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Intervention de Jean-Louis Humbert

Réunion du 22 juin 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Jean-Louis Humbert, chef de la division transports routiers au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Les accidents de transports en commun de personnes – autocar ou autobus – sont un premier type d'accidents. Il a fait l'objet de 15 enquêtes. Je vous en présenterai 4 exemples.

Il s'agit d'abord de l'encastrement d'un autocar dans un passage souterrain à gabarit réduit, survenu à Rouen le 5 février 2010. Un autocar transportant des enfants s'est engagé sous un passage souterrain à gabarit réduit de 2,70 mètres de hauteur. La hauteur de l'autocar étant de 4 mètres, celui-ci a été littéralement « décapité ». La première cause de cet accident spectaculaire tient au manque d'attention de la conductrice, qui était préoccupée par des problèmes personnels et portait des écouteurs pour écouter de la musique sur son lecteur MP3 – elle s'est donc retrouvée « coupée » de l'environnement de conduite. Les autres causes sont l'insuffisance de réaction de l'entreprise de transport, qui avait détecté de mauvaises pratiques de conduite chez cette conductrice lors d'évaluations périodiques non obligatoires, l'absence de ceintures de sécurité dans l'autocar, et enfin l'absence de portique de sécurité signalant le gabarit en amont du passage souterrain – il avait en effet été accidenté et n'était pas encore remplacé.

Le deuxième exemple, qui fut très médiatisé, est l'accident survenu à un autocar polonais dans la descente de Laffrey, sur la commune de Notre-Dame-de-Mésage, dans l'Isère, le 22 juillet 2007. Ayant perdu sa capacité de freinage en bas de la descente, l'autocar a fait une sortie de route et s'est écrasé après une chute de 15 mètres, avant de s'embraser. Les facteurs qui peuvent expliquer l'accident sont ici le non-respect – délibéré – de l'interdiction de la descente de Laffrey aux poids lourds et autocars, une conduite inappropriée dans la descente – le conducteur savait mal conduire en montagne et n'a pas utilisé le frein moteur – ainsi que le mauvais état du système de freinage, qui n'était pas signalé par les témoins d'alerte.

Le troisième accident s'est produit le 20 janvier 2006 sur la ligne régulière Arles–Port-Saint-Louis-du-Rhône, à l'heure de la sortie des classes. L'intérêt de ce cas est de soulever la question des problèmes médicaux. C'est en effet à la suite du décès du conducteur – dû à un arrêt cardiaque – que l'autocar est sorti de la route. Or, bien souvent, comme ici, le médecin du travail hésite à déclarer l'inaptitude en cas de problèmes cardiaques. L'employeur n'étant pas au courant, l'accident finit par se produire. L'absence de port de la ceinture par la plupart des passagers a été un facteur aggravant.

Le dernier exemple est constitué par la collision d'un autocar de transport scolaire et d'un poids lourd, le 12 mars 2007, à Angliers, dans la Vienne. Malgré le panneau « Cédez le passage », l'autocar a refusé la priorité à un camion-benne et s'est encastré sur le côté de ce dernier. Outre le refus de priorité, nous avons incriminé une mauvaise visibilité sur la droite depuis l'intérieur de l'autocar, et des problèmes de discipline. Un élève a été tué dans l'accident : il était assis sur le tableau de bord, dos au pare-brise ! Là encore, l'absence de ceintures de sécurité – l'autocar, ancien, n'en était pas équipé – a été un facteur aggravant.

Les accidents de poids lourds constituent une deuxième catégorie d'accidents, qui a fait l'objet de 9 enquêtes. J'en citerai deux exemples.

Il y a d'abord la collision entre un autocar et un poids lourd survenue le 5 mars 2009 sur l'autoroute A9, à Pollestres, dans les Pyrénées-Orientales. Après avoir heurté l'autocar stationné sur la bande d'arrêt d'urgence, à seulement 80 centimètres de la voie de droite, le poids lourd a terminé contre les glissières du terre-plein central. Cet accident est assez représentatif de ceux qui se produisent sur les autoroutes : les arrêts sur la bande d'arrêt d'urgence sont particulièrement dangereux. Le premier facteur qui peut expliquer l'accident est donc l'arrêt inopportun de l'autocar sur la bande d'arrêt d'urgence – à la suite de la fermeture défectueuse d'une porte de soute à bagage, qui n'avait pas été détectée par le système de verrouillage centralisé – alors même qu'une aire de service était annoncée à 300 mètres. Par ailleurs, la trajectoire du poids lourd, qui roulait à cheval sur la bande d'arrêt d'urgence, était anormale, probablement en raison de la conduite en convoi de deux poids lourds. Il est à noter que le conducteur du poids lourd avait été sanctionné quelques mois auparavant sur une autre autoroute pour non-respect de la distance de sécurité.

