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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 11 juillet 2011 à 21h30
Alternance et sécurisation des parcours professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Il serait intéressant de savoir si le particulier employeur bénéficiera en plus du crédit d'impôt de 50 %. Dans ces conditions, un rapide calcul permet d'évaluer l'heure d'aide à domicile à 2 euros. En plus, avec le prêt de main-d'oeuvre, on peut aussi la prêter à ses amis !

Si l'on ajoute la possibilité d'enchaîner les contrats de professionnalisation jusqu'à quarante-huit mois ; l'apprentissage à quinze ans, voire à quatorze ans ; l'apprentissage sans maître d'apprentissage qui peut, en cas de rupture, apporter quelques solutions mais que vous avez refusé de restreindre à l'autorisation expresse du Président de conseil régional ; et, de manière plus large, la volonté de la majorité de rapprocher le contrat de professionnalisation et le contrat d'apprentissage alors qu'ils répondent à des besoins et des philosophies différents, et de confier un rôle hégémonique aux chambres consulaires sur l'apprentissage, le bilan de cette loi est très négatif. Il reprend les attentes de la partie la plus rétrograde du patronat et remet en cause la démarche engagée depuis des années par les régions pour revaloriser l'image de l'apprentissage.

Plutôt que de soutenir les politiques de qualités, vous préférez mener une politique du chiffre qui consiste à ouvrir toutes les formes d'emplois, jusqu'aux plus précaires, à l'alternance. En ce sens, il s'agit d'une véritable loi de régression, qui refait de l'alternance une mesure de sous-emploi pour les jeunes. L'objectif est de dégonfler les statistiques du chômage qui remontent et d'opérer un transfert des lycées professionnels vers les CFA, ce qui constitue aussi pour l'État un transfert de charges vers les régions. Deux cent mille alternants supplémentaires, c'est 1 milliard d'euros qu'il faut trouver, alors que les mesures fiscales du projet de loi de finances rectificative n'apportent que 70 millions

On aurait pu attendre d'une loi ayant pour objectif de faire de l'alternance une filière d'excellence qu'elle ne soit pas uniquement ciblée sur les employeurs mais cherche, au contraire, à attirer un nouveau public jeune à travers des mesures concrètes visant à lever les freins à l'entrée en apprentissage.

Il aurait fallu repenser l'orientation dans cette voie, qui est encore trop souvent dictée par l'échec, mais aussi s'adresser aux publics déficitaires – les jeunes femmes, qui ne représentent que 31 % des apprentis, les niveaux infra IV, les jeunes discriminés, soit parce qu'ils viennent d'un quartier dit sensible soit parce qu'ils sont porteurs d'un handicap.

Il aurait aussi fallu lutter contre les ruptures, notamment dans la restauration, en donnant des moyens pour l'accompagnement et par la médiation. Les expérimentations en cours ont fait leurs preuves.

Pour ce qui est de l'apprentissage dans le public, je me félicite que notre amendement sur le développement de l'apprentissage public ait été finalement été repris sous la forme d'une demande d'un rapport au Gouvernement sur le sujet. Je rappelle l'engagement du ministre d'en demander un sur le financement global de l'apprentissage.

On aurait aussi pu penser à relever les barèmes de rémunération minimum, ce qui aurait été valorisant et mobilisateur, et à donner un véritable accès au statut étudiant et non cette carte d'étudiant des métiers, qui pour le moment n'a aucune valeur.

Madame la ministre, un dialogue approfondi avec les régions aurait permis de dégager des axes de progrès pour développer l'apprentissage ; mais finalement, le seul message envoyé aux jeunes à travers cette proposition de loi, c'est que pour réussir leur insertion professionnelle ils doivent accepter encore des années de sous-emploi, en stage, en alternance ou dans des dispositifs consacrant des volants de précaires. À ce titre, ce texte est révélateur de la politique d'emploi menée par le Gouvernement : une légère sécurisation dans le cadre de la CSP pour les insiders et une forte sécurisation pour les employeurs de dispositifs de plus en plus précaires, ce qui ne fera qu'aggraver la vulnérabilité et la précarité des entrants, notamment des plus jeunes.

C'est pourquoi nous voterons contre cette loi qui restera comme une occasion manquée de faire de l'alternance une filière d'excellence et qui prend le risque de remettre en cause l'effort de qualité engagé par les régions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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