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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 5 juillet 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, allons-nous aujourd'hui ajouter une ligne à la liste déjà trop longue des réformes injustes menées par le Gouvernement ? Ce projet de loi de finances rectificative symbolise parfaitement l'inconstance, si ce n'est l'incompétence, de la majorité en matière de fiscalité.

Cela fait désormais neuf longues années que vous êtes au pouvoir et vous présentez tous les trois ans une nouvelle doctrine budgétaire et fiscale. Chaque fois, vous assénez des vérités de manière péremptoire, mais elles se heurtent à la réalité objective. Vous persévérez dans votre méthode des soi-disant grands projets, grandes réformes, aux résultats minimes, voire négatifs.

Chaque fois que vous proposez vos nouveaux modèles de fiscalité, cela se fait sans la réflexion ni la discussion préalables qui s'imposerait pourtant naturellement.

Il est temps d'ouvrir les yeux sur la réalité économique et sociétale de l'État que vous êtes censés gouverner. Il est temps de sortir de la seule volonté des grandes entreprises et des grands patrons. Il est temps de sortir des petits arrangements entre amis. Alors que nos concitoyens réclament, à juste titre, une plus grande justice sociale et fiscale, vous leur répondez par un pied de nez d'une hypocrisie absolue.

Le bouclier fiscal va être supprimé. Grande annonce ! Les Français peuvent se réjouir. Le Gouvernement a enfin pris conscience de son erreur et des conséquences désastreuses que la loi TEPA a pu avoir sur l'équilibre de nos finances publiques ainsi que sur l'accroissement des inégalités entre les citoyens.

Lors de la première lecture de ce texte, Mme Lagarde, nouvelle directrice générale du FMI, avait évoqué, à propos de cette suppression, une « réforme utile ». S'il est bien un point sur lequel nous la rejoignons, c'est bien celui-ci. Mais comment n'avez-vous pas pu voir à quel point ce bouclier fiscal était une réforme inutile dès 2007 ?

Il est vrai, au vu notamment du dernier projet de loi de règlement des comptes de 2010, que les prévisions ne sont pas votre fort. Votre domaine de prédilection semble plutôt se trouver dans les projets de loi injustes et inefficaces. Il faut même avouer que, en la matière, vous excellez !

C'est bien la raison pour laquelle vous avez décidé de coupler la suppression de la mesure phare de la loi dite du « paquet fiscal » avec celle annoncée, par Nicolas Sarkozy lui-même, de l'impôt de solidarité sur la fortune. Vous l'avez comparé avec l'impôt allemand sur le patrimoine, en mettant en parallèle leur obsolescence. Le seul caractère obsolète de l'ISF réside en réalité dans le fait qu'il n'est pas assez injuste comparé à vos différentes mesures, et qu'il jure ainsi dans le paysage. Notre collègue socialiste Pierre-Alain Muet le soulignait à juste titre.

Alors que nous vivons une période délicate où les salaires stagnent, voire baissent, on s'attendrait à un peu plus de justice fiscale. Cette loi de finances rectificative va dans le sens inverse.

Votre réforme fiscale ne va faire qu'empirer la situation financière de la France. Le déficit ne cesse de croître, et la dette publique suit la même évolution. Il devient nécessaire de contrecarrer cette progression plus que dangereuse. Pourtant, le Gouvernement et la majorité ne trouvent rien de mieux que de supprimer une partie des recettes de l'État provenant de l'ISF. Lors de la discussion générale du 6 juin dernier, certains collègues de l'UMP avaient applaudi sa réforme sous prétexte qu'il rapportait trop. De même, le rapporteur général semble en vouloir à cet impôt, qu'il qualifie pourtant de plus dynamique que les recettes qui vont lui être substituées. Je sais que M. Carrez répondrait que c'est la raison pour laquelle il faut conserver l'ISF. Mais ce projet de loi de finances rectificative sonne surtout comme la chronique d'une mort annoncée pour cet impôt.

Alors qu'il s'agit d'un des rares impôts contribuant à un semblant de justice fiscale, vous le dénaturez et lui faites perdre son essence même.

Nous, députés écologistes, l'avons rappelé en première lecture : les mots ont un sens. C'est d'ailleurs en cela que l'on comprend l'intérêt, l'essence de cette taxe. « Impôt de solidarité sur la fortune », cela signifie que les classes les plus aisées se voient plus imposées que les plus défavorisées. C'est une logique fiscale que prônent les écologistes.

Apparemment, le Gouvernement et la majorité ont choisi une nouvelle voie : celle de l'imposition régressive. Plus on est riche, plus on est protégé. Cela contribue à creuser les inégalités entre nos concitoyens, et c'est cela qu'il faut combattre.

Mais vous avez fait le choix des cadeaux fiscaux, pour ne pas dire électoraux. L'exemple de Mme Liliane Bettencourt est particulièrement frappant. Grâce à cette réforme fiscale, l'administratrice de L'Oréal paiera moins d'impôts en 2012 qu'en 2010, c'est-à-dire 10 millions contre 40 l'an passé ! Cet écart énorme s'explique par le délai de mise en oeuvre de l'abrogation du bouclier fiscal, qui ne sera totalement effective qu'en 2014. Or la réforme de l'ISF sera beaucoup plus rapide. Avec un nouveau taux d'imposition de 0,5 % – contre 1,8 % auparavant –, Mme Bettencourt ne sera imposée qu'à hauteur de 4 % de ses revenus effectifs. Difficile de voir en cela l'exemple de la justice fiscale que M. Baroin revendiquait pour cette loi de finances rectificative !

Au-delà de l'exemple individuel, l'évolution des recettes de l'ISF démontre qu'il s'agit d'un véritable cadeau. Elles passeraient en effet de 4,1 milliards d'euros à 1,8. Les quelque 1 900 foyers détenant un patrimoine de plus de 17 millions, qui déclarent en moyenne 35 millions de patrimoine taxable, verraient leur ISF baisser en moyenne de 370 000 euros. Bercy a publié des statistiques montrant qu'ils bénéficiaient depuis 2007 d'un bouclier fiscal moyen de 210 000 euros, qui sera supprimé. Au total, la réforme leur ferait donc gagner 160 000 euros supplémentaires par foyer.

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