Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 11 juillet 2011 à 17h00
Modification de l'ordre du jour — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

La proposition de loi inscrite à notre ordre du jour, fruit d'un travail collectif, répond à un réel besoin. Elle vise à faciliter l'usage des réserves civiles, sanitaires et militaires. J'y souscris dans l'ensemble mais j'ai cependant quelques observations à formuler et je pense que le législateur devra se saisir à nouveau de ce dossier.

Je tiens tout d'abord à saluer le dévouement avec lequel les réservistes servent notre nation. J'ai également une pensée pour nos militaires réservistes, officiers, sous-officiers, soldats du rang, qui se trouvent sur les théâtres d'opérations extérieures. Je suppose qu'il y en a encore quelques-uns, monsieur le ministre.

L'utilité des réserves n'est plus à démontrer dans le contexte actuel de crise des finances publiques. Elles permettent d'ajuster les effectifs de nos forces armées selon les besoins, elles sont une force d'appoint quand nos armées sont mobilisées en opérations extérieures. Nous disposons aujourd'hui de 60 000 réservistes, dont 35 % proviennent de la société civile et n'ont donc pas d'expérience militaire. S'y ajoutent les récentes réserves civiles : celles de la police nationale, les réserves communales de sécurité civile, la réserve sanitaire et la réserve pénitentiaire.

Revenons-en au texte. Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont démontré dans leur rapport l'existence de dysfonctionnements dans la gestion des services de secours sur le territoire national. Nos collègues sénateurs ont notamment mis en avant la rigidité des textes en vigueur. Les dispositions actuelles ne permettent pas de recourir rapidement aux réserves. Il en ressort que la réactivité n'est pas au rendez-vous et que la disponibilité effective des réservistes n'est pas vérifiée.

Après cette phase d'observation, nos camarades sénateurs ont donc rédigé cette proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

L'objectif poursuivi est clair : revoir la doctrine d'emploi et la contribution des réserves au maintien de l'action étatique en situation de crise.

S'agissant des dysfonctionnements, ils sont d'une ampleur telle que nos collègues proposent de refondre totalement les dispositions en vigueur et de mettre en place un nouveau régime d'exception en cas de crise.

Les textes en vigueur sont en effet inadaptés. Prenons par exemple l'obligation pour le réserviste d'informer son employeur un mois avant tout départ en activité de réserve. En cas de catastrophe naturelle, les secours ont besoin dans les plus brefs délais des personnes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve. Un tel préavis n'a donc pas lieu d'être en pareil cas ! De plus, l'employeur dispose d'un droit de veto si la durée de cette activité dépasse cinq jours. Je pense sincèrement que l'engagement citoyen des réservistes ne peut faire l'objet de veto. Par ailleurs, les situations de crise ne sont malheureusement pas réglées en cinq jours : le recours aux forces de la réserve est obligatoirement plus long.

Nos collègues ont également fait valoir que la disponibilité effective des personnes engagées dans nos réserves n'était pas prouvée. En effet, en cas de crise, certains seraient plus utiles à leur poste dans la société civile, dans les entreprises et administrations d'importance stratégique, en permettant le retour au fonctionnement normal des services publics. C'est l'exigence première de nos concitoyens. Le Livre blanc de la défense qualifie ces salariés d' « opérateur d'importance vitale ». Ceux-ci, par conséquent, ne doivent pas être mobilisés, comme l'affirment nos collègues.

J'en viens à présent au texte lui même. Au titre Ier, « Dispositif de réserve de sécurité nationale », le texte comporte des solutions auxquelles j'adhère totalement. Nos collègues proposent de créer un régime d'exception temporaire facilitant le recours aux citoyens ayant conclu un contrat d'engagement à servir dans la réserve en cas de crise « mettant en péril la continuité de l'État ».

Ce nouveau régime permet d'accentuer la capacité de résilience de la nation, c'est à dire sa capacité à relever les défis auxquels elle serait soumise ou, plus familièrement, sa capacité à « rebondir ».

La mise en place de ce régime résulterait d'un décret du Premier ministre et ne concernerait que les réservistes civils et militaires. Il ne constitue en rien une mobilisation générale ! L'alinéa 5 de l'article 1er précise expressément les circonstances dans lesquelles ce décret peut être pris : « en cas de survenance d'une crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité des services de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la nation ».

Ce décret préciserait la durée du préavis d'information de l'employeur et la durée de mobilisation, dans la limite de trente jours renouvelables. Les réserves seraient ensuite convoquées par l'administration dont elles dépendent. Les rédacteurs de cette proposition de loi ont donc préféré une autonomie de gestion des réserves.

