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Intervention de Jean-Pierre Freani

Réunion du 2 septembre 2011 à 9h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Jean-Pierre Freani, beau-père de la même victime :

Pour réduire le coût économique des accidents de la route, il faut pouvoir en réduire le coût social et humain : cela suppose que tous ceux qui en ont été victimes aient les moyens de se reconstruire, afin de ne pas avoir à dépendre de la solidarité nationale.

Je ne m'appesantirai pas sur les problèmes financiers qui peuvent se poser : pour notre part, même s'il y a fallu de longs mois de négociation et si la procédure est encore en cours au bout de cinq ou six ans, l'assurance a accepté de nous indemniser, la justice ayant par deux fois reconnu la responsabilité pleine et entière du chauffeur routier dans l'accident. Mais tout de même…

Un soir, à vingt-deux heures, on nous a donc appris par un coup de téléphone le décès de notre enfant. De Strasbourg où nous résidons, nous nous sommes rendus à l'hôpital de Colmar, où se trouvait son corps. Nous l'avons vu. On nous a demandé de rentrer chez nous pour revenir le lendemain pour les démarches. C'est ce que nous avons fait, et on nous a ensuite envoyé en face, aux Pompes funèbres, alors que nous étions dans un état psychologique que vous pouvez imaginer et que nous n'avions pas dormi de la nuit. Là, condoléances puis, comme nous expliquons que nous n'avons pas de caveau à Strasbourg et que nous voulons enterrer l'enfant à La Ciotat dont nous sommes originaires : « Bien, monsieur. Ce sera 2 500 euros. Vous payez comment ? ». À la mairie de La Ciotat, nous nous enquérons d'une tombe : « Un trou dans la terre, quatre places. C'est 4 200 euros. Vous payez comment ? » Entre-temps, le service des pompes funèbres de Colmar avait acheminé le corps à La Ciotat. Au cimetière, un autre opérateur prend le relais : « C'est 1 500 euros. Vous payez comment ? ».

Je suis cadre supérieur, nous avons des moyens confortables mais je ne sais pas comment d'autres personnes peuvent faire face.

Dans de telles circonstances, assommé par ce qui vous arrive, vous êtes totalement seul. L'attitude des assureurs est parfois assez surprenante, je vais y revenir, mais je voudrais surtout, sans faire pour autant le procès de la Justice, souligner l'existence dans la procédure judiciaire d'une faille qui peut avoir des conséquences morales assez rudes.

Le 28 septembre 2007 – l'accident date d'octobre 2006 –, a eu lieu le procès en première instance, d'une remarquable équité. Nous étions présents, toutes les parties ont pu s'exprimer et hormis, de la part du représentant des assurances, un propos où le cynisme le disputait à l'ignoble, rien n'a prêté à critique. Le chauffeur du poids lourd, reconnu entièrement responsable comme je l'ai dit, a été condamné à vingt mois de prison, dont quatre fermes. Il a fait appel. Ce deuxième procès s'est tenu le 6 février 2008 mais nous n'en avons été informés que par hasard, quatre mois après, au cours d'une conversation avec une amie magistrate à la cour d'appel de Colmar ! Il y a là, dans la procédure, une absence de suivi déplorable. Interpellée, la cour d'appel nous a répondu que la présence des parties civiles était possible mais non obligatoire et que, si nous n'avions pas été informés, c'est que le greffier était débordé de travail.

Nous avons ensuite découvert les attendus du jugement : « Compte tenu des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise et de la personnalité du prévenu, il apparaît que la peine d'emprisonnement prononcée en première instance est excessive en ce qui concerne la partie ferme ». Celle-ci a donc été annulée, mais ce n'est pas ce qui nous trouble : aucune sanction ne nous rendra le gamin. En revanche, nous avons été privés de la possibilité qui nous avait été offerte en première instance d'apporter au tribunal des éléments qui démontraient la responsabilité du chauffeur. Celui-ci avait dit avoir été aveuglé par le soleil : nous avons pu prouver que son véhicule était doté d'un dispositif anti-éblouissement, ce que le tribunal aurait ignoré sinon. Notre conseil a également signalé qu'il avait dépassé son temps de travail limite et n'avait plus de points sur son permis – j'ajoute que, tandis que notre enfant agonisait, il était encore resté neuf minutes dans sa cabine pour téléphoner à son employeur et à une entreprise de dépannage et que, deux heures après l'accident, il était reparti pour achever ses livraisons. Enfin, comme il prétendait que la route était sinueuse à cet endroit, nous avons dû fournir des documents et des photographies au Parquet pour prouver que c'était faux. Il est donc indispensable que la partie civile soit présente au procès – ou qu'à tout le moins, le parquet dispose de suffisamment d'éléments pour que bonne justice soit rendue.

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