…qui rêve de ne voir dans cet hémicycle que des députés UMP. Avouez, cher collègue, que si tel était le cas, vous vous ennuieriez probablement beaucoup plus qu'actuellement.
Cette réforme n'est pas équilibrée. Elle n'est pas non plus juste, je le crains. L'affichage était pourtant fortement affirmé : personne ne devait financer cette réforme, mis à part celles et ceux qui soit profitaient du bouclier fiscal, soit acquittaient l'ISF. Or, madame la ministre, il a suffi que neuf sénateurs représentant les Français de l'étranger aillent voir le Président de la République pour qu'une des recettes principales censées financer cette réforme, respectant les critères que je viens d'énoncer – la taxation sur les résidences secondaires –, trépasse, et qu'un amendement sénatorial soit adopté, avec l'accord du Gouvernement.
Comme il fallait malgré tout que cette réforme conserve l'apparence de l'équilibre, une recette de substitution a donc été imaginée, qui est une augmentation de plus de 100 % des droits de partage. Mes chers collègues de la majorité, vous qui craignez la taxation des uns et des autres, vous qui accusez souvent un camp de faire preuve d'une grande imagination en matière de taxation, vous vous apprêtez à voter une augmentation de plus de 100 % des droits de partage, qui ne s'appliquent pas aux seuls foyers qui bénéficient du bouclier fiscal, ni aux seuls qui acquittaient ou acquitteront l'ISF. Ils s'appliquent à tous les Français, car le divorce est une procédure républicaine, qui ne fait pas le tri entre les ménages selon qu'ils acquittent ou non l'ISF. Bref, si vous maintenez l'affirmation selon laquelle cette réforme n'est financée que par ceux qui acquittent l'ISF, cela veut dire que, selon vous, ne vont désormais divorcer que ceux qui acquittent l'ISF, sans qu'il y ait là pour vous, je l'imagine, une relation de cause à effet. Vous voyez quel ressort comique cette affirmation pourrait receler s'il ne s'agissait de textes financiers, et si d'aucuns souhaitaient malgré tout se laisser aller à cet humour-là.
C'est donc une réforme de la fiscalité du patrimoine étriquée, particulièrement partielle, qui ne concerne que 2 % des contribuables et 4 milliards d'euros quand le produit global de cette fiscalité est, je le répète, de 56 milliards d'euros. En réalité, pour l'essentiel, rien n'est fait. Rien n'est fait de ce qui aurait dû être fait, notamment pas l'alignement de la fiscalité du travail sur celle du capital. Avec cette réforme, la fiscalité du capital reste incomparablement plus favorable que celle du travail. Reconnaissez, madame la ministre, que, pour une majorité, un gouvernement et un Président de la République qui avaient décidé de revaloriser la valeur travail, terminer la mandature en reconnaissant le fait que la fiscalité du capital reste nettement plus favorable que celle du travail n'est peut-être pas la preuve la plus éclatante que les engagements qui furent pris ont été respectés.
Cette réforme de la fiscalité du patrimoine est donc tout à fait partielle, étriquée, et néanmoins non équilibrée car non financée, et en tout cas injuste – je viens d'indiquer qui la paierait. De surcroît, vous avez décidé que les foyers assujettis à l'ISF bénéficieraient d'un surplus de 150 euros par enfant à charge et par an. Il n'y a décidément pas de petits profits, mes chers collègues ! Des foyers disposant d'un patrimoine d'au moins 1,3 million d'euros, si ce n'est de plusieurs millions d'euros, vont donc bénéficier, madame la ministre, grâce à votre majorité et à vos choix, d'un avantage supplémentaire de 150 euros par enfant. J'ignore s'ils y seront sensibles. Je constate que la dépense est de 20 millions d'euros. Selon moi, elle aurait pu être utilisée à beaucoup plus juste, et peut-être beaucoup plus utile.
Cette réforme sera finalement tout à fait emblématique de ce qu'aura été l'attitude du Gouvernement et de sa majorité en matière fiscale : des réformes faites à crédit, des réformes injustes, des réformes sur lesquelles, quelle que soit la majorité issue des urnes l'année prochaine, il faudra revenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)