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Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 12 juillet 2011 à 17h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilbert Barbier, sénateur, rapporteur :

– Le sujet des perturbateurs endocriniens est particulièrement complexe. Que ce soit sur l'animal sauvage ou de laboratoire, le rôle de ces perturbateurs est bien documenté et identifié. Des phénomènes de féminisation sur la faune aquatique ou sur des grands prédateurs ont été constatés. Des problèmes de perturbation endocrinienne liés à certaines substances, notamment des pesticides, sont posés depuis quelques dizaines d'années mais la question des perturbateurs endocriniens n'a été véritablement identifiée et conceptualisée dans sa globalité qu'il y a vingt ans, soit un délai assez bref dans le domaine de la recherche.

Évidemment, l'une des questions centrales est la transposabilité à l'homme des études faites sur les rongeurs ou les poissons. Or, à ce sujet, il y a un manque évident de données.

Chez l'homme, on constate une augmentation de l'incidence de certains cancers hormono-dépendants, comme celui du sein ou de la prostate, mais aussi du testicule conduisant à s'interroger sur le rôle des perturbateurs endocriniens dans leur déclenchement. Des études épidémiologiques seraient nécessaires.

Les données disponibles ont d'ores et déjà conduit l'Union européenne à prendre des mesures de restriction ou d'interdiction de certains produits dans le cadre de plusieurs dispositifs, dont le plus important et sans doute « REACH » pour les produits chimiques qui doivent progressivement faire l'objet d'une analyse et d'une déclaration préalable à leur commercialisation.

Ces éléments conduisent, tout d'abord, à proposer le développement de la recherche pour améliorer les connaissances. Une coordination interministérielle au niveau national dans le cadre d'une stratégie raisonnée serait très utile.

Au niveau européen, les perturbateurs endocriniens sont appréhendés à travers une stratégie cohérente. Ils sont assimilés à certains égards aux substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Un des objectifs prioritaires est de prendre toute la mesure de leurs effets toxicologiques et mécanistiques complexes qui remettent en cause le modèle de la toxicologie traditionnelle, la relation entre la dose et l'effet. Pour les perturbateurs endocriniens, la réponse n'est pas toujours linéaire et s'y ajoute la question des effets des mélanges de substances. Il convient également de prendre en considération le moment de l'exposition. Un produit, par exemple, inoffensif pour un adulte peut se révéler toxique dans le cadre d'une exposition intra-utérine. Ce type d'exposition est susceptible d'induire des cancers ou des troubles de l'appareil reproducteur chez l'homme et la femme.

Prévenir et informer est le second volet des propositions du rapport. Vous vous souvenez que le Parlement avait été amené à interdire la présence de Bisphénol A (BPA) dans les biberons, ce qui est une bonne chose, mais on s'est aperçu qu'il y en avait presque autant dans le lait maternel. Pour protéger les nouveaux nés et les femmes enceintes, nous sommes donc confrontés à un problème d'exposition diffuse et généralisée. Dès lors, il paraît logique de chercher à informer la population de la présence de perturbateurs endocriniens dans des produits d'usage courant afin d'en déconseiller l'usage aux femmes enceintes et aux jeunes enfants. Je propose donc que soit apposé sur ces produits un pictogramme similaire à celui présent sur les bouteilles d'alcool (le profil d'une femme enceinte barré dans un cercle rouge).

Enfin, comme cela se fait déjà, il faut envisager d'interdire certains produits pour certains usages, tout particulièrement les usages maternels et infantiles. En revanche, une interdiction générale telle que préconisée par la « proposition de loi Lachaud » votée par l'Assemblée nationale récemment, ne serait ni utile ni applicable. En outre, agir par l'adoption de lois nationales successives visant à interdire tel produit ou tel usage apparaît inadapté. Je propose plutôt d'intervenir au niveau européen pour demander des restrictions sur certains produits afin d'avoir une action sur tout le marché intérieur et si nécessaire de voter une résolution parlementaire en ce sens.

Pour conclure, je dirais que ce problème de notre société doit être abordé sans tabou mais sans affolement.

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