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Intervention de Laurent Hincker

Réunion du 2 septembre 2011 à 9h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Laurent Hincker, avocat :

On l'a dit, la loi Badinter indemnise, mais répare rarement. Voilà qui étonne le spectateur – faussement naïf – de l'appareil judiciaire que je suis. Comment remédier aux limites de ce texte ? Comment réparer au-delà de l'indemnisation ? Tel est aujourd'hui l'enjeu. Ainsi, les victimes d'un accident causé par un tramway circulant sur une voie qui lui est propre ne sont pas automatiquement indemnisées, ce qui peut paraître incongru, par exemple lorsque l'accident survient dans une cour urbaine, où il peut être difficile de distinguer la voie propre du trottoir.

D'autres problèmes sont posés par les délais d'indemnisation, évoqués par M. Freani : il faut parfois attendre plusieurs mois la première provision, ce qui oblige à avancer de l'argent. Les choses s'aggravent lorsque les victimes osent aller jusqu'au procès. Car l'indemnisation est censée éviter le procès : telle est la position des assurances. En outre, les experts d'assurances ne sont pas indépendants, puisqu'ils sont payés par l'assureur. Cette absence d'un expert indépendant au côté des victimes relance un débat fondamental : celui qui oppose la procédure accusatoire, selon laquelle chacun serait assisté d'un expert indépendant, au recours à des experts supposés compétents au motif que leur nom figure sur une liste.

Ces violences institutionnelles s'ajoutent à la violence initialement subie par les victimes. Je songe à cette personne qui, après le décès de son enfant, a trouvé une proposition d'indemnisation griffonnée sur un papier glissé dans sa boîte aux lettres. Il en résulte une immense frustration.

En outre, les victimes ont rarement accès au dossier pénal par le biais des assurances, ce qui les conduit à faire appel à un avocat. Sans compter la manière dont l'appareil judiciaire, débordé, règle le litige. Je songe à cette famille qui est venue me trouver la semaine dernière : lors de la médiation pénale qui lui avait été proposée, le chauffard qui avait renversé son enfant – ne fracassant heureusement que son casque – avait été incapable de formuler ne serait-ce qu'une parole d'excuse. Voilà pourquoi cette famille voulait un procès. Dans un cas comme celui-là, ce n'est pas la victime directe qui est en jeu, mais bien les victimes par ricochet, littéralement fracassées sur le plan psychique.

Nous voilà reconduits au fameux syndrome post-traumatique, qui n'est reconnu en France ni par les experts ni par les médecins. Heureusement, le préjudice d'anxiété défini par la jurisprudence de la Cour de cassation sur l'amiante nous fournit une échelle utilisable.

Le procès peut donc être justifié par sa vertu cathartique, à condition, naturellement, d'être bien mené. M. Freani a évoqué un procès exemplaire en première instance – n'était l'intervention de l'avocat de la compagnie d'assurance, qui a accusé la grand-mère de profiter du décès de son petit-fils pour réclamer une indemnité !

Pour éviter de telles situations, nous considérons, à la lumière de notre pratique professionnelle, qu'il faut distinguer le procès pénal de la considération des intérêts civils, y compris en cas de décès, au lieu de les confondre dans une même procédure, comme on le fait généralement aujourd'hui – sauf en cas de préjudice corporel, où les deux aspects sont dissociés et où l'affaire revient souvent devant le tribunal après expertise.

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