Il faudra, dans le même temps, satisfaire à un critère de résidence : tout le monde devra partir pour la Belgique. Il est vrai que c'est une terre d'émigration fiscale plutôt prisée, mais pas exclusive. Le système que vous imaginez, madame la ministre, et que vous nous proposez en dernière lecture après que l'Assemblée et le Sénat se sont prononcés, ce système-là ne marche pas pour d'autres pays d'exils fiscaux.
Enfin, une troisième condition est posée. Admettons que le candidat au départ oublie qu'il peut s'exonérer de toute taxation et vende au bout de cinq ans ; admettons qu'il oublie qu'il existe d'autres terres d'asile que la Belgique, qui, naturellement, seraient très accueillantes pour cet exilé potentiel ; il faudrait encore que celui-ci n'ait jamais connu, que ce soit dans les années précédentes, dans les années à venir ou dans l'année en cours, de moins-value boursière. Or il est rare, madame la ministre, que, sur une période donnée, il n'y ait pas, à l'occasion, quelques moins-values boursières, lesquelles s'imputent sur le système que vous nous proposez.
Le rendement ne sera donc évidemment pas d'un peu moins de 200 millions d'euros, comme on pourrait tous légitimement l'espérer. Je ne veux pas dire qu'il sera nul, mais il ne sera certainement pas du niveau escompté.
Troisième raison pour laquelle cette réforme n'est évidemment pas équilibrée : le dynamisme des recettes que vous imaginez pour qu'elles se substituent à celles que vous supprimez. Le rapport de notre collègue Gilles Carrez l'a parfaitement expliqué, la progression des recettes des procédures fiscales que vous nous proposez dans ce texte n'a rigoureusement rien à voir avec celles que vous décidez d'abroger et qu'elles doivent remplacer – en tendance, et donc au-delà du déficit partiel dû aux effets rémanents du bouclier fiscal. En tendance, donc, cette réforme n'est pas davantage équilibrée.
Il est une quatrième raison qui fait douter de l'équilibre de cette réforme : comme il fallait absolument que les chiffres tombent rond, une méthode a été utilisée pour estimer le produit de l'ISF si la réforme n'intervenait pas, et une autre méthode l'a été pour calculer le produit de l'ISF une fois la réforme votée. Ces deux méthodes ne sont pas comparables, puisque l'une oublie d'intégrer le produit du contrôle fiscal, quand l'autre l'intègre très largement, et peut-être même au-delà du raisonnable.
Ces quatre raisons, à elles seules, le prouvent, cette réforme n'est pas équilibrée, alors même qu'elle a coûté beaucoup de travail et de réflexion. À cet égard, vous avez précisé, pour vous en féliciter, que le Parlement avait été largement associé à l'élaboration de cette réforme. Madame la ministre, je me permets de vous rappeler que, si des parlementaires ont été associés à cette réforme, prétendre que le Parlement le fut relève d'un abus de langage, ou d'une vision peut-être tronquée de ce qu'est le Parlement, car les seuls parlementaires qui furent associés à la préparation de ce projet appartenaient tous à la majorité, aucun à l'opposition. Prétendre, dès lors, que le Parlement fut associé me semble traduire une vision pour le moins partisane de ce qu'est la représentation nationale,…