Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Baroin

Réunion du 31 août 2011 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

En avril dernier, le programme de stabilité que nous avons remis à la Commission européenne prévoyait une réduction de notre déficit public à 5,7 % du PIB en 2011, à 4,6 % en 2012 et à 3 % en 2013. Cette trajectoire a été jugée crédible par la Commission européenne, mais également par toutes les grandes institutions internationales. À la mi-août, les premières estimations de l'INSEE ont confirmé le ralentissement de la croissance du PIB au deuxième trimestre, un ralentissement que nous avions prévu mais dont nous n'avions pas anticipé l'ampleur. Cela nous a contraints à réviser à la baisse notre résultat annuel.

Cette moindre croissance a un impact mécanique sur le niveau de nos recettes publiques et donc sur la trajectoire du déficit. Comme l'a rappelé le Premier ministre le 24 août dernier, le seuil de tolérance à l'endettement est aujourd'hui dépassé, et c'est la raison pour laquelle il a été décidé d'ajouter à ce projet de loi de finances rectificative, initialement conçu pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil européen du 21 juillet, un train de nouvelles mesures destinées à corriger sans attendre les effets négatifs de la conjoncture. Il s'agit donc d'une démarche de sincérité, de crédibilité et de responsabilité.

Le projet de loi de finances rectificative fixe les modalités de la participation française au Fonds européen de stabilité financière et aux mesures de soutien à l'économie grecque décidées lors du sommet du 21 juillet. Je rappelle le contexte économique : après une série de crises de la dette jusqu'alors limitées à l'échelle domestique, la situation était en train d'évoluer vers un problème systémique et menaçait la stabilité de la zone euro dans son ensemble. Par ailleurs, les taux des pays périphériques atteignaient leurs plus hauts niveaux historiques, un signe de tension qui trahissait l'urgence de la situation. Il était important de contenir cette menace pour éviter une grave perte de confiance dans notre monnaie.

Face à l'aggravation de la crise de la dette souveraine connue par certains pays européens, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé de nouvelles mesures et élaboré un plan inédit de stabilisation de la zone euro. La crise de confiance des acteurs de marché, alors même que la zone repose sur des fondamentaux économiques solides, appelait en effet une réponse forte de façon à restaurer un climat économique serein en matière de dette souveraine européenne. Afin de rassurer les acteurs sur les marges de manoeuvre du Fonds européen de stabilité financière, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ont décidé, à l'occasion du sommet du 11 mars, de porter à 440 milliards d'euros sa capacité de prêt, et de l'autoriser, à titre exceptionnel, à souscrire des titres des États bénéficiaires sur le marché primaire. Jusqu'à présent, la garantie de l'État était réservée pour l'essentiel aux prêts directs des États membres. Un certain nombre de décisions tendent également à modifier en profondeur l'organisation du Fonds.

L'aggravation de la crise de la dette souveraine en Europe imposait d'apporter une réponse adaptée et cohérente à la question de la dette grecque et, surtout, de mettre un terme à la contagion. Sous l'impulsion du Président de la République et de la chancelière allemande, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, réunis le 21 juillet à Bruxelles, ont donc adopté un ensemble de mesures qui visaient plusieurs objectifs : améliorer la soutenabilité de la dette grecque, grâce à un nouveau programme d'assistance et à une stratégie globale en faveur de la croissance et de l'investissement dans ce pays ; aligner les conditions des prêts accordés à l'Irlande et au Portugal sur les nouvelles conditions du prêt à la Grèce ; conforter les stratégies de redressement des finances publiques dans la zone euro ; améliorer, avant l'automne prochain, la gouvernance économique européenne ; enfin, doter la zone d'une véritable force de frappe financière en renforçant notamment les capacités d'action du Fonds européen de stabilité financière.

Le projet de loi de finances rectificative qui vous est présenté vise donc à étendre la garantie de l'État aux nouvelles modalités d'intervention du Fonds européen. Jusqu'à présent réservée aux seuls prêts directs à des États membres de la zone euro, elle sera désormais étendue aux nouvelles prérogatives du Fonds. Celui-ci – et c'est l'élément le plus important de l'accord du 21 juillet – aura la capacité d'intervenir de manière préventive pour fournir une aide à un État en cas de difficulté transitoire ; il pourra aider un État à recapitaliser son secteur bancaire en cas de nécessité ; il aura la possibilité d'intervenir sur le marché secondaire lorsque la Banque centrale européenne jugera le marché défaillant. Ces trois éléments traduisent l'impulsion nouvelle destinée, par des réponses techniques et opérationnelles apportées en lien avec la BCE, à éviter la contagion et l'instabilité.

