Sur les otages d'AQMI au Sahel, je ne peux vous apporter beaucoup d'informations. Nous avons obtenu la libération d'une otage, Mme Larribe, et nous continuons par les mêmes canaux à discuter pour obtenir celle des quatre autres otages.
Sur la Palestine, je suis moins pessimiste que vous : les efforts de la diplomatie française, loin d'être condamnés, ont assez prospéré. Le raisonnement que nous avons tenu, dans la ligne de ce qui a été dit lors du G8, fait aujourd'hui l'objet d'un consensus, à savoir que le statu quo est la pire des solutions, aussi bien pour les Palestiniens que pour les Israéliens. Autres points de consensus : la reprise des négociations est le seul moyen d'en sortir et ces dernières doivent être menées sur la base de principes et de paramètres équilibrés et mutuellement agréés – notre diplomatie a fait sur ce point un effort de proposition salué par beaucoup.
Après ce que MM. Medvedev et Poutine ont dit au Président de la République, M. Lavrov m'a confirmé que la Russie soutenait notre démarche. Le Conseil européen de la semaine dernière a endossé l'approche et les propositions de la France, fondées sur le discours du président Obama. Enfin, ce matin même, Tony Blair, qui est le haut représentant du quartet, est venu me dire qu'il soutenait complètement notre démarche et d'autres pays nous apportent également leur soutien, notamment dans le monde arabe.
Le 11 juillet prochain, le quartet se réunira à Washington. Obtiendrons-nous de lui un appel aux parties à renégocier sur la base des principes et paramètres faisant l'objet d'un consensus ? Il y a de bonnes raisons de le penser. Je rappelle que le quartet est constitué de la Russie, qui est d'accord avec nous, de l'Union européenne, qui a reçu un mandat clair à ce sujet, des Nations Unies, qui sont également en phase avec nous, et des États-Unis – je dois faire le point demain avec Hillary Clinton sur ce sujet, la diplomatie américaine, qui travaille en étroite liaison avec la diplomatie israélienne, n'étant pas fermée. Notre principal souci est que ne sorte pas du quartet une série de principes ou de paramètres déséquilibrés, alors que ceux-ci sont aujourd'hui équilibrés.
Ces principes sont : la renonciation au terrorisme et à la violence, l'acceptation des accords de paix antérieurs, l'abandon de toute autre réclamation après la conclusion de l'accord et, surtout, l'objectif de deux États nations pour deux peuples. Les paramètres portent sur la frontière de 1967 et les garanties de sécurité, puis dans un second temps, dans le cadre d'un accord global, sur la question des réfugiés de Jérusalem.
Si cet appel est lancé, nous passerons à une deuxième phase. Les parties accepteront-elles de se mettre autour de la table ? Une conférence des donateurs dans la première quinzaine de septembre serait en toute hypothèse utile, car l'Autorité palestinienne a besoin de fonds. Cette conférence pourrait-elle être celle de paix et de négociation que nous avons envisagée ? Il est trop tôt pour le dire.
Nous sommes donc au milieu du gué, mais notre initiative a des chances d'aboutir. Le moment venu, nous prendrons nos responsabilités.
Madame Bourragué, nous serons bien entendu attentifs à la présence des femmes dans le système démocratique de la nouvelle Libye : il revient aux Libyens d'en décider, mais nous les accompagnerons dans la reconstruction de leur pays et nous veillerons au respect des droits de l'homme et du principe d'égalité entre les genres.
En ce qui concerne le Maroc, je me suis entretenu il y a quelques heures à Barcelone avec mon homologue marocain et l'ai félicité. La France s'est en effet réjouie du résultat du référendum, avec 73 % de participation – alors que certains partis d'opposition ou islamistes avaient appelé au boycott et que le taux habituel se situe au-dessous de 50 % – et 98 % de oui. Cela prouve un réel élan populaire.
Le schéma proposé par le roi est audacieux. Reste à le mettre en oeuvre, ce qui suppose l'adoption d'une série de lois organiques et de décisions.
Il est vrai qu'il y a encore des manifestations, encore qu'elles aient plutôt eu tendance à se calmer, mais elles sont pacifiques et elles ne donnent pas lieu à des répressions violentes. Il s'agit donc d'un phénomène naturel dans un régime évoluant vers la démocratie.
Le roi peut donc garder la main et nous devons le soutenir dans ce processus.
