Il y a, d'un côté, les faits que l'on peut établir grâce à la recherche et, de l'autre, le décideur public et la population. Le moment où un certain nombre de mesures dont le bien-fondé est reconnu sont prises correspond à celui où le besoin et l'acceptabilité se rejoignent. C'est toute la difficulté pour le décideur public. Je note à ce propos que le dialogue entre le chercheur et le décideur public reste en partie à inventer – les chercheurs ne savent pas toujours parler aux décideurs publics, qui eux-mêmes ne savent pas toujours exprimer parfaitement les objectifs qu'ils poursuivent. Quoi qu'il en soit, la ligne de crête est bien l'acceptabilité sociale.
Aucun gouvernement n'a jamais pensé qu'on pouvait séparer l'éducation, l'information et la prévention de la dissuasion et de la répression. Il faut agir sur les deux fronts. Nous le constatons aujourd'hui avec la vitesse : dès que la vitesse moyenne effective remonte de quelques kilomètres-heure, on en paye le prix ; lorsqu'elle diminue, les progrès s'amplifient rapidement. Prenons un autre exemple qui s'inscrit dans le débat des dernières semaines. Nous n'allons pas demander aux usagers la permission de leur appliquer la loi. Cependant, tout montre que, sauf consultation fréquente du compteur, le conducteur a une notion floue de sa vitesse. Je l'expérimente régulièrement : le tableau lumineux implanté à l'entrée de la commune bretonne où je passe mes vacances, qui m'indique ma vitesse en approche, est toujours riche d'enseignements pour moi ! La multiplication de ces signaux aux abords des agglomérations et des zones accidentogènes, ou encore aux fins de rappel sur les trajets longs, me semble donc utile. Mais si les usagers ne savent pas qu'ils s'exposent à une sanction, nous n'aboutirons à aucun résultat. En 2000, nous avions observé que plus de 50 % des usagers roulaient au-dessus des limites de vitesse, et cela sur toutes les catégories de routes ! La répression doit donc demeurer, mais il importe tout autant de créer un terreau favorable aux prises de conscience et aux changements de comportement. On en revient ici à la nécessité de rendre publiques les données sur les blessés graves.
Agissons cependant à bon escient : je me suis toujours opposé – y compris auprès des agents agissant sous mon autorité – à l'installation de contrôles radars mobiles dans des lieux où il était prouvé que l'accidentalité était faible. Il m'est arrivé de refuser de prendre les résultats de ces contrôles en compte lorsqu'on n'avait pas obéi à mes instructions. En matière de contrôles, comme de limites de vitesse, on décrédibilise en effet l'appareil réglementaire si l'on ne se fonde pas sur l'accidentalité réelle.