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Intervention de Patrice Calméjane

Réunion du 11 juillet 2011 à 17h00
Modification de l'ordre du jour — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Calméjane, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus à l'égard du rapporteur que je suis, mais je voudrais préciser, bien que vous le sachiez évidemment, que la commission de la défense, c'est souvent un travail d'équipe. Je remercie donc l'ensemble de mes collègues qui ont travaillé sur ce texte, ainsi que les fonctionnaires de la commission.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un long travail effectué par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, et plus particulièrement par sa mission d'information sur les réserves, dont Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont été les rapporteurs.

Cette mission d'information a souhaité, dix ans après la réforme des réserves militaires et suite à l'émergence des réserves civiles, examiner dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient s'appuyer sur les différentes réserves pour prolonger et amplifier la capacité de l'État à faire face à des crises de grande ampleur.

Que ce soit pour répondre à des catastrophes naturelles, comme les tempêtes Klaus et Xynthia ou les inondations à Draguignan, à des catastrophes industrielles comme l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, ou encore à des catastrophes de plus grande ampleur, comme une pandémie, les événements du Japon ou les attentats du 11 septembre à New York, les pouvoirs publics se doivent d'intervenir rapidement et d'être capables d'inscrire leur action dans la durée.

Le Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait justement placé parmi ses priorités la réorganisation de nos dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile, ainsi que le renforcement de la résilience de la nation, concept cher à notre collègue Patrick Beaudouin, ici présent.

Qui intervient aujourd'hui en cas de crise majeure sur notre territoire ?

Comme vous le savez, le Livre blanc est très clair à ce sujet : le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile se trouve en première ligne, les armées n'intervenant que de manière complémentaire, à la demande de l'autorité civile.

Au niveau central, c'est donc le ministère de l'intérieur qui assure la conduite interministérielle de la crise. Il s'appuie pour cela sur le nouveau centre interministériel de crise, situé dans ses locaux de la place Beauvau. Ce centre travaille en réseau avec les autres ministères, en particulier ceux chargés des affaires étrangères, de l'industrie, de l'énergie et des transports, et naturellement celui de la défense, avec qui il assure la cohérence des moyens civils et militaires.

Pour l'anticipation des crises, le ministère de l'intérieur s'est récemment doté d'une direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale, notamment chargée de l'élaboration, de l'actualisation et du suivi des plans de protection et de sécurité civile.

Au niveau local, ce sont les préfets de zone de défense et de sécurité qui sont devenus l'échelon interministériel de premier rang de gestion des crises, et qui gèrent les moyens déployés par la sécurité civile.

Les armées n'interviennent que sur demande du préfet. Le contrat opérationnel de protection qui leur a été fixé exige qu'elles puissent déployer jusqu'à 10 000 hommes sur le territoire national en quelques jours. Elles seules disposent des hommes, du matériel et de la réactivité indispensables dans de nombreux cas.

Quelle place y occupent les réservistes ?

Dans les premiers temps d'une crise, ce sont naturellement les forces d'active qui sont mobilisées. Elles constituent en quelque sorte la « réserve » des forces de sécurité civile.

Les réservistes militaires jouent un rôle important, comme l'a souligné la mission d'information sénatoriale, dans l'armement des états-majors interarmées des zones de défense et de sécurité, où ils peuvent composer jusqu'à 75 % des effectifs.

Au centre de planification et de conduite des opérations du ministère de la défense, ils jouent également un rôle essentiel puisqu'ils sont plus d'une trentaine, sur un effectif de plus de 200 personnes.

Mais c'est plutôt dans le deuxième temps de la crise, après la montée en puissance rapide des forces d'active, que les réservistes pourraient être appelés à jouer un rôle croissant. En participant directement aux opérations ou en remplaçant des militaires d'active pour les opérations courantes, ils pourraient permettre la relève des effectifs d'active et donc l'inscription de leur action dans la durée.

Enfin, dans la phase d'après-crise, après les opérations de secours, les réservistes, en particulier ceux de la sécurité civile, pourraient participer activement aux opérations de déblayage et de soutien aux personnes, rendues nécessaires par la désorganisation des services publics.

Or le fonctionnement actuel des réserves ne permet pas de répondre pleinement à ces attentes. Il se heurte en effet à trois difficultés : en premier lieu, les effectifs annoncés sont souvent théoriques, les fichiers ne sont pas toujours mis à jour, ni les coordonnées et l'emploi du temps des personnes disponibles connus de l'administration, ce qui rend théorique le recours à ces personnes ; ensuite, l'effort de planification et de préparation aux différents risques qui a été consenti ces dernières années n'a pas, ou très peu, intégré les réservistes ; enfin, la réactivité des réservistes en cas de crise, telle qu'elle est actuellement organisée par les textes, est insuffisante.

C'est à ce dernier problème que vise à remédier la proposition de loi. Il ne s'agit donc pas d'un « grand » texte sur l'organisation des réserves – le Gouvernement ayant récemment lancé un travail sur ce sujet – mais d'un texte permettant au Gouvernement de faire convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure. C'est donc avant tout un nouvel outil créé à destination du pouvoir exécutif.

