Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir a été discuté en commission mixte paritaire, il y a quelques jours au Sénat. La discussion a été fort brève, les députés de l'UMP ayant d'emblée accepté la version adoptée par le Sénat avec les amendements mineurs qu'il a introduits, pressés qu'ils étaient d'en finir avec un texte dont ils ne sont pas fiers.
Il s'agit du premier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale de notre histoire, mais il ne fera pas date, sauf par son insignifiance. On remarque d'abord ce qui n'y figure pas. S'agissant d'un PLFSS, il traite du financement de la branche retraite, lequel a fait l'objet d'une loi à l'automne dernier. Nous le savions, mais nous en avons eu confirmation la semaine dernière, les millions de manifestants de mai, juin, septembre et octobre 2010 avaient raison : cette loi n'a rien réglé.
Injuste car faisant peser la charge à 90 % sur les travailleurs salariés et non salariés, inéquitable car ne prenant pas en compte la pénibilité pour permettre à ceux qui en ont souffert de partir plus tôt, absurde puisque voulant faire travailler deux ans de plus au-delà de soixante ans des personnes qui, à cet âge, pour deux tiers d'entre elles, n'ont pas d'emploi, cette prétendue réforme n'est pas financée et vous n'hésitez pas, monsieur le ministre, à prendre prétexte d'un avis technique du Conseil d'orientation des retraites pour porter, sans attendre 2020 comme prévu, la durée de cotisations à 41,5 ans afin de bénéficier d'une retraite à taux plein.
Quelles conséquences en tirez-vous dans vos tableaux de financement figurant en annexe à ce projet de loi ? Aucune. Ou bien votre décision d'allongement de la durée de cotisation n'a aucun effet sur l'équilibre des comptes à l'horizon de 2014 et on se demande pourquoi vous la prenez maintenant, ou bien elle a un effet et votre PLFRSS doit être amendé en conséquence. Si vous le maintenez en l'état, vous soumettez un document faux au Parlement.
Par ailleurs, s'agissant de l'assurance maladie, la CNAMTS, pour tenir l'objectif d'évolution des dépenses fixé pour 2012, vient de proposer – la presse s'en est fait l'écho – un certain nombre de mesures d'économies à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Ces mesures portent sur le prix des médicaments génériques, sur les tarifs remboursés à certains professionnels, sur l'encadrement des prescriptions par des référentiels, sur les arrêts de travail, qui seraient eux aussi encadrés, ainsi que sur les analyses biologiques. Seraient également concernés les tarifs facturés à l'assurance maladie par les hôpitaux, publics ou privés. Sur le volet recettes, la CNAMTS recommanderait également au Gouvernement d'aller vers une hausse de certaines cotisations et vers une évolution du taux de CSG appliqué aux retraités. Nous aurions aimé savoir, monsieur le ministre, ce que vous en pensez et de quelle manière ces évolutions sont prises en compte ou non et pourquoi.
Puisque ce texte traite de financement de la santé, comment ne pas évoquer l'accès aux soins et un sujet qui est au coeur de la proposition de loi Fourcade actuellement en navette entre l'Assemblée et le Sénat, je veux parler des déserts médicaux ?
Dans le flot de mesures inacceptables selon nous, la loi HPST de juillet 2009 comportait tout de même une disposition dont on pouvait espérer qu'elle mènerait à une solution, à savoir le contrat santé-solidarité. Lorsqu'un médecin veut s'installer dans une zone sur-dense, le directeur de l'ARS peut lui demander de consacrer une partie de son temps à exercer dans un territoire sous-doté en professionnels de santé. S'il refuse, le directeur de l'ARS peut mettre à sa charge une contribution. Mais, pour une partie, la partie la plus conservatrice des syndicats de médecins, c'est déjà trop. Avant même que cette mesure ne soit entrée en application – vous délégiférez, monsieur le ministre, plus vite que votre ombre –, la proposition de loi Fourcade a pour objet de la défaire. Il est vrai que le président de la CSMF a, depuis quelques jours, donné l'explication de votre reculade : « Est-ce que cela changera le vote des médecins ? Impossible à dire, mais, au moins, cela ne peut pas faire de mal. » L'intérêt électoral de l'UMP passe avant l'intérêt général !
Pourtant, la couverture santé de l'ensemble de nos concitoyens mériterait d'être améliorée. Sous le coup et le coût des franchises, des forfaits, des déremboursements, les Français sont de plus en plus nombreux à reporter des soins, voire à y renoncer, notamment dans les secteurs de l'optique et des soins dentaires.
Et le débat que nous avons, à l'occasion de la proposition de loi Fourcade, sur la place des régimes complémentaires et les réseaux des mutuelles, serait bien moins difficile si le régime général jouait pleinement son rôle. Il est devenu si fragile qu'en dehors des ALD, il ne prend en charge les dépenses de santé qu'à 55 %. Il est vrai que sur les dépassements d'honoraires, vous prenez grand soin de ne surtout rien faire alors que l'on sait qu'ils progressent encore. Vous avez même réussi à refuser que dans les maisons de santé qui perçoivent des aides publiques, on oblige les professionnels de santé à pratiquer des tarifs opposables.
Toujours est-il que s'agissant du financement, votre projet de loi confirme bien que vous ne comptez jamais revenir à l'équilibre. On n'entrevoit même pas une tendance positive à l'horizon de 2014. Et lorsqu'en commission mixte paritaire, notre zélé collègue Joyandet évoque une réduction des déficits sociaux de quatre milliards d'euros, qui serait « consacrée » par votre projet, on se demande s'il sait lire, mais on constate qu'il ne sait pas compter.
Régime général – quatre branches – en 2011 : selon la loi de financement initiale, le solde est de moins 20,9 milliards d'euros. Selon le projet de loi de financement rectificative, le solde est de moins 19,3 milliards d'euros. La différence est de 1,6 milliard d'euros, et non de 4 milliards.
Cette légère amélioration est due à une évolution de la conjoncture économique globale que vous ne faites que constater. Au bout du compte, sur les seules branches maladie et famille, vous laissez bel et bien aux générations futures, pour la seule période 2011-2014, un total de déficit de 45 milliards d'euros renvoyés sur la dette.
J'ai, comme vous sans doute, relevé la formule extraordinaire de la nouvelle ministre du budget, Mme Valérie Pécresse, dans le Journal du dimanche d'hier : « Les socialistes n'ont pas compris la gravité de la situation. »