Je pense que le moment est bien venu pour prendre le recul de la réflexion sur le sujet très controversé des OGM, trois ans après la loi, et vingt-cinq ans après le début des cultures en plein champ.
Tout d'abord, je suis allé participer une journée aux travaux du Haut Comité sur le problème des semences, de la brevetabilité du vivant, des certificats d'obtention végétale, des brevets dans le domaine du vivant ; c'était une journée de travail passionnante. Contrairement à ce que certains ont dit, j'ai ainsi assisté à une réunion au cours de laquelle les échanges étaient aussi intéressants que ceux des auditions de l'Office.
Ma deuxième observation, c'est que, vu la composition du Comité, il est très difficile de réfléchir à des questions de fond. Beaucoup de gens sont prédéterminés ; quand ils arrivent aux réunions du Comité, beaucoup ont d'avance un avis.
Maintenant il reste des questions sur lesquelles il faudrait se pencher.
Ce n'est pas le tout de parvenir à des avis de consensus, des avis sur lesquels on ne peut rien dire, des avis derrière lesquels des divergences subsistent, sur les essais de thérapie génique par exemple. La recherche sur les OGM recourt depuis bien longtemps à la culture en plein champ – j'ai visité pour la première fois en 1987 entre Lyon et Grenoble une expérimentation de Rhône-Poulenc sur les tabacs génétiquement modifiés ; au bout de vingt-cinq ans, peut-on admettre d'en rester sur ce sujet avec les mêmes questionnements ? Pour les uns, les OGM, c'est dangereux et le terme même d'OGM suscite le rejet. Pour les autres, les OGM font désormais partie des produits banalisés, et on peut les utiliser, on peut en faire le commerce, et on doit même pouvoir en tirer des royalties dans le cas où l'on a été à l'origine de constructions génétiques. Ce sont ces questions-là qui devraient être abordées. Quand on voit l'histoire des OGM depuis 1991 – la transposition de la première directive européenne, puis les premières importations de soja génétiquement modifié, le premier rapport de l'Office en 1998, la première conférence des citoyens, la conférence des quatre « sages », (dont le président de l'Office), sur l'expérimentation en plein champ, la mission parlementaire de 2005, la loi de 2008, on n'a pas l'impression que la sérénité ait gagné du terrain. Pour certains, les OGM sont une arme de domination de la production agricole, via la mainmise sur la totalité des brevets sur les semences ; et cela, personne ne souhaite le voir se réaliser. Pour d'autres, toute construction génétique nouvelle est un artifice, et un artifice est contraire à la nature, et comme c'est contraire à la nature c'est mauvais. Je pense qu'il y a des mauvais mais aussi des bons OGM. Je pense que la science et la technique peuvent apporter des précisions sur les possibilités d'implantations de gènes que ne prévoit pas la nature, c'est-à-dire que la technologie peut permettre d'être plus précise que les sélections classiques, ou même les sélections assistées par ordinateurs. A ce propos, que pensez-vous des nouvelles techniques en développement aujourd'hui basées sur la cysgénèse, qui permettront sans doute d'arriver à des constructions génétiquement modifiées sans recourir à la transgénèse ?
Pour terminer, je souhaiterais qu'il y ait un avis du HCB sur les risques présentés par les constructions génétiques pour la santé. Il n'y a pas de raisons objectives qu'il y ait plus de risques en matière de santé pour une construction génétique. Ceux qui ont dit cela l'ont dit parce que c'était sans doute la meilleure manière pour faire peur sur ce sujet.
Il faut faire aussi un point sur les risques en matière d'environnement. Quels sont les véritables critères définissant l'agriculture biologique ? Les cahiers des charges, tels qu'ils sont rédigés aujourd'hui sur ces sujets, sont-ils les bons cahiers des charges ? J'ai alerté en 2003 – avec huit ans d'avance – sur les dangers de la bactérie e-coli, ce qui ne m'empêche pas de soutenir l'agriculture biologique dans ma région.
Encore deux autres questions : Qu'est-ce qui caractérise selon vous une production « sans OGM » ? Enfin, que pensez-vous des marqueurs antibiotiques ?