Pour partager les profits, il faut que les entreprises fassent du profit. Et puisqu'il s'agirait de partager les profits, seules les entreprises versant des dividendes seraient concernées. Cela exclut tous les fonctionnaires, de l'État, des collectivités territoriales ou des hôpitaux, les 5,2 millions d'agents publics qui ont vu leur pouvoir d'achat gelé. Parmi les entreprises qui pourraient entrer dans cette définition, seules 16 % versent des dividendes. Ce ne sont donc pas quinze millions de salariés qui pourraient être concernés, mais six. Cette prime ne serait obligatoire que dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Les très petites entreprises ne vous intéressent pas : elles sont, à chaque fois, laissées pour compte.
On descend donc à 4,3 millions de salariés. À chaque étape, il y en a un peu moins. Mais encore faut-il que ces entreprises de plus de cinquante salariés, non seulement versent des dividendes, mais aient augmenté leurs dividendes versés par rapport à la moyenne des deux derniers exercices. En reprenant votre évaluation préalable, on arrive à 2,8 millions de salariés potentiellement concernés. Nous sommes donc très donc très loin des annonces initiales. En fait, l'immense majorité des salariés de ce pays ne toucheront rien.
Ce dispositif appelle plusieurs observations. L'une des plus cinglantes a été apportée par M. de Courson. Une entreprise qui passe à travers les mailles du filet peut être une entreprise qui verse de très gros dividendes tous les ans, mais de façon constante, sans augmentation. Elle échappe au dispositif, elle échappe même à l'obligation de négocier.
Deuxième observation : les chefs d'entreprise ont trouvé des échappatoires. L'entreprise peut organiser le rachat de ses propres actions et organiser la souscription d'actions à taux préférentiel. Elle peut aussi dans les discussions ultérieures récupérer sur la participation ce qu'elle aura donné sur la prime que vous proposez aujourd'hui. Dans la négociation annuelle obligatoire, elle pourra reprendre d'une main ce qu'elle aura donné de l'autre.
Troisième observation : la niche sociale. Le président Méhaignerie a essayé de nous beurrer les lunettes tout à l'heure, mais nous ne sommes pas dupes. Au moment où vous prétendez réduire les niches sociales, vous en créez une nouvelle. Vous nous dites que cela rapportera de l'argent à la sécurité sociale parce qu'il y aura la CSG, la CRDS et le forfait social. Certes, mais il n'y aura pas les cotisations de droit commun sur toute rémunération. Le manque à gagner est là. Vous êtes bel et bien en train de créer une nouvelle niche sociale.