L'enquête sur le deuxième accident est toujours en cours. Elle concerne la collision entre deux poids lourds survenue le 16 décembre 2010 sur l'autoroute A8, à La Trinité. À la suite d'une panne, un camion-citerne de transport de GPL s'est arrêté sur la voie de droite de l'autoroute, dans le contournement de Nice. Un camion-plateau transportant un mobil-home a heurté ce camion-citerne, qui s'est immédiatement enflammé. L'accident aurait pu être beaucoup plus grave s'il avait eu lieu à un autre endroit. Les facteurs ayant joué un rôle sont ici l'hypovigilance ou l'inattention du conducteur du camion-plateau, décédé dans l'incendie, mais surtout le manque de résistance à l'arrachement de la vanne de fond de cuve du camion-citerne. Celui-ci n'aurait jamais dû prendre feu. La réglementation européenne en vigueur impose en effet que la vanne de fond de cuve se referme en cas d'arrachement afin d'empêcher toute fuite. Néanmoins, les dispositions constructives ne sont guère précises, si bien que les constructeurs ont une marge d'interprétation. Il serait donc bon de procéder à une harmonisation de ces normes de sécurité.

Les accidents liés aux conditions de trafic constituent un troisième type d'accidents, qui a fait l'objet de 4 enquêtes. J'évoquerai deux exemples.

Il s'agit d'abord du carambolage impliquant 24 véhicules survenu le 19 octobre 2008 sur l'autoroute A4, à Courcelles-Chaussy, en Moselle. Le brouillard a certes joué un rôle dans l'accident, mais il n'est pas inhabituel dans cette région, notamment en cette période de l'année. C'est donc la présence de fumées – provenant de la combustion de bottes de paille répandues à proximité de l'autoroute à la suite de l'incendie d'un hangar agricole – qui a été déterminante. La combinaison du brouillard et de la fumée produit en effet un nuage très opaque – le fameux smog anglais. D'autre part, il s'est révélé difficile d'informer les usagers sur les difficultés qu'ils allaient rencontrer.

Le deuxième exemple, classique de la « queue de bouchon », est celui de la collision entre une file de véhicules et un poids lourd, survenue le 24 juillet 2006 sur la RN10, à Reignac, en Charente. Le poids lourd, qui roulait à 85 kilomètres-heure, a écrasé un camping-car qui se trouvait arrêté à la queue d'un bouchon provoqué par un premier accident. Le camping-car a été littéralement écrasé entre deux poids lourds : sa longueur a été réduite à environ 1,50 mètre. L'assoupissement du conducteur du poids lourds a pu être établi, les appareils de mesure ayant mis en évidence des oscillations de vitesse caractéristiques d'une alternance de phases de sommeil et de réveil. En outre, il avait eu une semaine de travail chargée et traînait une dette de sommeil due à des dépassements d'horaires ; il participait en plus à la moisson le samedi ! Enfin, une forte canicule sévissait à cette date. On note également l'absence d'alerte des usagers, la fourgonnette devant annoncer la « queue de bouchon » n'étant pas encore positionnée au moment de l'accident.

Les incendies spontanés de véhicules constituent un quatrième type d'accidents, qui a fait l'objet de trois enquêtes. À la suite des accidents des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, nous avons cherché à comprendre pourquoi les poids lourds et les autocars prenaient feu. Nous nous sommes ici intéressés à l'incendie d'un autocar à étages survenu le 23 février 2008 sur l'autoroute A43, au péage de Chignin, sur la commune des Marches, en Savoie. Le constat est simple : un autocar brûle très bien et très vite. Il concentre en effet dans un volume réduit le moteur, qui comporte des pièces très chaudes, les échappements, et un certain nombre de matériaux inflammables. Dans le cas présent, le feu venait de la chaudière. Il a couvé vingt minutes dans le compartiment moteur, à l'arrière du véhicule, avant que d'autres usagers de la route n'avertissent le conducteur à la vue des flammes. Il ne restait alors que dix minutes avant la combustion totale de l'autocar, qui a heureusement pu s'arrêter et évacuer ses passagers à temps. Les facteurs qui concourent à expliquer l'accident sont ici la désolidarisation du tuyau d'échappement de la chaudière, le manque de propreté de l'environnement de celle-ci, qui était couvert de résidus graisseux et de carburants inflammables, l'absence de détecteur d'incendie, la vulnérabilité des autocars à l'incendie, dont j'ai déjà parlé, et enfin la présence d'un seul escalier d'accès à l'étage, problématique pour l'évacuation. Dans le cas présent, les passagers étaient des jeunes revenant des sports d'hiver ; mais qu'en aurait-il été avec des personnes moins mobiles ?

Cinquième type d'accidents : les accidents impliquant un autre mode de transport, qui ont fait l'objet de 16 enquêtes. Je rappellerai d'abord le dramatique accident survenu à Allinges le 2 juin 2008, où 7 collégiens avaient alors trouvé la mort à la suite de la collision entre un TER et un autocar. L'autocar a été heurté par le TER sur un passage à niveau ; sa partie arrière a été arrachée. Parmi les facteurs ayant joué un rôle dans l'accident vient d'abord l'immobilisation de l'autocar, peut-être due à des facteurs mécaniques, mais plus encore au mouvement de panique du chauffeur qui, ayant bloqué le véhicule contre une bordure, a calé et n'a pu redémarrer assez vite. Cela a cependant été favorisé par la géométrie difficile du passage à niveau, qui rendait sa traversée longue et délicate pour des véhicules lourds et encombrants. La marge de sécurité par rapport au délai d'annonce des trains était donc réduite : pour un délai d'annonce des trains de 24 secondes, il fallait environ 13 secondes à un autocar pour traverser. Dans le cas présent, il s'est lancé au moment où le feu rouge s'allumait : le moindre incident pouvait donc être fatal.

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