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Intervention de Patrick Beaudouin

Réunion du 11 juillet 2011 à 17h00
Modification de l'ordre du jour — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Beaudouin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme en profondeur des réserves, survenue en 1999, a été la suite logique de la professionnalisation des armées. Tirant les conséquences de la suspension de la conscription, elle a assigné une double mission aux réserves militaires. Celles-ci doivent tout d'abord renforcer les capacités des forces armées, tout comme les réserves civiles doivent renforcer les moyens des forces de sécurité civile.

La présente proposition de loi a pour objet de renforcer l'efficacité de cet aspect des réserves. En effet, si la gestion des crises repose d'abord sur les forces d'active des armées et des services de sécurité civile, qui sont en mesure d'y faire face, une crise peut, par son ampleur et surtout par sa durée, rendre nécessaire le recours aux réservistes.

Les réserves doivent ensuite contribuer à entretenir l'esprit de défense et à renforcer le lien entre la Nation et son armée. Depuis la fin du service national sous sa forme historique, les réserves sont, avec le parcours citoyen composé de l'enseignement de défense, du recensement et de la journée défense et citoyenneté, l'instrument privilégié de ce lien. La réserve opérationnelle y contribue naturellement, mais c'est surtout la vocation première de la réserve citoyenne, que la proposition de loi n'évoque pas, mais sur laquelle je reviendrai.

La proposition qui nous est présentée aujourd'hui vient corriger les insuffisances du régime actuel de mobilisation des réserves. D'une part, les textes aujourd'hui en vigueur ne permettent pas une mobilisation rapide des réservistes ; d'autre part, ils ne rendent possible qu'une mobilisation de courte durée. Quant aux procédures juridiques d'exception, telle la mobilisation générale, elles apparaissent anachroniques et, de fait, inapplicables. Les conditions d'emploi des réserves aujourd'hui ne sont donc pas adaptées à la survenue d'une crise majeure.

Il était par ailleurs nécessaire de prendre acte du continuum entre sécurité et défense, entre protection civile et protection militaire, mis en évidence par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

C'est pourquoi il fallait prévoir un régime permettant de mobiliser non seulement les réserves militaires, mais aussi les différentes réserves civiles – réserve de la police nationale, réserve sanitaire, réserves communales de sécurité civile – afin de faire face à des crises qui peuvent être aussi bien de nature militaire que prendre la forme d'un acte terroriste, d'une catastrophe naturelle, d'une crise sanitaire, d'une attaque contre les systèmes d'information ou d'une catastrophe technologique ou industrielle.

La proposition de loi répond à ce double enjeu. Le rapporteur, M. Patrice Calméjane, a parfaitement présenté ses modalités et les a même amendées. Je ne les rappellerai donc que très rapidement. Ce texte permettra, en cas de crise majeure dont l'ampleur « met en péril la continuité des services de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation », de recourir au dispositif de « réserve de sécurité nationale », composé de la réserve militaire opérationnelle et des réserves civiles. Elle sera mobilisable dans un délai plus rapide – trois jours sont envisagés – et pour une durée plus longue – jusqu'à trente jours, éventuellement renouvelables, sans l'autorisation de l'employeur. Ce dispositif présentera, de surcroît, un caractère contraignant qui permettra de s'assurer de la mobilisation effective des réservistes.

La proposition de loi ne répond pas – telle n'était d'ailleurs pas son ambition – à toutes les questions liées aux réserves : je pense, par exemple, au budget qui leur est alloué, au développement des différentes formes de réserve civile, encore trop embryonnaires, ou encore au renforcement du dialogue et du partenariat avec les entreprises, pour éviter les situations, trop nombreuses, où des réservistes dissimulent leur engagement à leur employeur.

Il me semble surtout qu'il faut, au-delà des excellentes dispositions techniques de cette proposition de loi, affirmer une ambition supplémentaire, et j'aimerais profiter de cette tribune pour l'évoquer.

