Je suis plutôt d'accord avec les propos qui viennent d'être tenus. La première question que nous devons nous poser est celle du coût d'un dépistage. Dans le cas du cancer du sein, il a fallu arrêter après 70 ans parce que les coûts devenaient énormes. Il en serait de même pour le dépistage d'une incapacité à conduire. Qui va payer ? Dans la mesure où la problématique qui nous occupe relève de la vie quotidienne, et pas seulement de la maladie, cet élément doit être pris en compte.
Cela étant, il ne fait pas de doute qu'une action régulière procure un grand bénéfice, notamment en matière d'information. J'ai avec moi une plaquette appelée « conduire quand l'âge avance » et destinée à être consultée dans les salles d'attente des médecins. La question d'un âge limite pour la conduite y est notamment abordée. Par ailleurs, dans le cadre des journées de prévention routière à destination des conducteurs seniors, des compagnies d'assurance, des automobiles clubs, des mairies se mobilisent pour informer le public. Les règles du code de la route y sont rappelées, des conseils pratiques sont prodigués – par exemple au sujet des sièges pour bébés, qui intéressent les personnes s'occupant de leurs petits-enfants –, des essais sur simulateur, des tests de vision ou d'audition sont proposés à ceux qui le souhaitent. On est donc plus dans le registre de la responsabilisation du conducteur que dans celui de l'obligation ou de la répression, et c'est pourquoi ces journées ont un grand succès au niveau local. La question se pose donc de savoir s'il faut les développer, et avec quels financements.
D'un point de vue médical, une tentative a été faite d'organiser une visite obligatoire assortie d'une évaluation gériatrique complète pour toutes les personnes partant en retraite et jusqu'à l'âge de 70 ans, mais cela n'a eu aucun succès. En effet, la consultation aurait duré en moyenne une heure, ce qui est très long. En outre, les médecins étaient réticents à faire passer des tests spécifiques à des patients qu'ils connaissaient par ailleurs très bien. Ils n'ont pas adhéré à l'expérience, alors même qu'ils étaient rémunérés pour cela.
Il paraît difficile de prévoir une visite de cet ordre pour vérifier la capacité à conduire. En revanche, il serait possible d'inciter les médecins à avoir, avec leurs patients appartenant à une tranche d'âge déterminée, une discussion relative à la conduite automobile, et à renouveler cet entretien, par exemple une fois par an. Aujourd'hui, une telle démarche est encore rare, même si certains spécialistes commencent à aborder cette question lorsqu'ils procèdent à une évaluation gériatrique.
Par ailleurs, il existe des tests permettant d'évaluer les difficultés cognitives d'une personne. Malheureusement, aucun test n'est capable à lui seul de déterminer de façon certaine le risque d'accident. Il faut adopter une stratégie plus complexe, et non seulement réaliser des tests cognitifs pour évaluer l'autonomie du patient, mais aussi interroger son entourage sur sa façon de conduire. Cela étant, si, au sein d'un couple, une seule personne conduit, son conjoint sera réticent à donner l'alerte, car une incapacité à conduire les mettrait en difficulté tous les deux. Il faut parfois en tenir compte.
Les tests ne constituent pas une preuve, mais ils peuvent être complétés par une vérification devant un simulateur – même si cela n'est pas toujours facile pour les personnes âgées –, voire avec un moniteur d'auto-école. Des moniteurs, des orthoptistes ou des psychologues convenablement formés seraient en mesure de réaliser une véritable expertise. Pour autant, est-il possible de la proposer à tous les conducteurs de plus de 60 ans ?