Parallèlement, il convient d'éviter que les difficultés économiques ne viennent contrarier ce dernier. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons inclure le Maroc dans le partenariat de Deauville qui a été proposé à la Tunisie et à l'Égypte. Le Président de la République vient de confier à Édouard Balladur une mission pour se rendre dans les pays du Golfe et ceux du Maghreb afin d'essayer de sensibiliser leurs gouvernements à la mise en oeuvre d'un plan d'action dans l'esprit de ce partenariat.
Monsieur Janquin, je serai vendredi soir à Djouba pour la proclamation d'indépendance du Sud-Soudan. C'est dire si la France, qui a soutenu le processus d'autodétermination, le référendum et ses résultats, sera pleinement impliquée. D'autres responsables européens ou américains seront également sur place.
La situation s'est améliorée depuis les fortes tensions dont vous avez parlé, après la prise de contrôle de la région d'Abyei par l'armée soudanaise le 21 mai dernier et les affrontements entre les armées soudanaises du Nord et les partisans du pouvoir du Sud dans la province du Sud-Kordofan.
Un accord sécuritaire a été trouvé sur Abyei le 20 juin : une opération de maintien de la paix des Nations Unies, forte de 4 200 Éthiopiens, va être déployée pour surveiller ce territoire, qui a été transformé en zone démilitarisée par une résolution du Conseil de sécurité du 27 juin. Un accord politique a également été trouvé entre le gouvernement soudanais et le parti du Nord sur la gestion du Sud-Kordofan et du Nil-Bleu, bien qu'aucun cessez-le-feu n'ait été encore agréé. Enfin, un troisième accord a été conclu le 29 juin sur une gestion concertée de la frontière nord-sud.
Mais le Sud-Soudan est un pays d'une extrême pauvreté, qui aura, espérons-le, accès à des ressources pétrolières abondantes lorsque l'accord sur la zone d'Abyei sera mis en oeuvre. Cela étant, nous avons beaucoup de choses à faire pour l'aider à sortir de sa situation de sous-développement.
Monsieur Lecoq, la décision prise par les autorités grecques est souveraine : elle repose sur le droit grec et non sur le droit international maritime !
De toute façon, la participation de bateaux français à cette flottille ne nous est pas sympathique. Je l'ai dit publiquement, y compris à Jérusalem : cela ne constitue pas une bonne méthode pour acheminer l'aide humanitaire vers Gaza, dans la mesure où cela fait courir à tous ceux qui sont sur ces bateaux des risques inutiles et peut être interprété comme une provocation. La bonne méthode consiste au contraire à demander au gouvernement israélien de faciliter cet acheminement par les voies existantes à destination de Gaza : nous le lui avons dit avec beaucoup de fermeté.
S'agissant du Haut-Karabagh, nous déployons des efforts dans le cadre du Groupe de Minsk pour sortir du blocage actuel et arriver à une solution conforme aux principes adoptés sous l'influence de la diplomatie russe lors de la réunion de Sotchi. La réunion de Kazan n'a pas abouti aux résultats attendus, mais on ne peut dire qu'elle ait été un échec. On ne l'interprète pas ainsi en tout cas à Moscou : le président Medvedev va faire prochainement de nouvelles propositions aux deux parties pour essayer de les convaincre de renoncer à l'utilisation de la violence et à accepter les principes de solution fixés pour ce conflit qui n'a que trop duré.
Monsieur Rochebloine, j'ai reçu les parents de Salah Hamouri lorsque je suis allé à Jérusalem – ce qui m'a valu des reproches de la communauté juive de New York qui se demandait pourquoi on le traitait de la même manière que Gilad Shalit. Je ne les traite pas du tout de la même manière : ce dernier est otage dans des conditions scandaleuses, en violation de tous les principes internationaux. Nous exigeons sa libération immédiate et demandons aux différentes parties de faire tous les efforts nécessaires à cette fin. Salah Hamouri est dans une situation différente : il a été condamné par la justice israélienne. On peut certes estimer que la justice militaire israélienne n'est pas une justice, mais je laisse la responsabilité de cette affirmation à ceux qui la soutiennent ! Il est en prison et nous sommes intervenus auprès des autorités israéliennes pour qu'elles fassent preuve d'indulgence à son égard et le libèrent : il devrait être libre dans quatre ou cinq mois. J'ai tenu à manifester ma compassion à sa famille et à lui dire que nous souhaitons cette libération au plus vite.
