…puisqu'il conserve les données jusqu'au décès de la personne, vous êtes loin de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Ficher potentiellement 45 à 50 millions de personnes – cette estimation a été avalisée par tous les interlocuteurs auditionnés en commission – dans le seul objectif de lutter contre l'usurpation d'identité qui touche quelques dizaines de milliers de Français par an, peut-il être considéré comme proportionné ? Avoir toute la population en fiches biométriques n'est pas possible.
Par ailleurs, il est légitime de s'interroger sur les futures utilisations d'un tel fichier. La lutte contre ce grave problème qu'est l'usurpation d'identité ne serait alors qu'un simple prétexte pour constituer un fichier général de la population. Celui-ci serait en outre construit sur des bases scientifiques et biométriques très importantes, allant bien au-delà du bertillonnage, ce système vieux de plus d'un siècle qui a marqué le début de la police scientifique dans notre pays.
L'enjeu est d'autant plus majeur que ce processus est irréversible. Une fois ces données biométriques personnelles – intangibles, immuables, inaltérables – collectées, on ne pourra faire marche arrière.
Monsieur le ministre, j'ai le regret de rappeler que la France n'a créé qu'une seule fois un fichier général de la population, c'était en 1940. Il fut d'ailleurs détruit à la Libération.
Voici un extrait de la loi du 27 octobre 1940 de l'État français : « Obligation de détenir une carte d'identité à partir de seize ans, comportant les empreintes digitales et la photographie, et de déclarer tout changement d'adresse. Institution d'un fichier central de la population et d'un numéro d'identification individuel. »
Ce fichier central, disais-je, a été détruit à la Libération. C'est donc bien depuis la période de Vichy que la France n'a pas connu et n'a pas voulu un tel fichage de sa population. Je regrette que vous nous le proposiez aujourd'hui, par le biais d'une proposition de loi.
Dernier aspect déplaisant, sur lequel vous avez glissé un peu rapidement, monsieur le rapporteur : cette proposition de loi est une opportunité pour faciliter les échanges commerciaux. Je ne suis pas contre le fait de sécuriser la signature électronique sur internet pour déclarer ses impôts ou payer une amende au Trésor public, mais la proposition de loi va au-delà du domaine régalien et de ses extensions budgétaires.
La nouvelle carte nationale d'identité serait – j'espère pouvoir parler au conditionnel – …