Monsieur le président, messieurs les députés, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en première lecture la proposition de loi déposée par les sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam, tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.
Avant d'exposer brièvement les enjeux de ce texte, permettez-moi de saluer le travail du rapporteur Patrice Calméjane, qui a su animer la commission, convaincre ses collègues, ce dont je le remercie, et consolider, par ses amendements, la démarche des sénateurs, dont la proposition de loi avait été précédée par une mission parlementaire d'évaluation du rôle des réserves.
De quoi s'agit-il ? Tout simplement de combler un vide.
Nous avions, en matière de mobilisation exceptionnelle et générale des réserves, des dispositions spectaculaires qui n'ont jamais été mises en oeuvre parce qu'elles étaient liées à des menaces militaires, telles que l'état d'urgence, l'état de siège ou la mobilisation générale. Naturellement, nous ne souhaitons pas pour notre pays que de tels cas de figure soient réunis. En revanche, en cas de catastrophe naturelle susceptible d'affecter la sécurité des populations, nous n'avions pas de véritables dispositifs de mobilisation de ces réserves.
Avec cette proposition de loi, nous disposerons, demain, d'un nouveau régime d'exception qui permettra de mobiliser des réservistes. Concrètement, le Premier ministre pourra convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure.
Il ne s'agit pas de modifier la gestion courante des réservistes. Les réservistes militaires et civils continueront d'entretenir des relations avec leur employeur et leur partenaire public habituel, pour des missions qui, sans être de routine, sont récurrentes et permanentes. En revanche, le Premier ministre aura la possibilité de les mobiliser en mettant en oeuvre des obligations nouvelles tant pour les réservistes, qui auront obligation de répondre à la convocation des pouvoirs publics, convocation qui n'existe pas actuellement, que pour leur employeur, qui aura l'obligation de les libérer, ce qui est plus important encore.
Cette proposition de loi s'inscrit en cela dans la « démarche de résilience » promue par le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale, la résilience étant définie comme une attitude de résistance à un choc psychologique, consistant à afficher sa sérénité et son adaptation à un environnement hostile.
Plusieurs amendements ont été adoptés en commission, qui traduisent votre intérêt pour ce texte. Il s'agit de précisions essentiellement rédactionnelles, qui ne modifient pas l'économie du texte et qui s'inscrivent dans la continuité de ola première lecture de celui-ci par le Sénat.
Le nombre limité d'amendements montre que le travail initial satisfaisait la commission de la défense de l'Assemblée nationale, dont je remercie le président pour son implication personnelle dans l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. Je sais que la commission s'est mobilisée. Elle a examiné la proposition de loi et l'a adoptée sans la bouleverser. Je souhaite vraiment qu'elle soit suivie par votre assemblée elle-même, à cet instant mobilisée.
Permettez-moi d'évoquer brièvement la réflexion plus globale engagée par mon ministère pour rénover la politique d'emploi des réserves.
Nous avons trois objectifs.
Le premier objectif, en partie satisfait, est la clarification de la gouvernance de la réserve : nous voulons donner toute sa cohérence à la politique des réserves militaires et manifester par là même toute l'importance accordée aux réservistes dans notre politique de défense. Les réservistes de défense sont en effet fortement impliqués : ils sont plus de 40 000 à connaître la vie habituelle de la défense, en particulier le fonctionnement des états-majors. Nous approchons la satisfaction des objectifs de présence, à savoir l'objectif de vingt-cinq journées pour 40 000 réservistes à l'intérieur du ministère de la défense, mais nous savons par ailleurs que ces réservistes de défense pourront être utilisés pour des actions interministérielles orientées vers la sécurité civile, essentiellement pour prolonger les actions de sécurité nationale – pour reprendre la formule de la proposition de loi.
Le deuxième objectif est de renforcer le dialogue et la concertation entre les réservistes et leurs employeurs. Très souvent, comme vous l'avez évoqué dans votre rapport, monsieur le rapporteur, les réservistes cachent leur appartenance à la réserve. Ce n'est satisfaisant pour personne. C'est pourquoi nous allons, grâce à cette proposition de loi, clarifier les relations entre l'organisation de la réserve, les employeurs et les réservistes.
Le troisième objectif est d'améliorer, à terme, le lien essentiel entre l'armée et la nation qu'est la réserve citoyenne. Un audit est en cours au ministère de la défense, conduit par les inspecteurs généraux des armées, pour dégager des recommandations visant à donner toute sa place à la réserve citoyenne. Je vous rappelle que la réserve citoyenne est proposée à des citoyens qui, par définition, n'ont pas de lien particulier avec l'armée, mais font le choix de s'impliquer dans la vie publique en manifestant un intérêt pour les fonctions que l'on peut leur confier dans ce cadre. L'articulation de leur implication personnelle au service d'un projet collectif dans le cadre du ministère de la défense sera ainsi améliorée.
La proposition de loi soumise aujourd'hui à votre vote est l'une des étapes de cette valorisation des réserves en tant qu'outil à la disposition du pouvoir exécutif pour des circonstances exceptionnelles. Les Français ont confiance en leur armée, à tel point que l'idée de faire appel à l'armée lorsqu'une situation devient critique vient assez facilement – pas toujours à bon escient, d'ailleurs. C'est en quelque sorte l'ultime recours, l'ultima ratio de la République. Tel n'est pas du tout l'esprit qui nous anime. Notre but est simplement d'utiliser les compétences, la volonté, l'enthousiasme au service de la défense pour des fonctions bien identifiées, qui font l'objet d'une mise en oeuvre régulière et récurrente, et de permettre, grâce à cette proposition de mobilisation pour une cause de sécurité nationale, une action interministérielle à laquelle la défense participera.
Si j'ai beaucoup évoqué la défense, je voudrais dire que la réserve est à la fois civile et militaire : elle n'est pas le fait du seul ministère de la défense, même si celui-ci en représente aujourd'hui 90 %. Formons le voeu que cette réserve de défense soit élargie à la deuxième réserve en termes quantitatifs, la réserve du ministère de l'intérieur, et, surtout, que la réserve des ministères civils – justice, santé – et celle des collectivités locales puissent à leur tour se développer, de telle sorte que cette politique de mise en oeuvre d'une action de sécurité nationale puisse être totalement interministérielle, ce qui n'est pas encore gagné. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)