La loi de juin 2010 obligeait déjà le Gouvernement à informer le Parlement dès lors qu'une opération du Fonds européen engage la garantie de la France. Nous avons souhaité renforcer encore cette information en adressant chaque semestre aux parlementaires un récapitulatif détaillé de l'activité du Fonds.

Je précise qu'un prêt accordé par le FESF à un État en difficulté constitue une opération financière sans effet sur le niveau de déficit public. La dette publique de la France sera augmentée au fur et à mesure des emprunts contractés par le fonds, au prorata de sa participation. Cette dette est essentiellement comptable et ne se traduit pas par une charge d'intérêts supplémentaire pour l'État.

Les chefs d'État et de gouvernement ont exprimé le souhait que les mesures décidées le 21 juillet soient mises en oeuvre rapidement, et les inquiétudes des investisseurs plaident également en faveur de cette célérité. Au niveau européen, les annonces faites pendant le sommet nécessitent de conduire un certain nombre de travaux au cours du mois de septembre. Nous devons donc être tous prêts à la fin de ce mois, et c'est pourquoi le Gouvernement est sensible à l'effort accompli par la commission des Finances pour nous entendre aussi rapidement.

La modification des textes existants appelle une validation par la plupart des États membres de la zone euro, qui se sont engagés à achever les procédures requises au plus tard à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre. Plusieurs dispositions décidées par les chefs d'État et de gouvernement devront toutefois être précisées au cours des prochaines semaines, notamment en ce qui concerne l'implication du secteur privé, le montant de la participation du Fonds monétaire international au nouveau programme ou les modalités de mise en oeuvre des collatéraux demandés par la Finlande.

Il est nécessaire que la France adopte sans délai le projet de loi visant à appliquer les décisions du sommet européen, d'autant que l'Allemagne présentera son propre texte le 7 septembre. L'engagement rapide des deux principaux contributeurs du Fonds européen représenterait en effet un signal fort pour l'ensemble de leurs partenaires et pour les investisseurs. La France est d'ailleurs le premier pays européen à entamer ce processus de ratification, marquant ainsi la détermination du Gouvernement à rétablir dans les meilleurs délais la confiance des marchés.

La moindre croissance enregistrée au deuxième trimestre et le contexte de défiance à l'égard des politiques budgétaires européennes rendent encore plus impérieux le respect de nos engagements en matière de réduction du déficit public. Le président Cahuzac a rappelé le caractère intangible de nos objectifs : nous sommes heureux de le voir partager ce vocabulaire.

Si les résultats du deuxième trimestre ont pu décevoir, la croissance française reste toutefois inscrite dans un cycle de reprise. Sur l'ensemble du premier semestre, notre croissance moyenne est de l'ordre de 0,4 à 0,5 %, un résultat qui demeure supérieur à celui des États-Unis et de l'Italie – 0,2 % –, ou à celui du Royaume-Uni et de l'Espagne – 0,3 %.

En outre, selon l'INSEE, plusieurs indicateurs macroéconomiques importants restent bien orientés. Ainsi, l'investissement demeure robuste, avec une augmentation de 0,9 %. Pour les ménages, la progression est même de 1,4 %, après un léger repli au premier trimestre. Ce dynamisme est d'ailleurs confirmé par l'enquête publiée le 26 août par l'Institut, selon laquelle les chefs d'entreprise de l'industrie manufacturière anticipent une forte croissance – plus 14 % – de leurs investissements pour l'ensemble de l'année 2011. Il y a eu par ailleurs 120 000 créations nettes d'emplois dans le secteur marchand au cours du premier semestre de cette année, ce qui confirme le dynamisme retrouvé de nos entreprises. Ce nombre était en effet de 141 000 sur l'ensemble de l'année 2010. En outre, il s'agit en très grande majorité d'emplois durables, hors intérim.

