Je souhaite insister sur quatre sujets.
Le premier est la sécurité de nos propres équipes d'intervention SMUR (service mobile d'urgence et de réanimation) lors des interventions sur la voie publique.
Depuis 2003, année à partir de laquelle nous avons commencé à alerter la commission interministérielle de sécurité routière, nous militons pour le port obligatoire de la ceinture de sécurité dans les véhicules d'intervention prioritaire – véhicules SMUR, ambulances et autres véhicules –, et ce pour deux raisons. D'abord, ces véhicules, qui roulent souvent rapidement et dans l'urgence, peuvent avoir des accidents – nous avons en mémoire des exemples dramatiques, en particulier le décès, il y a deux ans, d'un conducteur ambulancier SMUR partant en intervention. Ensuite, nous considérons que le non-port de la ceinture de sécurité par les propres acteurs de la sécurité routière donne au public une image particulièrement négative. Cela est vrai pour nos véhicules d'intervention. Cela doit l'être aussi pour les ambulances lorsqu'elles reviennent avec un blessé car, actuellement, il n'existe pas de normes imposant des sièges et des ceintures de sécurité dans leurs cellules sanitaires pour protéger les passagers.
Dans le cadre de la sécurité des équipes SMUR en intervention, SAMU-Urgences de France a demandé l'année dernière un rapport sur la sécurité routière, le rapport « Templier », dont je relèverai trois points.
Premier point : la notion de véhicule d'intérêt général prioritaire pour les véhicules partant en intervention permet d'améliorer leur sécurité.
Cette notion est pour l'instant limitée à ce que nous appelons les unités mobiles hospitalières, c'est-à-dire aux véhicules transportant des blessés. Or il serait souhaitable qu'elle englobe aussi les véhicules de renfort et les véhicules légers médicalisés dont disposent également les SAMU et les SMUR. En outre, le développement des réseaux de soins dans le cadre de la loi HPST amène les véhicules SMUR à faire des trajets qui les éloignent de 80 à 100 kilomètres de leur base, en particulier en province, pour conduire un blessé à l'hôpital ou au plateau technique le plus apte à la prise en charge. Or il me semble nécessaire que les véhicules SMUR, en retour d'intervention, puissent relever de cette catégorie juridique de véhicules d'intérêt général.
Le deuxième point a trait à la ceinture de sécurité, mais aussi aux systèmes de retenue du patient sur le brancard et aux systèmes de fixation des brancards. Nous avons en effet constaté, à la suite d'accidents, des lésions chez les personnels non attachés, mais aussi sur la victime transportée non attachée ou attachée sur un brancard dont les systèmes de sécurité n'étaient pas suffisants pour répondre au choc.
Le troisième point concerne la signalisation et le balisage de nos véhicules qui, actuellement, ne sont pas normalisés. Comme vous avez pu le constater, les couleurs, la signalétique et les moyens de balisage des véhicules du SAMU sont différents en fonction de leur origine. S'il est important de faciliter leur cheminement, il convient également d'éviter des « sur-accidents » en localisant mieux les lieux de leur intervention sur la voie publique.
Le deuxième sujet sur lequel nous souhaitons insister est l'implication de la médecine d'urgence dans une meilleure connaissance de l'accidentologie.
Aujourd'hui, l'ensemble des structures d'urgence ne dispose pas d'un registre national lui permettant d'analyser les conséquences et les causes des accidents. Un outil de ce type existe dans certains départements, comme le Rhône. Nous serions très favorables à la mise en place d'un tel registre, qui serait alors probablement piloté par l'Institut de veille sanitaire (INVS), et dans lequel les urgentistes pourraient apporter toute leur expertise sur différents points : l'âge, mais aussi les déficits sensoriels des conducteurs et des victimes – déficits liés à la prise de toxiques ou de médicaments, mais aussi à des accidents neurologiques bénins pouvant se révéler particulièrement dangereux. Nous souhaitons un tel registre car nous avons l'habitude d'apporter des informations et de traiter des données sur la base d'études comportant un haut niveau de preuve. Or nous n'avons pas beaucoup d'études de ce type sur l'incidence de certaines pathologies sur les accidents.
Le troisième sujet concerne les systèmes d'alerte automatique.
Nous sommes favorables à la généralisation des systèmes d'alerte et de géolocalisation des véhicules. Pour autant, nous ne souhaitons pas que les appels arrivent directement au niveau de nos structures de SAMU centre 15, qui seraient alors submergées par des demandes ne devant pas être traitées par elles. Nous pensons qu'une interconnexion entre un central de réception des appels et le centre 15 est très importante pour favoriser l'intervention très rapide de nos équipes SMUR sur les accidents avec blessés potentiellement graves.
Le quatrième sujet a trait aux raisons pour lesquelles nous voulons une prise en charge rapide des blessés par des équipes SMUR formées à cet effet.
L'étude OPALS (major trauma study), réalisée par les Canadiens de l'Ontario sur plus de 3 000 patients, a démontré qu'il n'y avait aucune amélioration de la morbidité et de la mortalité des traumatisés graves pris en charge par l'Advanced Life Support, qui est une prise en charge par les paramedics nord américains (l'équivalent des infirmiers) versus le Basic Life Support des Anglo-saxons, qui est une prise en charge par des secouristes. Quant à la récente étude française First, publiée en début d'année dans la prestigieuse revue américaine Critical Care, elle montre une très nette amélioration de la mortalité et de la morbidité des patients traumatisés graves de la route pris en charge par les médecins des équipes de SMUR versus une prise en charge par des secouristes.
En conclusion, nous avons maintenant la preuve scientifique, grâce à ces deux études, que ce qui permet de sauver les patients est la prise en charge la plus précoce possible par un médecin SMUR qui les dirigera vers l'établissement le plus adapté.