Avant d'appartenir à l'IFSTTAR, organisme de recherche récemment créé, j'étais chercheur au Laboratoire de l'économie des transports et c'est avant tout en me fondant sur les travaux que j'ai alors menés, sur l'économie de la sécurité routière, que je m'exprimerai.
Je traiterai donc du coût économique des accidents, laissant à Mme Hours le soin de traiter de l'aspect social et humain. En France comme à l'étranger, la collectivité s'est depuis longtemps préoccupée de déterminer la valeur de la vie humaine, exprimée sous forme d'un montant monétaire. Ainsi, chaque fois qu'on envisage la création de grandes infrastructures – autoroutes, TGV… –, on s'attache à en évaluer les avantages comme les inconvénients et, dans les premiers, on comptabilise les vies qui seront sauvées, les blessures qui seront évitées. Traduire cela en valeur monétaire n'est certes pas aisé et a donné lieu à de nombreux travaux – vous trouverez des indications sur cette problématique dans un rapport que je vous remettrai, rédigé de concert avec l'INSERM, sur l'usage du téléphone au volant. Je dirai seulement que cette valorisation est susceptible d'approches différentes, selon qu'on est assureur ou puissance publique, selon qu'on prend en compte les seuls dommages mesurables ou également, par exemple, le nombre d'années d'activité perdues… Mais il a fallu faire un choix et une valeur qu'on nomme « tutélaire », en ce sens qu'elle est définie par la collectivité, reflète l'importance que cette dernière attribue à tel ou tel critère à un moment donné. Dès lors, elle ne peut qu'évoluer dans le temps : en France par exemple, elle a doublé entre 1995 et aujourd'hui – les préoccupations de sécurité routière y ont certainement contribué. Les variations sont également fortes d'un pays à l'autre : ainsi, dans les années quatre-vingt, l'écart était important entre les pays du sud et ceux du nord de l'Europe, ces derniers attribuant une plus grande valeur à la vie humaine.
Cette valorisation a un impact sur la décision publique : sont privilégiés les projets les plus susceptibles de favoriser la sécurité routière dès lors qu'on évalue la vie humaine ou l'intégrité physique à un niveau élevé. Actuellement, cette valeur est fixée à un million d'euros pour une vie sauvée. Nous pourrions aller au-delà : cela contribuerait à donner encore plus de poids aux considérations de sécurité routière dans les politiques publiques des transports.