Monsieur le président – je tiens à vous féliciter de votre récente et brillante élection à cette fonction –, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est saisie en première lecture de la proposition de loi relative à la protection de l'identité, que le Sénat a adoptée le 31 mai dernier.
Cette proposition de loi vise à assurer une fiabilité maximale aux passeports et cartes nationales d'identité afin de lutter efficacement contre l'usurpation d'identité. Celle-ci, dont les conséquences souvent dramatiques pour la vie des victimes ont déjà été décrites par Balzac dans Le Colonel Chabert, est un phénomène en pleine expansion, même si les statistiques sont sujettes à caution.
La vie d'une personne usurpée peut, j'en ai reçu maints témoignages, devenir du jour au lendemain un véritable cauchemar. La personne peut être accusée d'avoir commis une infraction si son identité a été usurpée par un délinquant. Elle peut se retrouver redevable d'un crédit pris en son nom et être frappée d'interdit bancaire. Puisque son état civil est incertain, elle ne peut, tant que l'enquête de police n'a pas abouti, reconnaître une paternité, adopter ou même se marier. Elle ne peut pas non plus se faire délivrer de titre de voyage.
La difficulté à retrouver l'usurpateur peut impliquer qu'une telle situation dure des années, affectant très profondément la vie de la personne usurpée, au point que celle-ci sombre dans une grave dépression.
Il en est ainsi de ce jeune cadre trentenaire dont l'identité a été usurpée par un délinquant et qui se trouve sous le coup d'un mandat d'arrêt international, fiché par Interpol, interdit de titre de voyage, interdit bancaire, devant rembourser des centaines de milliers d'euros de dettes contractées en son nom par son usurpateur. Il a fini par perdre son emploi et ne peut plus en retrouver du fait de l'inscription à son casier judiciaire de graves délits qu'il n'a pas commis et qui l'ont aussi privé de ses droits civiques. La seule solution pour ce jeune homme est d'attendre l'interpellation de son usurpateur et de tenter de changer lui-même d'identité afin de renaître à la vie sociale et citoyenne, ce qui constitue un arrachement à la notion de racines familiales.
Face à un tel enjeu, aussi bien humain que sécuritaire, le législateur se devait de réagir.