C'est ainsi qu'il faudrait, d'abord, élargir la réflexion à la réserve citoyenne, dont le Livre blanc relevait déjà qu'elle pâtissait « d'un manque de visibilité et de clarté des objectifs qui lui sont assignés », et appelait, en conséquence, à sa « refonte ».

Créée en 1999, la réserve citoyenne est ouverte à tous les « volontaires agréés par l'autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale ». Elle a pour objet d'« entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et ses forces armées ». Le renforcement de ce lien est nécessaire, alors que les dernières grandes guerres appartiennent à un passé très lointain pour les jeunes générations, et que la conscription a été suspendue. Nos soldats souffrent aujourd'hui d'un manque de reconnaissance, non pas de votre part, monsieur le ministre, mais de notre population, de nous-mêmes. En témoigne, par exemple, le dernier avis du Conseil supérieur de la fonction militaire qui vous a été récemment présenté, et dont je voudrais citer un passage : « Les militaires attendent de la nation davantage de reconnaissance. Ils l'attendent des médias et de la société civile à l'égard des sacrifices de nos camarades, morts et blessés dans l'accomplissement de leur mission au profit de la défense de leurs concitoyens et des intérêts supérieurs de la nation. » De fait, nos concitoyens accueillent aujourd'hui avec trop d'indifférence, hélas ! la mort de nos soldats sur les théâtres d'opérations extérieures.

J'ajoute, parce que notre armée est l'armée de la République, que la réserve citoyenne a également un rôle à jouer dans la transmission des valeurs républicaines. De même que les réservistes opérationnels contribuent à l'encadrement des préparations militaires, les réservistes citoyens pourraient jouer un rôle dans l'encadrement d'un parcours citoyen. Cet objectif justifierait que soit mise en place une « nouvelle réserve citoyenne ».

« Nouvelle réserve citoyenne » aux missions plus ambitieuses, donc, mais aussi aux effectifs plus importants. Au 31 décembre 2009, le nombre de réservistes citoyens agréés n'était que de 2 536, dont moins d'un tiers directement issus de la société civile. Se pose donc la question de l'élargissement du recrutement, aujourd'hui trop peu tourné vers la société civile, et peut-être excessivement élitiste, alors que les acteurs identifiables, identifiés, en action, sont très nombreux. Monsieur le ministre, vous aviez indiqué au cours de la discussion de la proposition de loi au Sénat qu'une étude avait été confiée à l'inspection générale des armées sur la réserve citoyenne. Pourriez-vous nous indiquer à quel stade en est ce travail ?

La refonte de la réserve citoyenne doit s'inscrire dans une ambition plus vaste. « L'objectif de la réserve citoyenne doit aller au-delà du renforcement du lien armées-nation et doit s'intégrer dans un vrai parcours citoyen initié à l'école », écrivent nos collègues sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam dans le rapport qui a inspiré la présente proposition de loi. Ils se référaient à la mission que m'a confiée le Président de la République, visant à définir un parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense.

« On ne naît pas citoyen, on le devient », écrivait Spinoza. Il s'agit donc de mettre en place un véritable apprentissage de la citoyenneté, qui permettra de former des citoyens responsables, conscients de leurs droits et de leurs devoirs, désireux d'exercer une citoyenneté active, et ce tout au long de leur vie. Les valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie – doivent être reconnues, apprises, assimilées et partagées.

Ces valeurs irriguent déjà, bien sûr, l'enseignement scolaire mais leur transmission doit être valorisée et confortée par la mise en place d'une « Journée de la République », organisée chaque année, le même jour, par exemple aux alentours du 11 novembre, date symbole de l'engagement du soldat-citoyen dans la vie et la défense de la patrie, à tous les niveaux et dans tous les établissements scolaires. Journée de débat sur le « savoir vivre ensemble », elle comprendrait des enseignements académiques, tels que l'histoire, la géographie, l'instruction civique, permettant de valoriser et de conforter le travail des enseignants et de l'éducation nationale. Elle serait éclairée par la mobilisation de témoins extérieurs à l'école comme, par exemple, des trinômes académiques, des familles, des communes, des militaires actifs ou des anciens combattants. Elle pourrait aussi être l'occasion de regrouper les différentes enseignements sociaux ou sociétaux dont l'école a été chargée au fil du temps : développement durable, sécurité routière, handicap, santé, secourisme, Europe. Ils prendraient davantage de sens et gagneraient en efficacité s'ils étaient rappelés dans le cadre d'une journée ayant pour objet le « savoir vivre ensemble ».

