Je peux en témoigner : le manque de moyens, qui a parfois contribué à nous placer dans des situations difficiles, peut également expliquer le lent démarrage des groupes de suivi.
En matière de concertation, l'apprentissage a été long, mais nous n'avons pas senti de mauvaise volonté de la part de l'administration. Au contraire : à chaque fois qu'un partenaire soulevait un problème, nous transmettions le message à l'administration concernée, qui essayait d'y répondre dans les quinze jours. Cette attitude devrait faire figure d'exemple pour d'autres lois et d'autres ministères.
Comme le président Serge Poignant ne manque jamais de le rappeler, la procédure prévue par l'article 145-7 du Règlement ne constitue pas une nouvelle discussion législative, mais vise à examiner la façon dont est appliquée une loi. Cependant, nous devrons éviter de nous en tenir à la lettre du Règlement lors de l'élaboration du rapport final, faute de décevoir de nombreuses attentes. En effet, la loi Grenelle II est la « boîte à outils » de la loi Grenelle I, et les deux textes sont étroitement liés, y compris dans l'esprit des personnes auditionnées. Tant que les décrets d'application de la première ne sont pas publiés, certaines dispositions de la seconde restent privées de tout effet juridique. Par exemple, la loi Grenelle II évoque les péages urbains, la modulation des péages autoroutiers, les bornes de rechargement pour voitures électriques, autant de questions qui ne peuvent être séparées des constats effectués dans le cadre de la loi Grenelle I : faible report du fret routier sur le ferroviaire, interrogations sur le financement des lignes à grande vitesse ou sur celui des transports collectifs en site propre. Ainsi, ce dernier devait être assuré en partie par l'écotaxe sur les poids lourds, mais le marché concernant la mise en oeuvre de cette taxe a été annulé par la justice, avant d'être rétabli par le Conseil d'État.
Une autre raison d'élargir le champ de nos travaux est que les problèmes d'application de la loi Grenelle II peuvent venir de l'adoption de dispositions contraires dans le cadre d'autres lois. Par exemple, l'article 32 de la loi de régulation bancaire d'octobre 2010 a supprimé la consultation des parties prenantes sur les rapports relatifs à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, prévus par l'article 225 de la loi Grenelle II. De même, la loi de finances pour 2011 a modifié le pourcentage d'aide aux travaux effectués par les particuliers dans les zones classées « Seveso ». Le taux n'a cessé d'être modifié, passant de 15 % à l'Assemblée nationale à 25 % au Sénat. La commission mixte paritaire a finalement retenu un taux de 30 %, mais nous estimons qu'il devrait être au minimum de 40 % pour que la mesure soit efficace. Ces exemples montrent que l'adoption d'autres textes n'est pas sans effet sur l'application de la loi Grenelle II.
D'une manière générale, l'examen du projet de loi de finances constitue un moment important. C'est par exemple une question de financement qui explique les réticences des professionnels de l'agriculture à l'égard de la certification « haute valeur environnementale ». Les syndicats majoritaires acceptent les niveaux 1 et 2, assortis d'une obligation de moyens, mais pas le niveau 3, qui fait l'objet d'une obligation de résultats. Or seul ce niveau peut permettre de créer un label valorisable. Si nous voulons aller jusqu'au bout de la démarche et respecter l'esprit de la loi, il faudrait probablement prévoir une aide financière pour les agriculteurs passant du niveau 2 au niveau 3, comme on aide ceux qui se convertissent à l'agriculture biologique.
Les différents corapporteurs évoqueront les décrets ou projets de décret qui, sans nécessairement s'écarter de l'esprit de la loi, font l'objet d'un débat. Ainsi, pour l'application de l'article 225, les organisations syndicales et environnementales considèrent que l'on a trop écouté le patronat. De même, alors que son décret d'application n'a pas encore été pris, l'article 75, qui prévoit l'obligation, pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, d'établir un bilan carbone et un plan climat énergie territorial (PCET), suscite d'ores et déjà des oppositions, lesquelles prennent deux formes différentes. Tout d'abord, certains suggèrent de porter le seuil à 5 000 salariés, ce qui reviendrait à réduire drastiquement le nombre d'entreprises concernées. Ensuite, il est proposé de ne mesurer que les émissions directes, alors qu'elles ne représentent qu'entre 30 et 50 % des consommations d'énergie. Pour des raisons financières, ce choix a la faveur des collectivités aussi bien que des entreprises. On peut pourtant douter de la fiabilité de PCET ou de SRCAE fondés sur des informations dont la moitié serait manquante. Plutôt que de publier un décret réduisant les ambitions de l'article 75, il serait sans doute préférable de prolonger la concertation d'une année.
Les observations que nous formulons ne concernent que des décrets déjà publiés ou dont l'élaboration est suffisamment aboutie. D'autres questions surgiront lorsque nous aurons connaissance des textes encore manquants. C'est pourquoi nous devons nous contenter d'un rapport d'étape pour indiquer où en sont les débats, la moitié du travail restant à faire.