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Intervention de Alain Dômont

Réunion du 2 septembre 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Alain Dômont, professeur de médecine, auteur d'un rapport sur les contre-indications médicales à la conduite :

La question est de savoir si tout le monde doit se soumettre à une évaluation ou s'il faut prévoir un seuil de déclenchement. Dans certains pays, ce sont les assureurs qui fixent les critères : l'assurance est renouvelée à la condition de pouvoir produire un certificat médical. Le problème est alors celui de la qualité d'un tel certificat, dans la mesure où l'évaluation de l'aptitude à la conduite nécessite des compétences que tous les médecins n'ont pas. Ils n'ont pas été formés en ce sens, alors même qu'ils ont la responsabilité, en vertu de la loi Kouchner, d'informer leurs patients des conséquences de leur maladie et de leur traitement.

On ne peut guère envisager de soumettre tout le monde à un screening. Dès lors, comment identifier les personnes concernées ? Le code de la route offre un début de réponse à cette question, puisque le permis (E)B, nécessaire pour tracter une remorque, doit, à l'instar de l'autorisation délivrée aux conducteurs professionnels, être renouvelé tous les cinq ans jusqu'à l'âge de 60 ans, puis tous les deux ans jusqu'à l'âge de 76 ans, et chaque année ensuite.

Votre question renvoie donc à celle de la validité administrative du permis de conduire, qu'il ne faut pas confondre avec la validité médicale. Lorsque l'on interroge le ministère de l'intérieur sur le nombre de permis en circulation, on obtient une réponse très imprécise – entre 40 et 45 millions –, parce que l'administration n'a pas nécessairement connaissance du décès des titulaires. Il faut donc bien distinguer la délivrance de l'autorisation de conduire, qui est une décision administrative, et le résultat d'une évaluation médicale de l'aptitude à la conduite. Or, aucun médecin, fut-il membre d'une commission médicale, ne peut promettre à son patient qu'il n'aura aucun problème de santé par la suite, ce qui peut poser un problème lorsque l'on cherche à associer une validité administrative à un avis médical. Ainsi, une disposition introduite subrepticement dans le code de la route en 1998 renvoie au conducteur la responsabilité de faire évaluer son aptitude à la conduite. Mais, si ce dernier n'a pas été informé par son médecin traitant, il n'a aucune raison de se présenter devant la commission médicale. C'est donc le médecin qui, in fine, endosse cette responsabilité.

À l'heure actuelle, le permis de conduire n'a pas une durée limitée de validité administrative. Mais la réglementation européenne pourrait imposer de le renouveler tous les dix ans jusqu'à un certain âge, et plus fréquemment ensuite. Le renouvellement serait assorti d'une visite médicale. Or, consulter un médecin n'implique pas que l'on va s'abstenir d'avoir un problème de santé dans les cinq ans ou les dix ans qui suivent.

Un problème de santé n'entraîne pas automatiquement un accident, et avoir un accident ne signifie pas que l'on a un problème de santé. Il existe un phénomène d'autorégulation comportementale : on sait parfaitement qu'un certain nombre de personnes s'arrêtent spontanément de conduire à partir d'un certain âge. Mais certaines le font à tort. Elles pourraient continuer ; toutefois, faute d'évaluation spécifique, elles ont peur de le faire. À l'inverse, certains ignorent complètement leurs problèmes de santé et continuent à conduire alors qu'ils ne le devraient pas. On les retrouve, par exemple, circulant en sens inverse sur l'autoroute.

Il existe donc déjà une réponse à votre question dans la réglementation actuelle : c'est le permis (E)B, assujetti aux contre-indications médicales du groupe léger, et qui doit être renouvelé périodiquement – à un rythme d'ailleurs sans doute un peu trop élevé pour ce qui concerne les conducteurs les plus jeunes. Mais je ne pense pas qu'imposer une visite médicale à tous les conducteurs soit une solution opérationnelle. Il serait préférable d'évaluer les personnes devant leur volant, pour dépister celles qui rencontrent des difficultés à conduire. Une telle solution aurait l'avantage de démédicaliser le problème.

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