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Intervention de Bernard Laumon

Réunion du 2 septembre 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Bernard Laumon, directeur de recherche à l'IFSTTAR, ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Quand on dresse le bilan des accidents qui impliquent des personnes âgées, on s'aperçoit qu'elles sont surtout dangereuses pour elles-mêmes. La victime est souvent le conducteur ou son épouse – sachant que plus de la moitié des victimes d'accidents sont les conducteurs eux-mêmes. Par ailleurs, il vaut mieux être percuté par un conducteur âgé – qui, statistiquement, circule à une vitesse moins élevée – que par un conducteur jeune, le nombre d'années de vie perdues étant inférieur dans le premier cas…

Je regrette de voir ce débat, qui devrait concerner l'ensemble des pathologies en lien avec la conduite, se focaliser sur celles liées au vieillissement, et sur la question de savoir à partir de quel âge l'aptitude à la conduite devrait faire l'objet d'attentions particulières. On propose une amniocentèse aux femmes enceintes de plus de 38 ans, mais la trisomie 21 peut survenir avant cet âge. Inversement, lorsque l'on a commencé à proposer un dépistage du cancer du sein à partir de 50 ans, on a renoncé à le faire au-delà de 70 ans – c'est-à-dire à un âge où, pourtant, le risque de le développer est le plus élevé. Cela s'expliquait par un calcul coûtsbénéfices : il semblait inutile, au moins au début, de convoquer des femmes plus âgées, parce qu'elles ne se rendraient pas au dépistage.

Ces exemples montrent que, pour chaque pathologie, le pic d'incidence ne survient pas au même moment et que les conséquences ne sont pas les mêmes selon l'âge. Dès lors, comment pourrait-on fixer un seuil unique pour le dépistage des maladies susceptibles d'affecter l'aptitude à la conduite ? Les apnées du sommeil font partie de la liste dressée par l'arrêté du 31 août 2010, mais la moitié de ces apnées n'est pas diagnostiquée – alors que, quand elles le sont, on peut les traiter –, et, de plus, elles ne constituent pas des maladies propres aux personnes âgées. Cela n'aurait pas de sens de vouloir les dépister à partir de 70 ans ; c'est à 20 ans qu'il faut le faire. Certes, d'une façon générale, le risque augmente avec l'âge, mais il n'existe pas de valeur seuil à partir de laquelle un examen médical présenterait à coup sûr un intérêt. Pour certaines maladies, un tel examen devrait être effectué relativement jeune ; pour d'autres, il pourrait attendre 70 ou 75 ans. Il faudrait réaliser des études coûtsbénéfices pour chaque type de pathologie, ce qui aurait l'avantage d'éviter de stigmatiser les personnes âgées.

D'autres problèmes peuvent également se poser. Ainsi, dans le cadre d'un travail sur les troubles cognitifs chez les personnes âgées, effectué sur trois groupes différents – personnes démentes, prédémentes ou en bonne santé –, nous avons mis au point, en collaboration avec le laboratoire de Claude Marin-Lamellet, un test simple et peu coûteux, pouvant être pratiqué en médecine générale, et susceptible de dépister un trouble de l'attention en lien avec un état de prédémence. Imaginons cependant que l'on généralise ces tests afin de mesurer l'aptitude à la conduite : une personne venue consulter pourrait non seulement se voir retirer son permis, mais aussi, par la même occasion, apprendre qu'elle risque de souffrir de démence sénile ! Un tel diagnostic, dont les conséquences dépassent largement la question de l'aptitude à conduire, ne me semble pas pouvoir être établi lors d'une visite médicale destinée à vérifier cette aptitude.

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