fait qu'aujourd'hui un accidenté de la route qui ne meurt pas coûte plus cher qu'un tué.

Quant au risque trajet, il continue d'augmenter chaque année, le nombre de tués entre le domicile et le travail étant devenu trois fois supérieur au nombre de morts en mission, ce qui annule, malheureusement, les effets de l'amélioration du risque « mission ».

Par ailleurs, non seulement le risque routier est considéré aujourd'hui par les services financiers des entreprises comme une variable d'ajustement, mais nous assistons également à une dérive qui aboutit à faire du salarié, lorsqu'il roule, un « homme à tout faire » : il appartient donc aux pouvoirs publics de prendre clairement position sur le sujet. Je fais allusion à l'utilisation du téléphone portable au volant, notamment à l'envoi de SMS. Un sondage révèle que 31 % des moins de vingt-cinq ans et jusqu'à 41 % de cette catégorie – alors qu'ils sont « apprentis conducteurs » – envoient des SMS depuis leurs voitures. Le phénomène est du reste international puisque les États-Unis et le Royaume-Uni réfléchissent à des mesures législatives en la matière. Il faut agir sur ce que la DSCR appelle les « distractions technologiques ».

Les conditions de travail poussent de plus en plus le salarié à tout faire ou presque à partir de son véhicule : le préposé à la réparation des ascenseurs ou le mainteneur informatique commenceront, tout en conduisant, à réaliser leur diagnostic au téléphone pour vérifier s'ils ont à l'arrière de leur véhicule les pièces nécessaires à leur intervention. Le salarié sur la route devient factotum, ce qui présente un risque considérable.

S'agissant de l'effectif, je serai moins optimiste que M. Reinhard Gressel. Si l'on ajoute les poids lourds et les véhicules utilitaires légers, dont on sait qu'ils sont utilisés par une personne et demie ou deux personnes (ce qui fait quelque 7 millions d'utilisateurs), aux véhicules légers gérés par les grands noms du leasing, nous atteignons plus de 10 millions, voire 12 millions de conducteurs, à temps complet ou partiel – parcourant entre 5 000 et 10 000 kilomètres. Les organismes publics doivent aider les associations, qui n'en ont pas toujours les moyens, à dresser des bilans.

Toutefois, pour mieux connaître le risque routier, il faudrait commencer par l'accepter. Trop longtemps il a été l'objet d'un déni. Il existe encore des chefs d'entreprise pour distinguer le risque professionnel du risque routier alors que le risque routier est un risque professionnel. Aujourd'hui, 35 % des entreprises décrivent le risque routier en rapportant le nombre de conducteurs au nombre de kilomètres parcourus. Cette démarche est insuffisante : il faut prendre également en considération et les conditions dans lesquelles ces kilomètres sont parcourus et les heures auxquelles ils le sont, afin de mettre en place les principes de prévention qu'a évoqués M. Thierry Fassenot.

Il s'agit aussi de rapporter le risque routier à tout un ensemble de facteurs insuffisamment pris en considération, comme le risque lié à l'alcool ou aux stupéfiants. Le ministère du travail a consacré deux excellents forums à la question, au CHU d'Angers et à la Maison de la promotion sociale d'Artigues-près-Bordeaux, qui ont mis notamment en valeur le contexte professionnel dans lequel se développe aujourd'hui la consommation de stupéfiants. Il faut agir avant qu'il ne soit trop tard car les consommateurs occasionnels sont aujourd'hui 5 millions.

Quant à la question des horaires atypiques, elle doit d'autant plus être prise en compte qu'elle concerne 37 % des salariés.

Il faut, en matière de risque routier, de l'accompagnement et de l'investissement, sur le modèle des efforts que les entreprises, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, ont réalisés, en matière de prévention des accidents du travail, sur les chantiers, au moyen des échafaudages, des harnais ou des casques. Les entreprises doivent recouvrer les moyens d'avoir des spécialistes en préventologie, lesquels, au début de la crise, ont été chargés d'autres missions alors jugées plus urgentes. Les entreprises qui réalisent des progrès en matière de sécurité routière sont celles qui organisent des quarts d'heure « sécurité » hebdomadaires ou qui renouvellent leurs plans de prévention.

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