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Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 11 juillet 2011 à 17h00
Modification de l'ordre du jour — Discussion générale

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Je souhaite répondre à chacun des orateurs qui se sont exprimés, avant tout pour leur faire part de la gratitude du Gouvernement pour la qualité de leurs interventions et l'intelligence et la passion dont ils ont fait preuve, qui montre l'importance qu'ils accordent au lien entre la Nation et son armée, les réserves étant une modalité de ce lien.

La proposition de loi qui vous est soumise a un objet relativement modeste, puisqu'elle porte sur une sécurité nationale étendue. Nombre d'intervenants ont rappelé les événements récemment survenus au Japon, qui ont nécessité la mobilisation de moyens militaires renforcés par les réservistes.

Je veux dire au rapporteur Patrice Calméjane que les questions qu'il a posées sont au coeur de la préoccupation du ministère de la défense. La sanction des réservistes, évoquée par d'autres intervenants, correspond à un cas de figure très particulier, découlant de la décision du Premier ministre de mobiliser les réserves civiles et militaires pour des chantiers nationaux d'importance majeure. Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité que la procédure soit entourée d'une certaine solennité ainsi que d'une protection du réserviste – car, paradoxalement, le fait de prévoir une contravention vise davantage à protéger le réserviste entravé qu'à sanctionner le réserviste défaillant. L'objectif est de permettre au réserviste déclarant son engagement à son employeur de faire jouer l'obligation légale, à la charge de ce dernier, d'autoriser son salarié à s'absenter afin de répondre à l'appel de la réserve pour une durée de cinq jours à trente jours. De son côté, le réserviste est tenu de répondre à l'appel, sous peine de contravention.

Cette contravention n'a pas vocation à jouer un rôle dissuasif, encore moins pénalisant : nous savons fort bien que les réservistes sont, par nature, de bonne volonté, et que ceux qui s'engagent le font dans l'intention d'être, le moment venu – c'est-à-dire lorsque survient une crise –, acteurs de la solidarité nationale. En fait, la perspective d'une contravention leur servira avant tout à faire valoir, auprès de leur employeur – et même de leur entourage familial – qu'ils sont obligés d'assumer leur engagement. Mme Alliot-Marie, qui a eu à connaître de la question des réservistes en tant que ministre de la défense et en tant que ministre de l'intérieur, a exprimé des réticences au sujet de cette contravention, dont votre rapporteur s'est fait l'écho devant la commission. Je pense pour ma part que nous devons soutenir une disposition qui, dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, vise à apporter une certaine solennité et à protéger le réserviste dans son environnement professionnel et personnel. Si, d'aventure, cette mesure devait revêtir un caractère vexatoire, il serait toujours temps de revenir dessus.

Nous avons engagé trois chantiers, confiés au contrôle général des armées, à l'état-major et aux inspections générales d'armes. Au contrôle général des armées, j'ai demandé un audit portant sur l'amélioration de la gouvernance de la réserve militaire, ayant pour objet de mieux distinguer, d'une part, les fonctions de politique d'ensemble, relevant d'un comité directeur présidé par le ministre, d'autre part, la fonction de concertation, qui restera du ressort du Conseil supérieur de la réserve militaire, également présidé par le ministre.

À l'état-major, plus précisément au délégué interarmées des réserves, j'ai confié la mission de présenter un bilan de l'emploi et des missions de la réserve militaire, ainsi que de leur adaptation aux besoins opérationnels des armées. Enfin, un troisième chantier a été ouvert, relatif à l'amélioration de l'emploi et de la gouvernance de la réserve citoyenne. M. Le Bris a fait état du texte de 1999, qui permettait à la réserve citoyenne d'intervenir dans des cas exceptionnels non militaires – correspondant à ceux prévus par les auteurs de la présente proposition de loi. Force est de reconnaître que les choses demandent à être précisées, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent : la réserve citoyenne reste donc en retrait de l'engagement de sécurité civile. Ces trois chantiers devraient être prêtes en septembre prochain.

