Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, la loi Bichet du 2 avril 1947 est, avec la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le texte qui pose les grandes règles régissant le secteur de la presse.
Cette loi contient, dans son titre Ier, les principes fondamentaux gouvernant le système de distribution de la presse depuis l'après-guerre. Ces principes font l'unanimité, et il n'est pas question de les remettre en cause. Derrière ces principes se trouvent des enjeux constitutionnels de premier ordre tels que la garantie du libre accès des citoyens à l'information ou encore la pluralité de l'offre.
Pour autant, cette loi ne suffit plus à régir efficacement les rapports des différents intervenants de la distribution de la presse. J'ajoute même que, pour garantir l'effectivité des principes posés par la loi Bichet, celle-ci doit être réformée.
Lors des débats en commission, mes collègues de l'opposition ont raillé la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui pour examen, sous le prétexte qu'elle serait une dénaturation des principes posés par la loi Bichet. Je ne partage pas leur jugement. Les problèmes récurrents constatés aujourd'hui dans le secteur de la presse sont autant de raisons de réformer cette loi.
Rappelons-le, le principe de la loi Bichet est de promouvoir un système de distribution de la presse coopératif entre les différents acteurs : les messageries pour le niveau l, les dépositaires pour le niveau II et les diffuseurs pour le niveau III. Ce système coopératif est aujourd'hui déficient. À cause de cela, l'accès des citoyens à l'information risque de ne pas être assuré avec régularité. Comment pourrait-on alors ne pas partager l'objectif de la proposition de loi qui nous est présentée, objectif qui est ni plus ni moins de revenir à un système coopératif efficace ?
La présente proposition de loi permettra de mettre fin rapidement aux blocages répétés. Elle propose à cet effet une refonte de la gouvernance du système de distribution de la presse, qui sera désormais bicéphale. En dépit de ce changement, il s'agit bien d'une évolution et non d'une révolution. Les principes fondamentaux de la loi Bichet ne sont pas remis en cause.
Le Conseil supérieur des messageries de presse est d'ailleurs maintenu. Ses pouvoirs sont renforcés. Il prend désormais des décisions à portée normative. Avancée majeure : le CSMP devra mener une procédure de conciliation obligatoire en cas de différends intervenant dans le secteur de la distribution, avant toute action contentieuse.
Le CSMP est rénové, constitué de vingt membres, exclusivement des représentants des professionnels de la distribution, composition qui reflète les forces en présence. Le dispositif de régulation de la loi Bichet étant fondé sur les éditeurs, ceux-ci y occupent une place importante, aux côtés des messageries de presse. La représentation de l'État est allégée puisque assurée par un commissaire au Gouvernement siégeant avec voix consultative uniquement, et celle des transporteurs est supprimée : on en fait ainsi une véritable instance professionnelle.
Pour asseoir sa légitimité et parer à toute mise en cause de ses décisions, le texte prévoit la mise en place d'une Autorité de régulation de la distribution de la presse, qui sera impartiale et extérieure. Son rôle sera de donner force exécutoire aux décisions normatives prises par le CSMP. Elle interviendra également pour régler les conflits, dans le cas où aucune solution à l'amiable et aucune conciliation n'auront pu être trouvées dans le cadre d'un différend devant le CSMP. Elle aura donc une fonction contentieuse, d'ailleurs susceptible de recours.
Composée de trois membres issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, autorité indépendante, elle apportera toutes les garanties nécessaires pour veiller à la légitimité et à la bonne mise en oeuvre des décisions actées par le CSMP.
Les pouvoirs normatifs du CSMP sont larges, ce qui rend nécessaire l'intervention d'une autorité de régulation – de validation, pourrions-nous dire – extérieure et impartiale. Le CSMP pourra, par exemple, déterminer les conditions de rémunération des agents de vente ; il pourra également réguler l'organisation et le fonctionnement du réseau, autant d'enjeux stratégiques qui justifient l'intervention d'une autorité indépendante pour veiller à ce que le caractère coopératif du CSMP soit bien respecté.
En outre, afin d'apporter encore davantage de garanties, l'Autorité aura la faculté d'émettre des avis sur la qualité du contrôle comptable des messageries exercé par le CSMP d'abord, sur l'évolution des conditions tarifaires des messageries de presse ensuite. Cela permettra d'éviter toute accusation d'ententes ou de pratiques concertées, car cette évaluation n'est plus désormais entre les seules mains du CSMP.
Les messageries de presse demeurent libres de fixer leurs tarifs comme elles l'entendent, dans le strict respect du droit du commerce et de la concurrence, mais elles devront le faire dans le respect du système coopératif qui prévaut depuis l'entrée en vigueur de la loi Bichet.
Certains arguent qu'il s'agit là d'une mise sous tutelle du CSMP par l'Autorité de régulation. C'est faux ! La volonté du législateur était avant tout de veiller à ce que les petits distributeurs, dépositaires et diffuseurs de presse, en minorité au sein du CSMP, ne se voient pas imposer de manière injustifiée des décisions par les éditeurs et les messageries de presse, largement majoritaires au sein du CSMP. De fait, l'Autorité de régulation agit comme un organe de contrôle, chargé de rappeler au CSMP sa nature coopérative. Cette structure permettra d'assurer un meilleur fonctionnement du secteur, car les décisions seront désormais empreintes d'une légitimité absolue.
Ce mécanisme bicéphale n'est d'ailleurs pas une bizarrerie, d'autres systèmes de régulation utilisant avec efficacité ce type de gouvernance. Songeons au Centre national du cinéma et de l'image animée qui s'appuie également sur le médiateur du cinéma.
Mes chers collègues, ce texte est attendu avec une grande impatience par la profession. Rappelons-le, il traduit les réformes urgentes préconisées par les états généraux de la presse écrite. Il est, en outre, le fruit d'un travail approfondi s'inspirant des travaux de M. Lasserre et de la mission de l'inspection des finances, relative à la situation de Presstalis.
Ce texte est une nouvelle fois l'occasion de marquer notre soutien à un secteur, la presse écrite, qui est à un tournant historique majeur. Nous devons tout faire pour l'accompagner dans ses mutations profondes.
Au-delà de ce texte, nous devons poursuivre l'effort que nous avons engagé avec les états généraux de la presse écrite. Nous devons faire le bilan des mesures que nous avons votées et des aides que nous avons consenties. Certaines semblent d'ores et déjà avoir rencontré un franc succès, à l'instar de l'aide au portage, qui se développe et dont l'allocation budgétaire mérite d'être pérennisée.
Nous devrons aussi continuer à agir en faveur de la revalorisation du métier des diffuseurs de presse, c'est-à-dire les marchands de journaux et les kiosquiers.
Il convient enfin de s'interroger sur notre stratégie d'accompagnement des médias vis-à-vis du numérique qui engendre des bouleversements structurels durables dans le secteur de la presse. Les récentes évolutions technologiques nous imposent d'évaluer la pertinence de cette stratégie et de nous interroger sur les évolutions nécessaires de notre législation.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je souhaite attirer votre attention sur le nécessaire débat que nous devrons avoir sur l'accompagnement des aides que nous donnerons à la presse écrite.
Le débat que nous avons aujourd'hui, relatif à la presse, n'est qu'une étape qui se poursuivra à la rentrée parlementaire, sans doute à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.
Comme l'a fait notre excellent rapporteur, je vous appelle à mon tour, mes chers collègues, à adresser un signe fort de notre soutien à ce secteur – la presse – en votant ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)