Cette journée pourrait susciter les premiers actes d'engagement volontaire, donner à nos jeunes qui seraient recensés et valorisés par un passeport civique, l'envie de mener des actions citoyennes.

Cette première étape serait couronnée par une « journée du civisme », organisée au niveau des communes, qui constituent le premier échelon de la citoyenneté. Elle serait l'occasion de rappeler l'ensemble des enjeux de la citoyenneté et les possibilités d'engagement au service de la nation. Elle pourrait être le moment où serait solennellement délivrée leur carte d'électeur aux jeunes citoyens, ainsi que le certificat de nationalité française pour ceux qui ont exprimé le désir de nous rejoindre.

Cette journée viendrait compléter l'actuelle journée défense et citoyenneté, qui pourrait ainsi être recentrée sur les questions de sécurité et de défense, conformément à une exigence formulée dans le Livre blanc, et se verrait, naturellement, rebaptisée « journée de la défense ». Dans leur rapport, nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam écrivent – mais peut-être le propos est-il sévère – que les « journées d'appel dans leur format actuel [ont] un effet répulsif à l'égard de l'engagement militaire ». Un recentrage leur permettrait de mieux remplir l'une de leur missions, qui est de présenter aux jeunes les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve, ainsi que leurs missions au service de la défense des intérêts de la nation et de la paix. Il permettrait aussi de répondre au voeu, récemment formulé par le Conseil supérieur de la fonction militaire, de mettre davantage l'accent sur le service de la France par les armes et de mieux sensibiliser les jeunes aux sacrifices des militaires.

La sensibilisation à la citoyenneté, au civisme, mais aussi à l'esprit de défense et à son corollaire, la résilience, doit être poursuivie tout au long de l'enseignement aux métiers. Chacun, dans la fonction qui est la sienne dans sa vie professionnelle, doit être en mesure de mettre ses capacités au service de l'intérêt général et de participer ainsi au concept de résilience. Cela implique d'enrichir les différents enseignements supérieurs, techniques, agricoles, professionnels, pour mieux former à l'esprit de défense.

À l'heure où l'individualisme et le communautarisme se développent parallèlement, il apparaît indispensable de renforcer, chez les jeunes, le sens de l'intérêt général, la conscience de l'appartenance à la communauté nationale, l'attachement à la citoyenneté. C'est à cette condition seulement qu'il sera possible de susciter l'engagement au service de la nation tout au long de la vie. Il pourra prendre divers aspects, entre lesquels se créeront naturellement des passerelles : service civique national, engagement professionnel dans les métiers liés à la sécurité et à la défense nationale ou, naturellement, appartenance à la réserve militaire – opérationnelle ou citoyenne – ou aux réserves civiles, et de mieux les coordonner. C'est ainsi que, par exemple, le service civique pourrait constituer un vivier de recrutement pour les réserves, en particulier civiles.

En conclusion, ce texte permet de renforcer l'efficacité du versant opérationnel des réserves, militaires comme civiles, et c'est avec beaucoup de satisfaction que le groupe UMP le votera.

Il ne doit pas pour autant nous faire oublier que les réserves ont aussi un rôle essentiel à jouer pour entretenir et renforcer le lien entre les forces armées et la nation.

Pour pouvoir jouer ce rôle pleinement, il est nécessaire qu'elles soient intégrées à un véritable parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense, dont j'appelle de mes voeux la mise en place la plus rapide, car il s'agit rien moins que de l'ambition de redonner à chacun la conscience de participer à cette aventure collective qu'est la nation ou, selon le titre de mon rapport au Président de la République, de « vivre la France dans la République ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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