Quant à Asia Bibi, le Gouvernement est très préoccupé par sa détention et sa condamnation à mort pour blasphème en novembre 2010. Nous considérons que l'existence même du délit de blasphème porte gravement atteinte aux libertés fondamentales, ce que nous n'acceptons pas. La Déclaration universelle des droits de l'homme et le pacte international sur les droits civils et politiques garantissent le droit de manifester sa religion mais aussi celui d'exprimer des opinions contraires sans être inquiété. Or le Pakistan a ratifié ce pacte : cet engagement international n'est pas compatible avec le maintien du délit de blasphème dans son corpus juridique !
Nous déplorons par ailleurs que deux personnalités politiques pakistanaises aient été assassinées pour s'être opposées à la loi sur le blasphème. Ces manifestations violentes d'extrémisme religieux s'inscrivent dans un climat préoccupant d'atteinte à la liberté d'expression, de religion et de conviction dans ce pays.
Nous ne pouvons ensuite qu'être heurtés par la condamnation à la peine de mort d'Asia Bibi, compte tenu de l'engagement déterminé et constant de notre pays contre cette peine, dont nous considérons qu'aucun acte ne saurait la justifier.
Nous nous sommes mobilisés en ce sens. Le 7 janvier dernier, dans ses voeux aux autorités religieuses, le Président de la République a dénoncé cette condamnation dans les termes les plus fermes. Le ministère des affaires étrangères a, dès l'annonce de celle-ci, fait une démarche au nom de l'Union européenne tout entière. Lors de mon entretien avec le premier ministre pakistanais, le 3 mai, j'ai exprimé la vive préoccupation des autorités françaises.
Le ministère a également reçu l'époux et la fille d'Asia Bibi à la fin du mois de mai, accompagnés de l'avocat : la famille a pu fournir des informations précieuses sur les conditions de détention et l'état de santé de cette femme. Cet entretien a aussi été l'occasion de réaffirmer le soutien de la France à la famille et notre souhait qu'une solution rapide soit trouvée.
Nous ne relâcherons pas nos efforts. Des démarches diplomatiques sont actuellement effectuées auprès de nos partenaires européens afin que l'Union européenne revienne à la charge auprès des autorités pakistanaises. Nous faisons donc le maximum avec les moyens dont nous disposons.
Monsieur Vauzelle, Kadhafi et son entourage dénoncent régulièrement des dégâts collatéraux – je dirais même qu'ils en rajoutent : on ne sait jamais si les cadavres qu'ils montrent sont tombés sous les balles de leurs propres forces ou du fait des frappes de l'OTAN. À notre connaissance, il y a eu très peu de dégâts collatéraux, même si ceux-ci sont toujours trop nombreux. Un cas semble particulièrement sensible, portant sur neuf morts, et l'OTAN fait une enquête pour déterminer s'ils ont été provoqués par l'une de ses frappes. Une forte attention est portée à la détermination des cibles pour que celles-ci soient exclusivement militaires et comportant le moins de risques possibles de dégâts pour les civils. Si nous avons utilisé des hélicoptères, c'est aussi pour déterminer plus précisément ces cibles.
Vous me demandez : qui est à Benghazi ? Je suis tenté de vous répondre : qui est dans l'opposition à Bachar Al-Assad en Syrie ? Qui figure dans les forces politiques du Caire ? Les Frères musulmans sont-ils ou non des partenaires convenables ? Faut-il faire confiance au parti Ennahda en Tunisie ? On peut donc se poser la question dans les autres pays : lorsqu'un système politique explose et que la tyrannie s'effondre, il y a forcément un moment d'ébullition. M. Moussa, l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe, aujourd'hui candidat à l'élection présidentielle en Égypte, me disait : en France, combien de temps avez-vous mis entre le 14 juillet 1789 et le moment où vous avez eu une démocratie policée ? au moins soixante-dix ans !
La Libye va donc connaître une période d'évolution, mais nous pensons qu'il y a dans le CNT beaucoup de gens responsables ayant une vision claire de l'avenir de leur pays et une feuille de route précise. Nous allons les accompagner et leur faire confiance, sans sous-estimer le risque qu'il y ait ici ou là, dans cette mouvance, des extrémistes qu'il appartiendra aux Libyens de maîtriser.
Quant à la Serbie, elle a fait un pas en avant considérable avec l'arrestation de Mladic. Mais elle a encore beaucoup d'efforts à faire pour construire un système judiciaire de qualité et indépendant, lutter contre la corruption et apaiser ses relations avec le Kosovo. Lorsque j'ai reçu mon homologue serbe, je l'ai vivement incité à développer le dialogue avec Pristina de façon à ce que la perspective européenne de la Serbie puisse se confirmer : avant d'engager des négociations d'adhésion, ce pays devra faire beaucoup de progrès en ce sens.