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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 12 juillet 2011 à 10h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard, rapporteur :

Dans la deuxième partie du rapport, nous nous efforçons de dresser le bilan de l'appropriation de la LOLF par le Parlement, qu'il s'agisse de son information ou de son rôle lors de l'examen du projet de loi de finances.

Nul ne peut contester que la LOLF a permis d'améliorer la qualité des documents budgétaires et des informations transmises au Parlement, et cela vaut notamment pour les projets annuels de performances – les nouveaux « bleus budgétaires ». Cependant, du point de vue quantitatif, on atteint des niveaux préoccupants, en masse – 14 000 pages pour le dernier projet de loi de finances – comme en coût – 2 millions d'euros par an. La Mission préconise donc, d'une part, la création d'un groupe de travail associant le Parlement et le ministère du Budget afin de déterminer les documents réellement et directement utiles à la discussion budgétaire – ce qui ne signifie pas, au demeurant, que les autres soient inutiles – et, d'autre part, la dématérialisation de leur transmission au Parlement – ce sont nos propositions 12 et 13. Cela permettrait d'améliorer les délais de leur analyse par le Parlement – puisque les ministères attendent qu'ils soient complets pour les lui transmettre –, comme y tend la proposition n° 14.

La proposition n° 15 a pour objet de favoriser, s'agissant de la préparation du projet de loi de finances, la coordination entre les rapporteurs pour avis et les rapporteurs spéciaux avant l'envoi des questionnaires parlementaires. L'objectif, là encore, est d'obtenir plus rapidement les informations demandées , par des questionnaires plus brefs et plus cohérents.

Enfin, la Mission s'est intéressée aux changements liés à la LOLF quant au pouvoir d'initiative des parlementaires, notamment en analysant la pratique des amendements de crédits. Les statistiques présentées page 50 du projet de rapport montrent que ceux-ci ne représentent qu'une faible part des amendements aux projets de loi de finances – 85 sur près de 1 300 déposés, et 24 sur environ 480 adoptés. Paradoxalement, les nouvelles possibilités offertes aux parlementaires en la matière sont une source d'insatisfaction ; d'ailleurs, le nombre de ces amendements est resté à peu près stable depuis 2006, alors que, depuis le projet de loi de finances débattu en 2008, le nombre global des amendements examinés a sensiblement augmenté.

Reconnaissons aussi que ces amendements de crédits, qu'ils soient d'origine parlementaire ou gouvernementale, ne sont presque jamais motivés par le souci d'améliorer la performance des gestionnaires. Nous souhaiterions qu'ils reposent davantage sur une réelle analyse budgétaire et de performance que sur une logique de redéploiement ; c'est le sens de la proposition n° 16.

La Mission s'est également intéressée à la recevabilité des amendements d'origine parlementaire – en d'autres termes, au vieux débat sur l'article 40. La proposition n° 17 tend à harmoniser sur ce point les règles entre l'Assemblée nationale et le Sénat ; avec la proposition n° 18, nous suggérons que soit établi un bilan de la mise en oeuvre de l'article 40 à la fin de chaque législature. Ce sujet a suscité beaucoup de débats chez nos collègues !

S'agissant de l'exécution des lois de finances, la LOLF a permis de professionnaliser le dialogue de gestion au sein de l'exécutif, en vue d'une allocation optimale des moyens dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint. En revanche, malgré le renforcement de nos pouvoirs de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, force est de reconnaître que l'implication de certains de nos collègues en ces matières reste insuffisante. Le projet de loi de règlement est, à cet égard, le « rendez-vous manqué » de la mise en oeuvre de la loi organique.

Sur la professionnalisation de la gestion, les auditions ont montré que des progrès considérables ont été réalisés pour améliorer et structurer le dialogue de gestion entre responsables de programmes, de budgets opérationnels de programme (BOP) et d'unités opérationnelles (UO). De nouveaux outils de contrôle de gestion se mettent en place dans les différents ministères, et la révision prochaine du décret de 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique permettra de décliner, au niveau des BOP et des UO, les outils de la LOLF et la programmation pluriannuelle. Cette démarche doit être encouragée, comme le préconisent les propositions nos 19 à 21.