En ce qui concerne l'évolution du coût de la vie, les prix ont baissé de 0,4 % en juillet, notamment grâce au recul de 0,2 % des prix des produits alimentaires et à la diminution de 0,6 % de celui des produits pétroliers. La masse salariale, elle, continue d'enregistrer une progression soutenue, ce qui constitue une bonne nouvelle pour le pouvoir d'achat des Français.

On le voit, les fondamentaux de l'économie française restent solides. Les réformes structurelles entreprises par le Gouvernement depuis 2007 – réforme de l'université et des retraites, programme « Investissements d'avenir », réforme du crédit d'impôt recherche – tirent la croissance vers le haut. C'est parce que cette politique de long terme est la bonne que le Gouvernement est parvenu à préserver la note maximale pour les titres obligataires français. Ce n'est pas nous qui l'affirmons, mais les agences de notation elles-mêmes, pour lesquelles l'ensemble de ces réformes structurelles justifient la stabilité de leur regard sur la stratégie poursuivie par notre pays en matière de finances publiques.

Dans un esprit de sincérité, de responsabilité et crédibilité, il convenait de prendre acte du ralentissement plus fort que prévu de la conjoncture au deuxième trimestre. Il nous est donc apparu plus prudent de réviser notre prévision de croissance en la ramenant à 1,75 % en 2011 et en la fixant au même niveau pour l'année prochaine. Cette décision s'explique par plusieurs paramètres, comme la hausse du prix des matières premières – l'inflation hors tabacs pourrait s'établir à 2,1 % en moyenne annuelle, ce qui ralentirait la consommation des ménages – ou le climat économique plus tendu depuis quelques semaines, susceptible d'affecter les comportements d'investissement et de consommation chez nos principaux partenaires commerciaux, ce qui, en retour, pèserait sur la demande mondiale adressée à la France. Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont donc logiquement décidé de prendre un ensemble de mesures complémentaires destinées à garantir le respect de nos objectifs de réduction du déficit qui, j'y insiste, demeurent intangibles.

En cohérence avec notre stratégie politique, les mesures annoncées par le Premier ministre visent à répartir équitablement l'effort demandé, sans peser sur la croissance ni sur l'emploi. Elles s'inscrivent dans le prolongement de l'effort de réduction des niches fiscales et sociales engagées l'année dernière. Nous nous sommes toutefois efforcés de préserver trois catégories de niches, celles qui favorisent l'emploi, soutiennent les publics les plus fragiles et renforcent notre compétitivité, et donc notre capacité à rembourser notre dette à moyen terme. Nous ne touchons donc pas au pouvoir d'achat des plus modestes, aux emplois à domicile ni au crédit d'impôt recherche. En revanche, au nom de l'équité fiscale entre les contribuables et de la solidarité, l'effort supplémentaire a été ciblé sur les catégories les plus aisées.

Enfin, conformément aux souhaits du Président de la République, nous initions le rapprochement avec l'Allemagne des assiettes fiscales de l'impôt sur les sociétés, grâce à une mesure fondée sur un principe simple et équitable : il est inacceptable qu'une grande entreprise réalisant des bénéfices puisse échapper à toute imposition en raison de déficits passés. Cette mesure, calibrée pour préserver les PME, contribuera à rapprocher le taux implicite d'imposition auquel celles-ci sont soumises avec celui des grands groupes. C'est aussi un élément du travail commun engagé entre la France et l'Allemagne en faveur de la convergence fiscale, nécessaire pour améliorer la gouvernance de la zone euro. Ce processus ne s'arrêtera pas là, puisque nous nous apprêtons à finaliser, dès l'année prochaine, un projet plus complet de rapprochement de l'assiette et du taux de nos impôts sur les sociétés.

Ce projet de loi de finances rectificative est donc imprégné d'un véritable esprit de responsabilité : vis-à-vis de nos partenaires européens, lorsqu'il est nécessaire de leur apporter notre soutien et d'accélérer la convergence économique, vis-à-vis des engagements pluriannuels de réduction des déficits publics – engagements que nous tiendrons quoi qu'il advienne –, et vis-à-vis des Français, qui attendent légitimement que les efforts supplémentaires que nous leur demandons soient équitablement répartis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion