Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean Mallot

Réunion du 29 juin 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot, coprésident de la Mission d'évaluation :

et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le groupe socialiste n'a pas prévu de contribution spécifique sur ce rapport, mais mon intervention et celles de mes collègues en tiendront lieu, le compte rendu de la présente réunion étant annexé au rapport.

La mission a examiné le rapport de Dominique Tian mardi dernier, le 21 juin et l'a approuvé, tout en exprimant certaines réserves. Elle n'a pas apprécié notamment qu'il ait fait l'objet d'articles de presse dès le 22 juin. Il n'est pas d'usage que le rapporteur transmette son rapport à la presse avant même de le présenter à la Commission des affaires sociales, d'autant qu'il a transmis des versions provisoires de ce rapport avant même qu'il soit examiné par la MECSS. Il a par ailleurs communiqué – ce qui n'est pas correct non plus, je le dis comme je le pense – sur des éléments qui ne figurent pas dans le projet de rapport qui nous est soumis ce matin, mais également sur d'autres tels que le fameux « "FBI" de la fraude sociale », que la MECSS aurait naturellement refusé, ou encore la carte Vitale biométrique, qu'elle a expressément écartée.

Le rapport traite de la fraude sociale – à savoir la fraude aux cotisations, c'est-à-dire le travail illégal, et la fraude aux prestations – et définit opportunément la fraude à partir de trois éléments constitutifs : une infraction, le dommage qu'elle cause aux finances publiques et son caractère intentionnel.

Nous sommes tous d'accord pour condamner fermement la fraude sociale et vouloir la réduire, à défaut de pouvoir l'empêcher totalement. Cela étant, si la fraude aux prestations est estimée entre 2 et 3 milliards d'euros, la fraude aux prélèvements est estimée entre 8 et 15,8 milliards d'euros, soit quatre à cinq fois plus. Or, s'agissant de la fraude sociale détectée, qui a représenté 458 millions d'euros en 2010, le travail dissimulé représente 40 % de ce montant, contre 60 % pour la fraude aux prestations. Le déséquilibre est en quelque sorte inversé.

L'effort de contrôle doit donc porter en priorité sur le travail illégal, dont je rappelle qu'il est majoritairement le fait de personnes de nationalité française ou en tout cas en situation parfaitement régulière – certains amalgames méritent donc d'être corrigés.

J'observe, en outre, qu'en faisant un peu d'arithmétique à partir de ces différentes estimations, on peut situer le total de la fraude sociale entre 10 et 18,8 milliards d'euros – et non 20 milliards comme cité par la presse. Le rapprochement – naturellement innocent – entre ce chiffre choc de 20 milliards et le montant du déficit de la sécurité sociale pour 2011, laissant entendre que supprimer la fraude pourrait être une solution à la situation dégradée de nos finances sociales, relèverait à cet égard de la manipulation puisque même en multipliant la fraude détectée par quatre, nous ne corrigerions le déficit que de 10 %. Ce ne serait certes pas rien, mais même un tel pourcentage ne serait pas à la hauteur du problème.

J'observe enfin, concernant les prestations, que le montant des fraudes estimées représente entre 0,5 et 0,75 % des prestations versées. On ne saurait, sur cette base, rejeter des dispositifs sociaux qui fonctionnent correctement à plus de 99 % et jeter ainsi l'opprobre sur des personnes qui bénéficient de façon tout à fait régulière de dispositifs auxquels elles ont droit et pour lesquels elles paient le plus souvent des cotisations.

Dans la version qui nous est soumise aujourd'hui, les préconisations du rapport sont convenables, sous réserve de quelques précisions. Le fait que les modalités d'attribution de l'allocation pour adulte handicapé fassent apparaître d'importantes disparités selon les départements n'est pas en soi constitutif de fraude sociale. Ce constat nous conduit simplement à nous interroger sur le bien-fondé de ces disparités, qui ne sont pas le fait des allocataires et ne sont pas de nature à garantir une égalité de traitement.

La mission, après réflexion, a accepté que soit mise à l'étude la délivrance d'une carte biométrique aux retraités résidant à l'étranger, pour permettre leur contrôle. Cette étude devra notamment examiner le coût de l'opération au regard du gain escompté, ainsi que la faisabilité de ce contrôle dans les pays concernés. Car à quoi servirait-il de délivrer une carte biométrique si personne n'est en mesure de la vérifier ?

En revanche, la mission a expressément écarté la proposition d'une carte d'assuré social biométrique tous régimes et toutes branches. Un tel système serait très coûteux et ferait double emploi avec la carte d'identité biométrique. L'objet d'une carte d'assuré social est d'abord d'établir des droits, certes de façon sécurisée, non de vérifier l'identité du porteur, vérification à laquelle les professionnels de santé refuseront sans nul doute de procéder.

La proposition d'utiliser de faux dossiers pour tester la capacité des organismes à repérer les fraudes, de même que celle relative au développement de primes de « présentéisme », notamment dans la fonction publique, peuvent être mal perçues et considérées comme relevant de méthodes de management contestables. Nous restons donc prudents sur cette dernière proposition, bien qu'elle ait été conservée.

Enfin, s'il est mis en place, le fichier des fraudeurs devra faire l'objet d'une étude préalable avec la Chancellerie et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

C'est sous toutes ces réserves que la MECSS s'est prononcée favorablement sur ce rapport, et notre groupe votera favorablement à sa publication.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion