Je vais vous présenter le rapport de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'année 2010.
Depuis 2003, la mission a rendu quelque six rapports, sans compter les années où notre commission s'est saisie pour avis des projets de loi de finances rectificative ou des projets de loi de règlement. Nos collègues de la commission des finances et les sénateurs de la commission des affaires étrangères et de la défense participent désormais à nos travaux, montrant bien que l'initiative que j'avais prise était pertinente et utile. Grâce aux échanges réguliers que nous avons avec le ministère de la défense et la direction du budget, nous pouvons désormais veiller au respect de l'autorisation initiale mais aussi identifier des problèmes et ainsi proposer au plus vite des solutions. Je pense notamment au financement des opérations extérieures dont nous avons obtenu qu'il ne pèse plus sur les dépenses d'équipement de la défense.
J'en viens à la situation de l'année 2010. Comme le prévoyait la loi de programmation militaire, il s'agit d'une année de « production ». Sur le plan budgétaire, cela se traduit par une baisse du montant des autorisations d'engagement, ce qui est normal, l'année 2009 était une exception liée au grand nombre de commandes globales. Les crédits de paiement restent quant à eux relativement stables autour de 37 milliards d'euros.
La dégradation du contexte économique et financier a cependant nécessité des ajustements en cours d'année. Au final, la défense a pu disposer de plus de crédits que prévu initialement soit plus de 43 milliards d'euros en AE et presque 39,5 milliards d'euros en CP.
Le ministère a, une fois de plus, fait la preuve de sa capacité à engager les crédits qui lui sont alloués avec un excellent taux de consommation. En 2010, 105,4 % des CP initiales ont été utilisés, c'est-à-dire 2 milliards d'euros de plus que la LFI. En outre, la masse des services faits non payés a été réduite d'un milliard d'euros. Ce dernier élément est un indicateur précieux, montrant la qualité de la gestion des crédits du ministère.
La situation des AE est également positive malgré un léger ralentissement cette année pour atteindre le taux de 85,7 % des AE disponibles et 94,5 % des AE prévues en LFI. Ces taux restent dans la moyenne des années précédentes, le faible écart s'expliquant essentiellement par des difficultés d'ordre technique.
L'année 2010 s'est caractérisée par la mise en service du progiciel financier CHORUS. Nous avons tous été alertés des dysfonctionnements qu'il a occasionnés et notamment des très importants retards de paiement qui ont fait souffrir beaucoup d'entreprises. Le ministre a réagi en affectant plus de personnels aux fonctions financières et en créant une cellule spécifiquement chargée des PME. Malgré ces efforts, tout n'a pu être réglé en 2010 ; il me semble cependant que la situation est désormais stabilisée et que le système a atteint son rythme de croisière.
Sur le plan financier, ces problèmes se traduisent par une explosion des intérêts moratoires qui dépassent les 45 millions d'euros en 2010 alors qu'ils avaient été ramenés à 18 millions d'euros en 2009. Nous devons rester attentifs à l'évolution de ce point : la santé financière de nos entreprises de défense, et notamment de nos PME, en dépend.
J'en viens maintenant à trois thèmes plus spécifiques. En ce qui concerne les opérations extérieures, le mécanisme engagé en 2009 a été reconduit en 2010 : le surcoût a été intégralement financé par un abondement extérieur à la défense. Le surcoût global s'est par ailleurs stabilisé à 860 millions d'euros, soit 10 millions d'euros de moins qu'en 2009. Nous devrions certainement atteindre un milliard d'euros en 2011. J'ai d'ailleurs, comme notre collègue Bernard Cazeneuve, interrogé le ministre sur ce sujet lors de notre débat d'hier. Il a indiqué que le surcoût serait pris en charge par la réserve interministérielle. L'augmentation constante de la provision initiale participe à cette bonne gestion : je rappelle qu'elle est passée de 510 millions d'euros en 2009 à 630 millions d'euros en 2011.
Il faut néanmoins rester très attentifs à l'évolution de ces dépenses, notamment avec les nouveaux engagements de nos forces. À ce stade, il n'est pas possible d'estimer avec précision le coût de l'opération en Libye, mais en tout état de cause, il serait injuste de demander au seul ministère de la défense de la financer. Le ministère s'est engagé dans une réforme d'ampleur qui ne lui laisse plus aucune marge de manoeuvre : lui demander un nouvel effort serait dangereux et peu responsable pour la bonne qualité opérationnelle de nos troupes.
Nous avons également analysé l'impact de la réforme sur les personnels et sur leurs statuts. La défense est en avance sur les objectifs de réduction de poste de l'ordre de 4 000 équivalents temps plein travaillés en 2010. Cet écart s'explique en partie par le sous-dimensionnement du titre 2, c'est-à-dire l'insuffisance des dépenses de personnels. Un dialogue constructif doit s'engager à ce sujet avec le ministère du budget. Il faut toutefois que la spécificité du métier militaire soit bien appréhendée : on ne saurait traiter un militaire qui part en opération comme un agent public ordinaire.
Nous avons enfin souhaité nous intéresser à l'avenir de l'hôtel de la Marine. Ce bâtiment exceptionnel par son architecture et son emplacement est indissociable de l'histoire de la France depuis le XVIIIe siècle. Initialement conçu comme garde-meubles, c'est-à-dire réserve du mobilier royal, et notamment des décors utilisés lors du sacre, il devient à la Révolution française le siège du secrétariat d'État à la marine. La marine n'a jamais quitté ce lieu depuis lors, même lorsqu'il a abrité des ministères comme celui de l'Outre-mer.
L'utilisation future de l'hôtel a suscité beaucoup de réactions et de convoitises et je me félicite de la création de la commission présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing ; ses travaux permettront d'apaiser le débat, évitant une décision précipitée. Des auditions que nous avons menées, il ressort que le lien du bâtiment avec la marine doit être préservé, de même que la cohérence d'ensemble du lieu. Les parties nobles pourraient être destinées à un usage muséal ou pour des réceptions, les autres parties pouvant abriter des bureaux, de préférence des organismes publics en lien avec le monde de la mer comme l'académie de marine ou le secrétariat général de la mer.
La commission du président Giscard d'Estaing vient de publier un communiqué indiquant que deux grands principes doivent guider la décision finale : conserver le bâtiment dans le domaine de l'État et l'ouvrir largement au public. Le détail de ces propositions ne devrait être connu qu'en septembre. J'adhère à ces principes mais je veux marquer mon attachement au lien du site avec le monde de la mer et à la cohérence d'ensemble du bâtiment. Le musée du Louvre est à cette occasion proposé comme « partenaire privilégié » mais cette recommandation n'est pas encore définitivement actée.
En conclusion, la situation budgétaire de la défense est donc très positive en 2010 malgré les contraintes extérieures qui pèsent sur le ministère. Il faut saluer l'action des personnels : la gestion des ressources a été exemplaire, permettant de mener de front une réforme sans précédent, de mettre en oeuvre de nouvelles procédures et d'assurer l'engagement de nos forces à l'étranger dans les meilleures conditions.