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Intervention de Robert Namias

Réunion du 28 juin 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Robert Namias, ancien président du Conseil national de la sécurité routière :

S'agissant de la volonté politique, j'assume mes propos : c'est l'ancien président du CNSR et le journaliste qui a assisté depuis vingt ans à tous les épisodes de l'histoire de la sécurité routière qui les tient. La volonté politique s'est exprimée en 2002 à travers les actes et surtout les déclarations fortes du Président Jacques Chirac, mais depuis 2007 je n'ai jamais entendu le président Sarkozy rappeler que la sécurité routière était une priorité et qu'il entendait faire baisser le nombre des victimes de la route.

Cette volonté politique ne peut venir que de l'Élysée. Si le Président de la République ne met pas une pression permanente sur les différents ministères concernés, à commencer par ceux qui sont responsables de la Délégation interministérielle, ni sur la Délégation elle-même pour qu'elle oeuvre, quotidiennement et publiquement, en matière de sécurité routière, c'est que la volonté politique a disparu. Or, depuis deux ou trois ans, je ne vois pas beaucoup à la télévision, je n'entends pas souvent à la radio et je ne lis pas souvent dans la presse des déclarations de la déléguée interministérielle.

Vous connaissez les noms de certains délégués, comme Rémy Heitz et quelques autres avant lui ; mais demandez aux gens dans la rue le nom de la déléguée interministérielle à la sécurité routière : personne ne saura vous répondre. Rémy Heitz intervenait tous les trois jours à la télévision. La sécurité routière avait une image. Le Président de la République de l'époque l'avait voulu ainsi, et le Premier ministre avait pris le relais. Encore une fois, personne ne peut être défavorable à une politique qui tend à faire diminuer le nombre de victimes, simplement il faut que les actes suivent.

En ce qui concerne les radars, si nous avions conservé les panneaux indicateurs, nous aurions pu, sans le dire, multiplier le nombre de radars et passer de 2 500 à 3 000, voire à 3 500 radars et personne ne s'en serait aperçu – nous ne sommes pas obligés de faire une conférence de presse chaque fois que nous installons un radar. Je ne comprends pas pourquoi cette décision a été prise. J'ai naturellement entendu les explications : en l'absence de panneaux, les conducteurs supposent en permanence que la vitesse est limitée – je pense en ce qui me concerne que c'est exactement le contraire. Toujours est-il que personne ne demandait une telle mesure. Nous aurions pu accentuer la politique de contrôle sans le dire.

Non seulement les décisions prises depuis deux mois n'améliorent pas la sécurité routière, mais, de plus, elles vont à l'encontre de la politique de sécurité routière et augmentent le seuil d'intolérance – ou diminuent le seuil d'acceptabilité – de l'opinion publique. Ce sont des décisions totalement contre-productives. Désormais qui osera prendre une mesure réellement efficace sans mettre 15 000 motards dans la rue et sans susciter un tollé général – avec toutes les conséquences électorales que cela pourrait avoir ? Je pense qu'il faudra laisser passer un certain temps avant de prendre la moindre décision.

Nous avions pourtant réussi à faire passer des mesures beaucoup plus difficiles que la suppression des panneaux indicateurs de radars – je pense à la diminution du taux d'alcoolémie toléré ou au durcissement du système de retrait de points sur les permis. Cela a été possible grâce à une communication permanente, qui elle aussi relève d'une volonté politique dans la mesure où elle a un impact budgétaire.

Je pense pour ma part qu'une politique de sécurité routière n'est efficace que si la communication est permanente. Ce ne sont pas quelques spots télévisés avant les départs en vacances qui peuvent changer les choses. On peut certes s'interroger sur l'efficacité des spots, des plus soft aux plus gore, mais une communication pédagogique est essentielle. Si les Français sont allés très loin dans l'acceptabilité s'agissant de l'alcool au volant, c'est que chacun peut vérifier que les effets de l'alcool au volant modifient son comportement, donc sa conduite. S'agissant de l'utilisation du téléphone portable, nous pouvons aussi aller très loin. Nous en sommes tous conscients, téléphoner au volant, même avec le kit mains libres, demande un effort de concentration. Celui qui engage une conversation professionnelle, sur un budget ou une affaire en cours, n'est pas capable de voir si le feu est rouge. Cette incompatibilité entre le téléphone et la conduite est relativement facile à comprendre et à accepter.

En revanche, personne n'accepte l'idée que la vitesse est fondamentalement dangereuse et meurtrière – cela n'a jamais fait l'objet d'une communication permanente. Pourtant le danger est assez facile à comprendre. J'avais proposé il y a quelques années de diffuser des spots afin d'alerter sur ce danger. On cite souvent l'exemple de l'Allemagne, mais en Allemagne la vitesse n'est vraiment libre que sur quelques autoroutes et elle est beaucoup plus réglementée qu'elle ne l'est en France. Lorsque vous conduisez à 50 kmh en ville, ce qui est autorisé dans la plupart des cas, si un enfant traverse la rue en courant, il a malheureusement beaucoup de risques d'être tué parce que vous n'avez pas le temps de freiner. Il est facile de comprendre cela, même si c'est difficile à accepter. Si vous roulez à 30 kmh, vous le renverserez mais il aura des chances de s'en sortir. Tous les travaux réalisés sur les dangers de la vitesse devraient faire l'objet d'une communication.

En ce qui concerne le téléphone, j'ai lu que parmi toutes les bonnes mesures qui ont été envisagées par le comité, aucune n'a été prise. La bonne mesure serait l'interdiction pure et simple de l'usage du téléphone au volant. Compte tenu du contexte, ce sera désormais très difficile. Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie. Un délégué interministériel pourrait expliquer le bien-fondé de cette mesure, et si nous diffusions des spots informant du danger de l'usage du téléphone en conduisant, il ne faudrait que quelques mois à nos concitoyens pour accepter une interdiction.

Au Conseil national, après avoir consulté les experts et effectué un certain nombre de voyages à l'étranger, nous procédions à l'évaluation du nombre de vies qu'une mesure aurait permis d'épargner. Ainsi, on avait évalué à 400 le nombre de vies pouvant être sauvées grâce à l'interdiction de l'usage du téléphone au volant.

En 2007, le Conseil national avait voté, à une majorité très relative, le principe de la tolérance zéro en matière d'alcool au volant. Toutefois, le secrétaire d'État aux transports de l'époque, M. Dominique Bussereau, avait « retoqué » cette proposition. Il serait très pédagogique de reprendre les vieux slogans de la sécurité routière : « Boire ou conduire, il faut choisir », ou encore « Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts ». Mais il faudrait aussi faire preuve de pédagogie pour déterminer, lorsque l'on a bu un verre, s'il faut attendre une heure ou deux avant de conduire, voire attendre le lendemain. Appliquer la tolérance zéro en matière d'alcool au volant aurait une valeur symbolique – même si chacun sait que l'on ne peut avoir moins de 0,2 g d'alcool dans le sang car certains résidus médicamenteux provoquent une synthèse de l'alcool.

Telle aurait pu être notre politique de sécurité routière. Nous aurions pu ne pas toucher aux radars et installer des radars supplémentaires sans rien dire, et, s'agissant de l'usage du téléphone, prendre des mesures fortes, après une large communication et grâce à la présence sur le terrain des délégués régionaux. Je suis persuadé nous en viendrons à la tolérance zéro dans quelques années, sauf si nous abandonnons l'idée de mener une véritable politique de prévention.

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