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Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 30 juin 2011 à 9h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Marie-Christine Blandin, sénateur :

– Merci pour ce rapport. L'Office est bien dans son rôle : l'évaluation d'une technologie. En revanche, les rapporteurs, dans leur exposé, préemptent quelque peu les conclusions définitives de la mission. De fait, toutes vos propositions vont dans le sens de l'amélioration de la filière et, donc, de son maintien. Entre autres, vous préconisez d'investir massivement dans le nucléaire. Qui pourrait refuser l'argent de la sécurité ? Celui qui est nécessaire à la recherche publique ? Sauf à considérer que la recherche publique en énergie est déjà consacrée à 95% par le nucléaire… Ce n'est pas ainsi que l'on avancera dans la recherche sur les énergies alternatives.

Je commencerai par les recommandations. Une étude juridique pour éviter la sous-traitance en cascade dans le nucléaire ? Très bien, si ce n'est que l'instance spécifique de garantie de l'indépendance de l'expertise, dont le Sénat avait voté le principe à l'unanimité il y a trois ans, n'a jamais été créée. Bref, il faut des propositions plus radicales. Un correspondant-référent pour les travailleurs du nucléaire ? Evidemment, sauf que le gouvernement a refusé l'amendement en ce sens que les sénateurs Verts avaient présenté sur le texte relatif à la médecine du travail. Gardons à l'esprit le contexte dans lequel nous évoluons… Enfin, je n'ai pas trouvé trace, dans le projet de rapport, du droit de recours au budget de l'ANR accordé aux CLI pour obtenir des contre-expertises.

On me dira que, durant les visites, j'ai fait ma moisson dans un sens partisan. Néanmoins, vos recommandations, notamment quant au radier de Fessenheim, disent l'opacité qui règne. Vous avez repéré nombre de difficultés : Comurhex I ne résiste pas un séisme de 5,5 ; Gravelines n'a pas anticipé le risque tsunami consécutif à un glissement ; le radier de Fessenheim est trop fin. On pourrait mentionner également les dérives de la sous-traitance, les périmètres trop étroits des plans particuliers d'intervention (PPI), le laxisme dans l'urbanisation périphérique ; la mobilisation médiocrement orchestrée des secours mobiles, les dispositifs de secours en bord de mer et, enfin, l'absence d'arrêt automatique des centrales en cas d'alerte sismique. Tout cela ne dessine pas un beau paysage…

Certains points méritaient de plus amples développements : les problèmes spécifiques aux piscines, signalés par les experts hier ; l'oubli du cas de Superphénix ; le sous-dimensionnement du dispositif anti-marée noire de Gravelines – quel dommage que nous n'ayez pas vu le boudin de Gravelines, ridiculement petit ! – ; la modélisation inexistante des effets de crue en cas de contournement des digues ; les risques majeurs liés au transport, maritime et terrestre, du minerai et des déchets ; et, enfin, les effets du nucléaire sur l'environnement dans la durée. J'insiste sur ce dernier point : après le drame au Japon, des centaines, voire des milliers d'hectares, sont devenus incompatibles avec toute activité humaine : on ne peut plus y vivre. Quelle tragédie ! Concernant la gestion de la crise, les plans Orsec, confiés aux préfets, sont nettement insuffisants : une semaine après la crise, rien n'est prévu pour les populations évacuées.

Certaines considérations paraissent trop optimistes. La France est l'un des pays où la gestion de la sûreté est la plus transparente ? Pourtant, en 2009, ni l'ASN ni le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) ne mentionnaient l'exportation de tonnes d'uranium en Sibérie. Il a fallu que la presse aille fouiller pour que nous en soyons informés ! Autre exemple, vous parlez d'une gestion parfaitement rigoureuse de la sécurité des installations nucléaires. Les dernières photos de fuites à Paluel et Penly, que m'ont transmises des sous-traitants, témoignent du contraire : on croirait voir de vieilles chaudières poussives. L'existence de risques majeurs serait prise en compte dès le choix d'installation, affirmez-vous. A considérer le niveau de Gravelines par rapport à celui de la mer ou encore la centrale de Tricastin située en plaine alluviale et inondable (Georges Besse II a été surélevé), le propos paraît un peu abusif. Une progression continue de la transparence ? Souvenez-vous ! A Tricastin, j'ai dû sortir de mon sac à main la carte IGN pour qu'on nous donne les points cotés, l'altitude du canal et des fonds de réacteur. A Fessenheim, il a fallu que je les soumette à un tir de questions pour que nous apprenions, dix minutes avant de quitter le site, que l'épaisseur du radier est de 1,5 mètre, selon l'ASN, et de 1,3 mètre, selon EDF. Et trois minutes avant de monter dans le bus, un ingénieur de m'appeler : « Rassurez-vous ! Nous élaborons un projet pour ajouter 80 centimètres de béton en dessous du réacteur n° 1 ». Bref, vous êtes trop indulgents ou peut-être « pas assez curieux ». Moi, j'ai eu l'impression de devoir arracher les données à des gens qui n'étaient pas pressés de partager leurs incertitudes.

Quant aux conclusions du rapport, je souhaite des positions plus radicales. Vous avez su interdire la sous-traitance, sauf dérogation, dans la loi bioéthique, pourquoi n'en serait-il pas de même pour le nucléaire ? Le principe doit être le travail dans la maison mère, sous contrôle public. Il faut également exiger des scénarios de crise dépassant les premiers jours.

Ce commentaire ne préjuge pas de ma position sur le rapport définitif, même si vous devinez déjà sur quels points j'interviendrai.

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