J'en viens à présent au titre II : « Des entreprises employant des réservistes ». Celui-ci a été supprimé dans son intégralité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en raison de son irrecevabilité financière en vertu de l'article 40 de la Constitution. Ce titre visait à valoriser l'engagement dans nos réserves en récompensant les entreprises employant des réservistes et leur permettant de se libérer pour accomplir leur service.

Je peux comprendre les motifs invoqués pour le supprimer. Mais c'est priver le texte de sa force, de son audace. De ce fait, le législateur devra, un jour, se saisir à nouveau du dossier.

Je m'explique. 35 % des réservistes viennent de la société civile. Ils contribuent au lien entre l'armée et la nation, qui se délite depuis l'abrogation de la conscription. Or 80 % de ces salariés cachent leur engagement dans la réserve. Cette situation de clandestinité n'est pas tolérable.

Un réserviste doit pouvoir être fier de l'être, et son employeur récompensé pour sa participation à la sécurité nationale. Notre assemblée, dans les années à venir, devra se saisir plus largement de la question des engagés dans la réserve et promouvoir des discussions avec l'ensemble des acteurs afin d'envisager l'adoption d'une grande loi relative aux missions et à l'organisation des réservistes et au partenariat avec les employeurs.

Monsieur le ministre, la qualité de nos réserves dépend pour beaucoup de la qualité des liens que nous parviendrons à tisser entre elles et la société civile. Vous aviez évoqué, lors des débats au Sénat le 30 mars dernier, un label « défense » pour valoriser les entreprises partenaires de la défense nationale. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?

Par ailleurs, le texte ne comporte aucune disposition visant à favoriser le développement des réserves sanitaires et civiles. Il conviendrait d'aller plus loin. Je pense, comme le sénateur Boutant, que les réserves civiles doivent être consolidées et qu'une réserve de protection civile pourrait être créée à l'avenir.

J'en viens au titre III, « Du service de sécurité nationale », qui constitue une innovation. Il reconnaît le bien-fondé de la notion d'opérateurs d'importance vitale en cas de crise, pour assurer la continuité de l'action de l'État et la sécurité nationale, que ce soit dans une entreprise ou dans une administration.

Lors de la mise en place du régime de sécurité nationale, les salariés concernés par le plan de continuité ou de rétablissement d'activité doivent immédiatement réintégrer leur poste ou y être maintenus afin d'oeuvrer à la remise en fonctionnement des services publics de base. C'est une reprise du service de défense et de sécurité nationale qui avait été mis en place à la fin des années 1950. Ces dispositions relèvent du bon sens et je ne m'oppose pas à leur adoption.

En conclusion, j'approuve l'ensemble de cette proposition de loi, tout en regrettant qu'elle n'aille pas plus loin. Il faut reconnaître les intentions louables de nos collègues – j'ai félicité le sénateur Michel Boutant pour son réalisme – dont le travail a mis en évidence les insuffisances de nos services de secours et ouvre la voie à des réformes que, j'espère, le législateur mettra en oeuvre. Je pense notamment au chantier des réserves civiles, à la valorisation de l'engagement des réservistes et à la reconnaissance de leurs employeurs.

Je crois par ailleurs, pour connaître actuellement des difficultés avec les caisses d'assurance maladie ou la sécurité sociale, qu'il faut préciser quelles sont les conditions d'indemnisation rapide des réservistes ou des employeurs s'il y a subrogation. En effet, une petite entreprise peut être mise en difficulté financière en cas de crise durable. Cela vaut également pour les collectivités locales.

D'autre part, il semblerait que la rémunération des réservistes se fasse avec un trimestre de retard. Cela peut nuire à l'attractivité de la réserve. Se posent également les problèmes de la formation et des disponibilités des réservistes.

Enfin, je voudrais évoquer la tempête de 1999. Nous avons alors connu des heures très difficiles et j'en prends à témoin notre collègue Michel Diefenbacher qui était à l'époque préfet de la Haute-Vienne : il était retenu hors du département, dans l'incapacité d'exercer ses fonctions, et les sous-préfets étaient cloués à Limoges. Maire d'un chef-lieu de pays, je me suis trouvé seul représentant de l'État, face à l'armée, aux sapeurs pompiers, à EDF, France Telecom, au service des eaux et aux entreprises dont nous avions besoin. Aussi serait-il réaliste de définir qui, en l'absence des services de l'État, coordonne les secours sur le terrain.

Cette proposition de loi peut donc encore être améliorée. Elle a déjà le mérite d'exister. J'espère que, dans l'esprit du Sénat et celui de la commission de la défense, nous pourrons ensemble l'adapter mieux aux réalités, surtout en cas de crise civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion