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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 7 juillet 2011 à 9h30
Modification de la loi portant réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Deux exemples me permettront d'illustrer mon propos. Le premier concerne le contrat santé solidarité, le second la permanence et la continuité des soins en médecine ambulatoire.

En allant au-delà des mesures à caractère simplement incitatif mises en oeuvre jusqu'alors, l'adoption du contrat santé solidarité marquait une inflexion significative dans l'orientation des politiques visant à corriger les déséquilibres dans la répartition géographique des médecins.

Ce dispositif s'articule avec la mise en oeuvre du nouveau pilotage régional de l'offre de soins, tel que la loi HPST l'a réorganisé. En effet, les médecins susceptibles d'être sollicités par l'ARS sont ceux des zones que les schémas régionaux d'organisation des soins, les SROS, identifieront comme présentant un niveau d'offre de soins médicaux particulièrement élevé. Les territoires où ils pourraient être appelés à renforcer l'offre de soins sont ceux dans lesquels les mêmes schémas auront identifié des « besoins en implantations pour l'exercice des soins de premier recours » non satisfaits, et où l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population. Le dispositif des contrats santé solidarité s'intègre donc dans la palette d'instruments mis à la disposition des ARS pour réguler la démographie médicale. Il ne serait mis en oeuvre que dans le cadre d'une politique territorialisée d'aménagement de l'offre de soins. J'en parle au présent car je ne désespère pas que nous puissions malgré tout mettre à nouveau ces contrats en place.

Il faut surtout souligner qu'en adoptant cette mesure, le législateur a entendu laisser leur chance aux mesures incitatives de régulation de la démographie médicale que comporteront les SROS et que les ARS seront chargées de mettre en oeuvre.

L'article L. 1434-8 du code de la santé publique encadre en effet les conditions dans lesquelles les directeurs généraux d'ARS pourraient avoir recours aux contrats santé solidarité. En effet, ces contrats ne pourront être proposés aux médecins que sur la base d'une évaluation de « la satisfaction des besoins en implantations pour l'exercice des soins de premier recours » identifiés par le SROS. Cette évaluation ne sera menée qu'à l'échéance d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du SROS, ce qui laisse à l'ARS le temps nécessaire pour mettre en oeuvre des mesures incitatives. Ce délai semblait tout de même largement suffisant.

En outre, l'article L.1434-8 précité prévoit que, dans chaque région, la décision du directeur général de l'ARS de recourir aux contrats santé solidarité est soumise à l'avis des organisations suivantes : d'une part, la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, qui comprend notamment des représentants des collectivités territoriales, des usagers du système de santé et des professionnels de santé, d'autre part, l'union régionale des professions de santé, compétente pour les médecins, qui représente les médecins libéraux, enfin, les organisations les plus représentatives des étudiants en médecine, des internes et des chefs de clinique. Il y avait donc du beau monde autour de la table pour dégager une position commune.

Pour autant, cette mesure a été mise entre parenthèses, dirais-je. Le dernier alinéa de l'article L. 1434-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi HPST, renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de définir les conditions de mise en oeuvre du contrat santé solidarité.

Dès le 25 juin 2010, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé, avait fait connaître son intention de « mettre volontairement entre parenthèses » les dispositions de la loi concernant les contrats santé solidarité, et de ne pas prendre les mesures réglementaires nécessaires à leur mise en application. La ministre avait justifié sa décision en estimant qu'un dispositif mis en oeuvre sans attendre l'échéance d'un délai de trois ans et basé sur le volontariat des médecins, dans lequel des contreparties seraient proposées aux médecins qui s'engagent à exercer dans une zone sous-dotée plusieurs demi-journées par semaine, permettrait « de ne pas recourir au contrat santé solidarité ». Surtout, il ne fallait ni vexer les médecins ni les contraindre !

Quelques syndicats de médecins libéraux – pas tous, mais sans doute les plus influents, en particulier dans notre hémicycle – interrogés par les rapporteurs se sont déclarés satisfaits de cette décision de la ministre, soulignant qu'elle s'inscrivait dans le cadre plus large d'une relance du « dialogue social » entre les pouvoirs publics et les organisations représentatives des médecins libéraux – je rappelle qu'ils sont globalement solvabilisés par les cotisations sociales des salariés –, relance qui sera marquée notamment, dès 2011, par la mise en place des unions régionales des professions de santé et la négociation de la nouvelle convention médicale qui, pourtant, a vraiment du mal à voir le jour.

Il est d'ailleurs à noter que la proposition de loi de M. Jean-Pierre Fourcade tend à supprimer la disposition de l'article L. 1434-8 du code de la santé publique qui soumet à une « contribution forfaitaire annuelle » les médecins qui refusent de signer un contrat santé solidarité.

Nous sommes décidément encore loin d'avoir réglé le problème des déserts médicaux.

J'en viens à mon second exemple : la permanence et la continuité des soins en médecine ambulatoire.

Une fois encore, cette majorité est bien responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Monsieur le ministre, je rappelle qu'en 2003, l'un de vos prédécesseurs, Jean-François Mattei, se félicitait de « la réorganisation de la permanence des soins sur « la base du volontariat » des médecins. Depuis, cette permanence ne connaît que des problèmes.

Ainsi, si l'on revient à la loi HPST, le V de l'article 49 de la loi, dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 6315-1 du code de la santé publique, a institué un dispositif de « continuité des soins en médecine ambulatoire ».

Cette mesure consistait à élever au niveau législatif une obligation faite aux médecins par leur code de déontologie – dont l'article 47 prévoit que « quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée » – et à aménager le régime de cette obligation.

Ainsi, l'article L. 6315-1 précité reprend ce principe de « continuité des soins » et définit une procédure visant à le mettre en oeuvre, en prévoyant que tout médecin absent de son cabinet doit indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s'adresser en son absence, ce que prévoyait déjà le code de déontologie médicale ; que tout médecin doit informer le conseil départemental de l'ordre de ses absences programmées, et que ce conseil « veille au respect de l'obligation de continuité des soins » et en informe le directeur général de l'ARS.

L'article L. 6315-1 renvoie à un décret le soin de définir les conditions dans lesquelles le médecin doit informer l'ordre de ses absences programmées. Cette disposition me semblait aller plutôt dans le bon sens, dans la mesure où elle permettait de prévoir, dans le cadre des ARS, le remplacement du médecin par des internes en médecine. Or, cette obligation d'information a été perçue par les médecins comme susceptible de servir de base à la mise en place d'un véritable régime d'autorisation d'absence, dans lequel les praticiens auraient à faire agréer par l'ARS les dates de leurs congés et autres absences programmées. Il me semble que l'exercice libéral d'une profession de santé n'exonère pas les praticiens de l'obligation d'assurer la permanence des soins. Celle-ci est imposée à certaines professions ; je ne vois pas pourquoi d'autres y échapperaient. Les fortes réticences exprimées au sein de la profession ont conduit le Gouvernement à faire le choix de ne pas publier le décret d'application nécessaire à la mise en oeuvre de cette mesure et l'article 8 de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Fourcade tend à supprimer cette obligation.

Mes chers collègues, deux exemples, une vérité. La vérité, c'est que vous n'assumez pas les raisons qui vous ont amené à « commettre » ce véhicule législatif hors norme – c'est un peu la Foir'Fouille d'avant les vacances – qu'est la proposition de loi. Vous le savez, la loi HPST n'aboutira pas forcément à une grande victoire pour la santé publique.

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