Nos auditions ont également montré que, face au mur du déficit, la gestion publique par la performance doit s'adapter : nous souhaitons que les responsables de programme – qui, désormais, doivent davantage gérer la pénurie que développer de nouveaux projets – disposent de nouvelles marges de manoeuvre opérationnelle, notamment à travers la pluriannualité. Pour ce faire, la MILOLF préconise de réduire le nombre de BOP – qui sont de taille trop réduite – tout en limitant le nombre de BOP centraux, et de prohiber, par circulaire du Premier ministre, la pratique du « fléchage » des crédits déconcentrés depuis le niveau central – propositions nos 22 à 24. Les responsables de la cour d'appel de Chambéry m'ont ainsi indiqué hier que la réfection de la toiture de l'un des tribunaux faisait l'objet d'un fléchage de crédits depuis l'administration centrale du ministère ! Dans ces conditions, parler de l'autonomie de gestion des responsables de programme n'a aucun sens.

En outre, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, la Mission estime indispensable d'accentuer la démarche de performance engagée grâce à la LOLF, et ce de plusieurs manières : en systématisant l'envoi de lettres de mission à tous les responsables de programme lors de leur nomination – et en assurant la communication de ces lettres aux rapporteurs spéciaux – ; en permettant d'expérimenter entre les responsables de programme et de BOP une contractualisation garantissant un « retour » vers les agents d'une partie des gains de productivité ; en étendant à toutes les catégories d'agents la prime de fonctions et de résultat, quitte à expérimenter un dispositif complémentaire de rémunération collective en fonction de la performance du BOP ; enfin, en réactivant la fongibilité asymétrique dans une perspective pluriannuelle, afin de faciliter les reports de crédits économisés d'un exercice sur l'autre – propositions nos 25 à 28.

Le rapport recense tous les outils qu'offre la LOLF pour encadrer les mouvements de crédits réglementaires, pour renforcer les pouvoirs de contrôle et pour revaloriser le projet de loi de règlement. Les auditions des présidents de commission de l'Assemblée nationale et du Sénat ont montré que les parlementaires qui souhaitent s'impliquer dans le contrôle de l'exécution se heurtent toujours à des difficultés : retard dans le dépôt des documents demandés, refus d'informer ceux d'entre eux qui ne sont pas rapporteurs spéciaux… Mais il ressort surtout de ces auditions une implication insuffisante et aléatoire de nos collègues dans le contrôle budgétaire et financier. Trois raisons peuvent l'expliquer : l'insuffisante familiarité avec des domaines réputés techniques ; l'absence de prise en compte, par le Gouvernement, des conclusions de l'évaluation et du contrôle ; enfin, la trop faible attention des médias à ce type de travaux parlementaires.

Il est patent, au surplus, que la discussion du projet de loi de règlement n'est pas devenue le temps fort du débat budgétaire : en commission, cet examen dure en moyenne trois fois moins longtemps que celui du projet de loi de finances et, en séance publique, de quinze à vingt-cinq fois moins. En outre, il a lieu à la fin du mois de juin, en général un lundi après-midi, et il précède parfois l'audition des responsables de programmes. Nous suggérons donc de réserver une semaine dans l'ordre du jour à l'examen exclusif de ce projet, de créer un groupe de travail en vue de redéfinir les modalités de cet examen, de favoriser la participation des députés et de systématiser l'audition des ministres responsables des missions ou programmes. Nous demandons que les rapports annuels de performances soient transmis au Parlement, sinon en même temps qu'à la Cour des comptes, du moins dans le courant du mois de mai. Nous souhaitons une amélioration du contenu de ces rapports, qui doivent avant tout justifier les écarts par rapport à la prévision. Les écarts entre la consommation réelle des crédits en année n et celle des années n-1 et n-2 devraient également y figurer. Il conviendrait aussi d'évaluer systématiquement les responsables de programme en fonction des résultats de l'année précédente et de transmettre ces évaluations aux rapporteurs spéciaux. C'est la matière des propositions nos 29 à 38, le but étant de donner à la discussion de cette loi de règlement la place qui lui revient, en sorte que la répartition des crédits dans la loi de finances suivante soit assise sur une évaluation sérieuse de la performance budgétaire.

S'agissant de Chorus, nous nous inquiétons, je l'ai dit, du retour sur investissement : manquent toujours des outils comptables d'analyse des coûts, sans parler des problèmes de fonctionnement des plateformes et de formation. Des progrès restent également à réaliser en matière de transparence : ainsi les dépenses de fonctionnement de l'Agence pour l'informatique financière de l'État ne sont pas prises en compte dans le coût budgétaire de ce programme.

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