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Intervention de Gilbert Le Bris

Réunion du 11 juillet 2011 à 17h00
Modification de l'ordre du jour — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, lors du récent tremblement de terre et de la catastrophe qu'il a provoquée, le Japon a montré quel rôle peuvent jouer les armées dans des événements qui relèvent de la surprise stratégique. Face à un tel chaos et aux réactions immédiates qu'il nécessite, les forces japonaises d'autodéfense ont en effet su mettre en oeuvre, dans l'urgence, sans se substituer aux infrastructures civiles mais en les complétant, des moyens puissants et pertinents pour rechercher, secourir, soigner et transporter les victimes.

En France également, l'armée est intervenue à plusieurs reprises lors de catastrophes survenues sur notre territoire, qu'il s'agisse de marées noires ou de tempêtes : Klaus en 2009, Xynthia en 2010. Lorsque, en 1987, une tornade s'est abattue sur la Bretagne, j'ai suffisamment souffert, en tant que maire de Concarneau, de l'absence d'aide militaire pour juger ce type d'intervention normal. Tous les bateaux du port avaient été drossés aux remparts de notre forteresse, dite Ville Close. Hélas ! en dépit de mes demandes répétées, et alors qu'une journée aurait suffi au génie pour permettre l'accès à ces bateaux, il m'a fallu faire avec les seuls moyens de la ville et des services de l'équipement. L'opération a coûté cher et entraîné des destructions de biens, mais il n'était pas possible, m'a-t-on dit alors, de distraire l'armée de sa mission, son coeur de métier n'étant pas de venir en aide aux civils.

Sans doute cette tornade, qui s'est trouvée en concurrence avec un krach boursier, n'a-t-elle pas suscité suffisamment d'émotion en France. Sans doute a-t-on pensé, au niveau national, que la Bretagne était habituée aux fortes tempêtes, même si celle-là relevait d'une autre catégorie. Sans doute, surtout, les esprits n'étaient-ils pas mûrs pour comprendre le rôle que peut jouer, même en temps de paix, une armée payée par les deniers des contribuables. Heureusement, la situation a commencé de changer, comme l'atteste ce texte qui encadre les réserves et marque une évolution souhaitable. Il faudra néanmoins certainement le compléter et poursuivre dans cette voie, afin de mieux prendre en compte ces événements aussi graves qu'imprévus qui dépassent les capacités de réaction de nos forces civiles traditionnelles.

N'oublions pas les atouts que présentent les armées, en France comme dans tout pays : disponibilité de chaque instant, capacité d'action en autonomie et en collaboration, variété et puissance réelle d'équipements souvent adaptés à toute situation ainsi qu'une capacité psychologique à faire face à des situations extrêmes et l'expérience de multiples catégories d'événements. Certes, nos forces civiles sont non négligeables, puisque nous disposons de quelque 250 000 pompiers, professionnels et volontaires, ainsi que de gendarmes et de policiers, largement répartis sur notre territoire national. Le dialogue civilo-militaire est donc de première importance et doit être l'objet de toute notre attention.

Du reste, à l'heure actuelle, des représentants du chef d'état-major des armées font partie de la cellule interministérielle de crise, activable en tant que de besoin. De même, les préfets de département disposent de conseillers militaires permanents, par l'intermédiaire de la chaîne d'organisation territoriale interarmées de défense – l'OTIAD – qui permet également de bien proportionner en opportunité et en taille l'utilisation éventuelle de moyens militaires. C'est là une de nos problématiques : il faut agir vite et pouvoir tenir dans la durée, même quand les feux de l'actualité se sont détournés du drame, happés par un autre événement. À cet égard, l'appel aux réserves est une solution.

Ce n'est pas d'hier que l'on se soucie de l'apport de renforts. La structure de défense passive a disparu avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile – UIISC –, créée par les conseils de défense des 15 et 19 novembre 1968, a cessé d'exister avec la professionnalisation des armées et la loi du 28 octobre 1997. La loi du 22 octobre 1999 a réparti la réserve militaire entre la réserve opérationnelle et, pour la première fois, la réserve citoyenne, constituée de « collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public ». Je précise, abondant ainsi dans le sens de notre collègue Beaudouin, que le texte envisage notamment, s'agissant de la réserve citoyenne, « la participation ponctuelle, en cas de situation exceptionnelle, à des actions non spécifiquement militaires » ; peut-être aurait-il été judicieux d'associer cette réserve citoyenne au dispositif de réserve de sécurité nationale.

N'en doutons pas, les réservistes, quels qu'ils soient, sont animés par la volonté de servir, de mettre à disposition des autres leurs compétences, d'être utiles, voire de transmettre tant des savoir-faire que des « savoir être ». La notion de réserve ne date pas d'hier ; elle était déjà présente à l'époque féodale, puisque la première organisation structurée de ce type a été, me semble-t-il, celle de la compagnie des francs archers, créée par Charles VII. Dans nos armées, des personnels peuvent – sous la forme d'une mobilisation avant 1999, puis d'une démarche volontaire – avoir une activité militaire tout en ayant une activité professionnelle dans le civil. Il est bien qu'il en soit ainsi, mais il faut reconnaître que la mise en place des réserves, après l'abandon de la conscription, a eu – pardonnez-moi l'expression – du retard à l'allumage. Par ailleurs, je rappelle qu'une réduction de 54 000 postes, décidée dans le cadre de la RGPP, est prévue dans la loi de programmation militaire 2009-2014. On aura donc bien besoin de compenser cette importante déflation d'effectifs par un emploi optimisé des réservistes.

Le Livre blanc de juin 2008 sur la défense et la sécurité suggérait l'élaboration d'un statut européen du réserviste ou, à tout le moins, un moyen de coordonner les réserves des États membres. Il serait assez logique de s'engager dans cette voie, dès lors que, même si cela ne semble plus d'actualité, la solidarité est dans les gènes de la construction européenne.

Pour permettre une telle orientation de l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise, il faut tout d'abord manifester une volonté forte et déterminée dans la durée. En 2008, à budgets de défense et volumes de réserve comparables, notre pays affectait à la réserve 193 millions d'euros tandis que le Royaume-Uni y consacrait 512 millions d'euros. Chez nos voisins d'outre Manche, la tradition d'emploi des réservistes est beaucoup plus ancienne et plus forte. La différence est d'ailleurs très nette en ce qui concerne leur utilisation dans le cadre des opérations extérieures, puisqu'en France, en 2009, le taux d'activité des réservistes en OPEX n'était que de 4,1 % – je tiens, à ce propos, à rendre hommage à ce militaire d'active qui, ce jour, a perdu la vie en Afghanistan.

Il faut ensuite que nos armes connaissent mieux leurs réservistes. Il s'agit, tout d'abord, d'éviter les doublons, dont j'ai compris, en lisant le rapport de notre collègue Calméjane, qu'ils étaient marginaux. Comme j'ai le souvenir d'avoir été à la fois réserviste commissaire de la marine nationale et réserviste officier parachutiste de l'armée de terre,…

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