Le texte contient également une importante rénovation de ce que l'on appelle le service de défense, régime juridique qui permet à certains opérateurs d'importance vitale de maintenir ou de rappeler à leur poste leurs employés en cas de crise majeure. Conformément aux recommandations du Livre blanc, le service de défense est transformé en service de sécurité nationale.

Le titre I de la proposition de loi crée un nouveau régime d'exception, la réserve de sécurité nationale. Les régimes d'exception qui existent actuellement – état de siège, état d'urgence, mobilisation générale – souffrent en effet de deux limites : soit ils ne prévoient pas la convocation des réservistes, soit ils sont contraignants à mettre en oeuvre, compte tenu des restrictions aux libertés publiques qu'ils imposent. Le texte permettra donc de mettre à disposition du Premier ministre un nouvel outil, capable de répondre à des situations de crise comme les catastrophes naturelles ou technologiques.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, appréciées par le Premier ministre, celui-ci pourra recourir par décret à la réserve de sécurité nationale, c'est-à-dire qu'il pourra faire convoquer l'ensemble des réservistes, civils et militaires, pour la durée qu'il aura fixée.

Il ne s'agit donc pas de mettre en place une gestion interministérielle des réserves, comme le Livre blanc le préconisait, et encore moins de créer une sorte de « garde nationale » à la française, spécialisée dans la gestion des crises sur notre territoire.

L'objectif de la proposition de loi est simplement de s'abstraire des conditions habituelles de convocation et de durée d'emploi des réservistes pour les faire venir plus rapidement, vraisemblablement sous trois jours, et pour une durée plus longue, trente jours au maximum. Les règles applicables aux différents réserves sont aujourd'hui très disparates, il est donc important de les harmoniser pour pouvoir y avoir recours en cas de crise majeure.

Les réservistes appelés à ce titre intégreront ensuite leurs unités d'affectation, pour y occuper leur emploi habituel. Ils n'auront pas à solliciter l'accord de leur employeur pour répondre à leur convocation, accord qui est nécessaire en temps ordinaire. S'ils ne répondent pas à leur convocation, ils pourront se voir appliquer une contravention.

L'objectif poursuivi n'est naturellement pas de dissuader le réserviste de s'engager mais, au contraire, de valoriser son rôle, en lui signifiant qu'en temps de crise la communauté nationale a besoin de lui, ce qui, selon moi, renforce le sens de son engagement.

La seconde innovation introduite par la proposition de loi est la transformation du service de défense en service de sécurité nationale, ainsi que le préconisait le Livre blanc. Le service de défense est un régime juridique d'exception créé à la fin des années 1950 pour assurer la continuité de l'action publique et de l'action des entreprises concourant « à la défense, à la sécurité et à l'intégrité du territoire et des populations, de même qu'à la sécurité et la vie de la population ». Concrètement, il consiste à imposer à certaines catégories de personnes travaillant pour l'un de ces organismes d'être présentes ou de rejoindre leur poste en cas de déclenchement du dispositif. Trop contraignant à mettre en oeuvre, il n'a jamais été utilisé.

La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a judicieusement lié le nouveau service de sécurité nationale au dispositif des opérateurs d'importance vitale. Ces opérateurs d'importance vitale sont désignés par le Gouvernement parmi « les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ».

Ces opérateurs d'importance vitale, qui sont un peu plus de deux cents aujourd'hui, doivent mettre en place des plans de continuité d'activité. En cas de décision, prise par décret en Conseil des ministres, de recourir au service de sécurité nationale, les salariés concernés par un plan de continuité d'activité devront ne pas quitter ou rejoindre leur poste de travail. S'ils appartiennent également à la réserve, c'est leur affectation au sein de l'opérateur d'importance vitale qui primera.

En inscrivant pour la première fois dans la loi les plans de continuité d'activité, ce texte permettra au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d'amplifier son travail de sensibilisation des administrations et des entreprises à l'établissement de ces plans.

Votre commission de la défense a naturellement adopté ce texte, après y avoir apporté quelques précisions rédactionnelles. Plusieurs de mes collègues se sont émus, monsieur le ministre, de la création d'une sanction à l'encontre des réservistes qui ne rejoindraient pas leur poste en cas de recours à ce dispositif ; pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?

Si cette proposition de loi est la première à traiter de l'ensemble des réserves, civiles et militaires, beaucoup de chantiers restent à mener. À trois jours de notre fête nationale qui célèbre nos armées, et quatorze ans après la fin du service national, vous allez, monsieur le ministre, disposer du nouvel outil que sont nos réserves. C'est indéniablement une chance à saisir pour resserrer les liens entre la Nation et la Défense.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les chantiers engagés par le ministère de la défense pour rendre les réserves à la fois plus attractives, mieux organisées et plus efficaces ? Enfin, un important travail d'acceptation sociale des réservistes reste à accomplir, en associant davantage les entreprises : quels sont les projets du ministère en la matière ?

Cela étant dit, j'espère ardemment, mes chers collègues, que vous voterez tous ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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