Je remercie le président de votre commission, Guy Teissier, d'avoir insisté sur la nécessité de tisser le lien social. La réserve, la journée défense et citoyenneté, mais aussi la journée du « savoir vivre ensemble », proposée par Patrick Beaudouin dans son rapport « Vivre la France dans la République », se trouvent en effet au coeur de la motivation de cette proposition de loi : l'engagement dans le cadre de la réserve doit contribuer à retisser le lien social.

La réserve est opérationnelle. Pour certains, elle est contractuelle, avec des conditions qui les apparentent à des militaires ; pour d'autres, il s'agit d'une obligation, celle de faire partie de la réserve à l'expiration de leur contrat dans l'armée. Mon souhait est que la réserve citoyenne constitue une transition, et pas simplement une consécration honorable pour des gens charmants et disponibles. Bref, il serait bon que nous nous orientions vers des éléments plus jeunes : à cet égard, je pense que la préparation militaire constituerait un très bon vivier de réserve opérationnelle, permettant d'assurer le lien entre la Nation et son armée.

En évoquant l'élargissement de la réserve citoyenne, monsieur Beaudouin, vous étiez tout à fait en accord avec la position du ministre de la défense. Vous avez eu raison de rappeler les effectifs relativement modestes atteints à ce jour par la réserve citoyenne. Cependant, l'étude réalisée par l'inspection générale des armées va nous permettre de progresser sur ce plan.

Vous avez, par ailleurs, évoqué un manque de reconnaissance du pays à l'égard de nos militaires en général, en particulier à l'égard de la mémoire de ceux qui ont donné leur vie sur des théâtres d'opérations extérieures. Je partage votre sentiment sur ce point. Sur le terrain, au sein des unités, les camarades de combat font preuve entre eux d'une solidarité sans faille ; la même solidarité règne entre les familles de militaires lorsque l'une d'elles est frappée par un deuil ; enfin, ayant accompagné – trop souvent, hélas, depuis quatre mois – des unités lors des hommages solennels rendus aux soldats tués, j'ai pu constater que les élus répondent présent à chaque fois qu'il le faut, toutes convictions et tous engagements politiques confondus. Les militaires sont sensibles au fait que les élus ne soient pas là uniquement pour réclamer, mais sachent également les accompagner, eux et leurs familles, le moment venu.

Vous avez raison de dire qu'il manque un geste national, soit à une date fixe, soit au moyen d'actes symboliques. Ainsi, au Royaume-Uni, certaines manifestations collectives s'ouvrent par un rappel aux morts, lors duquel chacun accepte de saluer la mémoire des soldats tués. En France, on entend bien des stades entiers résonner de La Marseillaise en cas de succès sportif de notre pays, ou même simplement pour soutenir une équipe. Il me semble que l'on pourrait parfois prendre le temps de faire silence, afin de se souvenir que si les jeux sont possibles, c'est parce que d'autres font en sorte de garantir notre sécurité. Merci de ce rappel, monsieur le député : je le prends en considération à titre personnel, mais aussi en temps que membre du Gouvernement.

Je veux dire à M. Boisserie que j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qu'il a dit de l'indemnisation des entreprises : c'est, venant d'un parlementaire socialiste, une ouverture en direction de l'entreprise qui ne peut que me paraître intéressante. Il convient en effet de traiter cette question dans le cadre de la loi de finances et, si je ne suis pas certain que nous disposions, à l'heure actuelle, de règles parfaitement adaptées, je me réjouis que nous ayons encore quelques mois pour trouver une solution satisfaisante.

C'est Gilbert Le Bris qui a, me semble-t-il, évoqué l'idée du label. Actuellement, un peu plus de 300 entreprises ayant conclu un contrat de soutien à la réserve sont labellisées « partenaire de la défense ». Vous m'avez invité, monsieur le président Teissier, à l'université de la défense ; or il se trouve que je suis invité, à peu près à la même période, à l'université du MEDEF. Je me rendrai à cette invitation, non pas pour parler de politique industrielle, mais pour rappeler aux entreprises, avec des arguments empruntés aux uns et aux autres, que la défense ne concerne pas que les jeunes engagés, mais aussi les institutions qui en bénéficient – très directement pour certaines, indirectement pour l'immense majorité d'entre elles. Il me semble qu'avant de demander une indemnisation, une entreprise a pour devoir de laisser ses salariés assumer leurs responsabilités. Je rappelle que les entreprises ne payent pas leurs salariés durant les jours où ils s'absentent pour répondre à l'appel de la réserve – sauf celles, justement, qui ont signé le contrat de partenariat de défense et qui, labellisées à ce titre, s'engagent à ne pas pénaliser leurs salariés réservistes.

En revanche, les entreprises ont aujourd'hui, non pas des contraintes, mais une véritable discipline à respecter. Dans le cas d'une mobilisation par le Premier ministre – ce qui n'est pas un événement banal, mais la réponse à une situation de crise nationale –, les entreprises ont l'obligation d'accepter que leurs salariés s'absentent jusqu'à trente jours. J'imagine qu'elles sauront, dans le cadre de leur politique de communication, mettre en oeuvre ce que l'on appelle la responsabilité sociétale et environnementale.

Jean-Jacques Candelier ne s'oppose pas au texte. Je l'en remercie et, pour être franc, ne lui en demandais pas plus ! (Sourires.)

Je vous remercie, monsieur Folliot, de votre soutien. Faut-il une contravention ou une incitation ? J'ai en partie répondu ; il faut en réalité les deux. La perspective de la contravention constitue pour le réserviste une certaine forme de sécurité vis-à-vis de son employeur, beaucoup plus qu'une pénalisation.

Vous avez évoqué le rôle de la réserve opérationnelle. Je pense en effet qu'une réflexion plus globale que celle ouverte dans cette proposition mérite d'être engagée. À cet égard, je suis d'accord avec Jean-Pierre Dupont : ce texte est une bonne initiative, mais ne règle pas tout. Il ne peut prétendre constituer ce « corpus législatif plus large » que vous appelez de vos voeux. Le problème du civisme de l'employeur – privé ou public et, dans ce dernier cas, centralisé ou décentralisé – se pose en effet. Or nous savons tous que, sur le terrain, les collectivités locales sont souvent les employeurs des pompiers volontaires. En matière de civisme, elles prennent donc largement leur part, même si, par ailleurs, les 250 000 pompiers ne sont évidemment pas tous volontaires.

Vous avez évoqué, cher Jean-Pierre Dupont, l'importance des effectifs de réserve. Les chefs de corps me disent que, sans eux, ils ne pourraient pas fonctionner. En période d'OPEX, en particulier, c'est-à-dire quand une partie de l'unité est à l'extérieur, la disponibilité des réservistes opérationnels permet de faire fonctionner toutes sortes de services, ce qui rend plus légitime encore le « corpus législatif plus large » que vous réclamez.

J'ai déjà évoqué en partie l'intervention de Gilbert Le Bris. Je suis désolé pour la tempête de 1987 à Concarneau. J'ai d'ailleurs un souvenir personnel très précis de cette tempête : ma troisième fille, qui était en classe de mer tout à côté de Concarneau, n'a dû qu'à la sagesse et à l'indifférence de la jeunesse de ne pas s'inquiéter, alors que ses parents – en particulier sa mère – étaient totalement terrorisés ! (Sourires.) J'aurais donc soutenu votre demande. Je voudrais toutefois vous reprendre sur un point : les 54 000 personnes en moins pour les années 2009 à 2014 résultent non pas de la RGPP, qui vise à ce que les mêmes missions soient assurées par des personnels un peu moins nombreux, mais de la reconfiguration de nos armées voulue par le Livre blanc.

Vous avez évoqué, avec raison, l'implication des entreprises. Je n'y reviendrai pas, mais nous serons d'accord, les uns et les autres, pour dire que cette étape législative est utile, sans pour autant épuiser le sujet. Votre présence aujourd'hui prouve, mesdames et messieurs les députés, qu'il y a de l'imagination, de la volonté et de l'initiative à l'Assemblée nationale pour traiter de ces sujets. Je suis persuadé que nous aurons à nous revoir pour approfondir, élargir et consolider notre réflexion en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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