Convenons tout d'abord d'une chose : ce texte est examiné dans la précipitation. Chacun ici en est conscient puisque, lors de la discussion générale, tous les orateurs ont souligné ce fait, quelle que soit leur place dans l'hémicycle.
Ce n'est pas très brillant de la part du Gouvernement de laisser notre assemblée travailler dans ces conditions, d'autant qu'il aurait pu prendre la responsabilité de déposer un projet de loi plutôt que d'utiliser un porteur d'eau, Tour de France oblige, pour faire son travail. Je ne dirai pas que les porteurs d'eau sont inutiles mais force est de constater que, cette semaine, le Gouvernement a eu recours à beaucoup de porteurs d'eau pour présenter des propositions de loi.
Ce procédé est nocif pour le travail parlementaire car un projet de loi, outre qu'il est accompagné d'une étude d'impact, offre aux parlementaires davantage de temps. Nous aurions pu faire un travail beaucoup plus utile.
Deuxièmement, nous ne sommes pas a priori en désaccord avec la dévolution, ni même avec la vente, mais nous aimerions savoir quel est l'objectif de cette proposition de loi. Là est la vraie question.
On pourrait penser que l'objectif est avant tout culturel, puisque la proposition de loi est issue de la commission des affaires culturelles. Une question se pose alors : pourquoi ne pas procéder au simple transfert de l'usage du monument – et non de la propriété – si c'est l'usage qui en est fait qui lui confère une fonction culturelle, quitte à confier à une convention entre l'État et les collectivités territoriales le soin de préciser les modalités de son entretien ? Mais si tel était le cas, cela voudrait dire que les fonds nécessaires à l'entretien sont disponibles.
Or, que constate-t-on ? Le texte procède à une défausse sur les collectivités territoriales afin d'essayer d'entretenir ce que l'État ne parvient pas à entretenir. Le Président de la République avait pourtant promis de consacrer 400 millions d'euros au patrimoine, promesse honorée une seule fois seulement, dans une loi de finances : chose bien curieuse, car, le Président de la République ayant été élu pour cinq ans, on pouvait penser que les engagements qu'il prenait valaient pour cinq ans aussi.
Autrement dit, l'État n'ayant plus d'argent pour entretenir son patrimoine, il se défausse de ses charges sur les collectivités territoriales alors même que près de la moitié des monuments historiques appartiennent déjà auxdites collectivités qui les entretiennent à ce titre. On leur en remet donc une couche.
Par ailleurs, nous déplorons que l'alinéa 2 de l'article 5 autorise l'État à vendre les monuments historiques dans les mêmes conditions de vente que pour les biens publics de l'État, sans valeur patrimoniale particulière.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez affirmé lors de votre intervention au Sénat que si aucune collectivité ne sollicitait le transfert d'un monument, celui-ci pourrait être mis en vente. Autrement dit, si une collectivité ne présente pas de projet culturel pour un monument, on s'en fout, on le vend. Tout cela montre bien que le projet culturel, loin d'occuper le devant de la scène, reste en coulisses. Ce texte n'a pas pour objectif de défendre la culture.
Nous en revenons au débat soulevé par l'article 52 de la loi de finances pour 2010. Souvenez-vous : Éric Woerth, alors ministre du budget, rappelait qu'il était également ministre du domaine et que la décision de vendre des biens de l'État, qu'ils soient culturels ou non, lui revenait à lui seul. Nous y voilà. Le présent texte, sous le couvert d'un projet culturel, donne au ministre en charge du domaine public, donc au ministre du budget, la capacité de vendre, même si ce n'est pas, comme à Compiègne, un morceau du territoire avec un petit hippodrome pas trop cher.
Ce texte se présente dans un très bel habit mais il cache en réalité de mauvaises intentions. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre.